EMBLÉMATIQUE
L’emblème est la demeure, le symbole vit, change, mais conserve son universalité. La constance de l’emblème favorise son appropriation, cette constance de l’emblème, sa représentation l’associe à une ou des vertus, que l’on veut faire nôtres. L’emblème se rattache au divin, le symbole est souvent associé à une religion particulière, mais il se relie je dirais à l’étage au-dessus au sens de religere donc à l’universel.
L’emblème s’associe à la réalisation d’une œuvre particulière, il peut être l’emblème de toute vie, il y a une reliance entre l’emblème et la devise. La devise républicaine Liberté, Égalité, Fraternité est considérée comme un emblème laïc, Marianne en est un des attributs.
L’aigle bicéphale est l’emblème de la devise Ordo Ab Chao en franc-maçonnerie.
L’emblème est donc une figure physique conventionnelle, l’incarnation d’une ou plusieurs vertus, la devise la volonté d’action, l’application de la vertu, des vertus incarnées par l’emblème.
Il y a peu de personnages emblématiques. Ils sont les figures des sages, des grands initiés, des héros. Dans notre histoire nationale Jeanne d’Arc est l’un de ces personnages, elle est célébrée au mois de mai le deuxième dimanche. Tout le monde veut se l’approprier c’est dire qu’elle est bien emblématique, elle est offerte en partage à la religion catholique, à tous les partis politiques de droite comme de gauche, les chefs d’État veulent se reconnaître en elle, le voyage symbolique du Président Macron à Orléans en est un témoignage récent. Jeanne d’Arc est une sorte de Sainte Laïque, de Sainte de la patrie.
Son chemin de vie est véritable labyrinthe, qui a retracé, redessiné la géographie de la France. L’on peut dire qu’elle a participé à la construction du temple national.
Elle a su concilier sa spiritualité et son action, devenant un véritable Chevalier de l’Esprit. Comment s’étonner dès lors qu’elle serve de référence.
Il y a eu les paroles attribuées à Jeanne d’Arc et les paroles sur Jeanne d’Arc celles des autres. Certaines de ces paroles semblent tirées de rituels, concernant la voix :
« Et vint cette voix environ à l’heure de midi, au temps de l’été, dans le jardin de mon père. »
On peut bien sûr y voir le début de ses travaux à midi, en plein été quand le soleil, la lumière sont au plus haut, le jardin de son père est son temple à ciel ouvert.
« La voix me disait de venir en France, et je ne pouvais plus durer où j’étais. »
Ou encore :
« (en parlant au Dauphin, à ses hommes) Je vous introduirai dans la cité de Troyes, par amour, ou par force, ou par courage. »
À Rouen :
« J’en appelle devant Dieu, le grand juge. »
La petite, l’humble Jeanne d’Arc, s’est levée, est devenue héroïque, elle a fait le sacrifice de sa vie, de son corps pour régénérer la France dans le feu du bûcher.
Dans les écrits sur Jeanne d’Arc l’on trouve l’incontournable Ditié de Jehanne d’Arc de la poétesse d’origine vénitienne Christine de Pisan. Qui est considérée comme une des premières féministes. Son Ditié fût terminé le 31 juillet 1429 après le sacre de Charles VII à Reims. Pour Christine de Pisan fait remarquable pour l’époque elle vivait de ses écrits, la femme était déjà l’avenir de l’homme. Son Ditié est considéré comme son œuvre testamentaire, son autre œuvre connue est celle du Traité des trois vertus.
Puis suivront les éloges de l’historien athée Jules Michelet :
« La sorcière avait dix huit ans, c’était une belle fille et fort désirable, assez grande de taille, la voix douce et pénétrante.. (…) comme une pauvre petite bergerette…(…)elle parla au Dauphin par moi vous serez sacré et couronné en la ville de Reims, et vous serez lieutenant du Roi des cieux.. »
Verdi, Péguy, Char, Régine Pernoud, ont écrit sur cette héroïne représentante emblématique des vertus de justice et d’amour quelles s’est employé à faire régner par la force.
Je m’attarde un peu sur le poème de René Char : Jeanne qu’on brûla verte. Le vert est sans doute une allusion à l’esprit de résistance même au feu.
« J’aurais bataillé avec cette jeune fille, près d’elle, pour elle.. »
René Char évoque dans son poème la métamorphose de Jeanne la bergère, le mystère en quelque sorte de la force qui l’a mise sur son chemin initiatique, qui va du secret au sacré, le sens de sa vie, le désir, la tension, la volonté qui la rendu emblématique.
Jean-François Guerry.