NO COMMENT !
Jean-François Guerry.
Tribune. C’était jeudi 2 avril. Au cours d’une discussion sur la chaîne d’information en continu LCI, Jean-Paul Mira, chef de service à l’hôpital Cochin à Paris, a suggéré à Camille Cocht, directeur de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche scientifique (Inserm) de réaliser des tests de vaccins contre le coronavirus sur le continent africain. Depuis, les réseaux sociaux passent en boucle cet échange, et les tweets sur le sujet n’en finissent plus de partager l’émotion qu’il soulève.
L’affaire prend même un début de tour politique puisque Olivier Faure, le premier secrétaire du Parti socialiste, estime que le terme de « provocation » utilisé par Jean-Paul Mira n’est pas de mise, mais qu’il s’agit bel et bien de « racisme ». De son côté, l’association Esprit d’ébène, qui œuvre avec et pour les jeunes issus des diasporas africaines, a rédigé une lettre ouverte au chef de l’Etat
« Monsieur le Président de la République,
Ce jeudi sur LCI, une grande chaîne de télévision française, Messieurs Jean-Paul Mira, de l’APHP, et Camille Locht, de l’Inserm, ont évoqué un vaccin contre le coronavirus en proposant de le tester « en Afrique, où il n’y a pas de masques, pas de traitements, pas de réanimation ». Rien de choquant à les en croire puisque, déjà, sur les prostituées africaines, « on essaie des choses parce qu’on sait qu’elles sont hautement exposées » !
Nous, citoyennes et citoyens français, élues et élus de la République, responsables associatifs ou membres de la diaspora africaine, réprouvons avec force ces propos manifestement racistes, qui abîment et divisent notre pays. Nous exigeons des excuses de leurs auteurs et de LCI qui ne les a pas interrompus. A titre conservatoire, nous portons plainte devant le Conseil supérieur de l’audiovisuel et les juridictions compétentes et nous attendons des pouvoirs publics qu’ils réaffirment les valeurs républicaines.
Mesurez, Monsieur le Président, de tels propos qui sont une insulte à l’Afrique et à l’humanité.
Faut-il rappeler que le dénuement africain (« pas de masques, pas de traitement »…) n’est pas un fait de nature, mais résulte notamment d’un pillage continu ? Faut-il décrire les sentiments de familles réduites à la condition de rats de laboratoire ?
Imaginez, Monsieur le Président, l’impact de telles paroles sur l’image de la France et la montée du sentiment anti-français au sein de la jeunesse africaine dont, déjà, vous vous inquiétiez en décembre 2019, lors de la réunion du G5 Sahel.
Gageons, Monsieur le Président, que vous saurez associer les gouvernements africains à l’élaboration de recherches médicales respectueuses de leur souveraineté. Gageons que vous saurez solliciter, pour cela, les communautés africaines de France, toujours prêtes à s’impliquer dans le développement des deux rives de la Méditerranée.
Toutefois, cela supposera notamment de sortir d’une logique de stigmatisation, voire d’abandon, des personnes migrantes africaines. Cela supposera un sens de l’Histoire et de ses mouvements. »