TENDRE LA MAIN, TENDRE NOS MAINS…
En ce moment il est interdit de se serrer la main, les mains. Nous pouvons encore tendre la main. Cela nous révèle l’importance de ce geste simple aux significations multiples, ce geste de témoignage de notre empathie envers les autres, cette tradition occidentale dont il est difficile de se passer. C’est sans doute lié à l’importance de la main appendice pour le moins utile qui fait partie de notre humanité.
Le volume 11 du dictionnaire Littré consacre 19 pages de la page 594 à 613 à cette main.
Elle sert au toucher, à l’action, à la construction, elle est la force pour le guerrier. Elle est le sentiment quand elle est offerte avec son baiser posé dessus. Demande, expression quand elle se lève, offrande quand elle se tend. Elle peut être belle quand elle est fine chez une femme, belle aussi quand elle est usée, calleuse chez le vieillard, ou abimée par le travail chez l’artisan. Elle peut être plein, bonne, une aide au passage.
La main de l’autre tendue, pour aider, servir incite à tendre la notre, elle devient fraternelle, solidaire c’est le coup de main non violent. L’on connaît l’importance de la première main tendue, elle entraine les autres. Elle est la sérénité quand nous sommes entre de bonnes mains. Elle peut se faire douce et être de fer même recouverte de velours.
Elle est l’instrument des artistes, le prolongement de leur esprit, mais aussi de leurs rêves. Elle est chaude quand il fait froid en nous, elle réconforte, rassure.
Le Littré toujours ne compte pas moins de 70 définitions de sa fonction.
Dès lors il n’est pas étonnant que nos serrements de mains nous manquent, que nous ayons hâte de pouvoir les retrouver.
Pour le franc-maçon, ou le compagnon la main reste le plus beau de ses outils, elle lui sert à accomplir son chef-d’œuvre. Elle aussi un instrument de mesure, à sa mesure elle guide le tracé. L’on reconnaît sa valeur à la sureté de son tour de main.
Aujourd’hui encore la main dans la gestuelle initiatique est bien présente. Elle symbolise bien des secrets, elle incarne le sceau du secret, la main de justice. Pour l’apprenti elle est régulatrice du verbe, posée sur la gorge elle maîtrise les passions, empêche de parler pour ne rien dire. Elle est aussi dans cette position châtiment pour le parjure. Tendue elle est la fidélité et la persévérance dans les serments. Tendue encore dans les invocations elle sacralise la parole. Le maillet saisi par la main est la force et la volonté.
Dans les signes de reconnaissance elle ponctue par ses pressions successives les degrés de l’élévation spirituelle, de celui qui reçoit les signes.
Présente dans toutes les cérémonies initiatiques, elle guide le postulant aux mystères, plongée dans l’eau elle purifie symboliquement. Élevée vers le ciel elle est un signe de détresse. Posée sur le corps elle est délimite la matière de l’esprit. Posée sur le volume de la loi sacrée elle jure fidélité aux serments.
Elle encore à elle seule plusieurs symboles de la construction, par sa mise en équerre, mais aussi physiquement elle mesure par son empan cet intervalle entre le pouce et le petit doigt, ainsi que par sa paume intérieure, elle est signe du visible et de l’invisible, elle renferme nos lignes de vie.
Il y aurait bien plus encore à dire sur cette main qui constitue un maillon de la grande chaîne d’union entre les hommes, entre les sœurs et les frères. Nos mains sont précieuses elles sont le véhicule physique de notre volonté, de notre conscience. En particulier notre main droite, quand nos mains sont séparées nous sommes un peu en exil, quand elles ne peuvent plus se serrer elles se dessèchent. Comme il est dit dans le Psaume 136 – extrait :
« Et de là fit sortir Israël. Main forte et bras étendu. Car éternel est son amour. »
Psaume 137- Chant de l’exilé extrait :
« (1) Au bord du fleuve de Babylone nous étions assis et nous pleurions en nous souvenant de Sion..
(4) Comment chanterions-nous un cantique de Yahvé. Sur une terre étrangère ? Si je t’oublie, Jérusalem que ma droite se dessèche !
Espérons que nous pourrons bientôt serrer nos mains, en attendant nous demeurons ensemble par la pensée.
Jean-François Guerry.