NIETZSCHE : « Deviens qui tu es. » Part II.
Nietzsche fût le premier philosophe briseur d’idoles, philosophe du marteau. Il y a eu de multiples interprétations de sa pensée, à chacun son Nietzsche en quelque sorte. Une chose est sûre sa pensée est originale, et c’est lui symbolise sans doute le mieux la rupture avec la tradition.
Philosophe des lumières, si c’est le cas c’est un radical des lumières, plus radical encore que Voltaire il ne détruit pas seulement les clercs, mais aussi les idoles religieuses qui selon lui ne sont que des créations humaines. « Vous ne forgerez pas d’idoles humaines. » Nietzsche à écrit dans : Ainsi parlait Zarathoustra :
« Tu ne déroberas point ! Tu ne tueras point ! » Ces paroles étaient appelées saintes jadis : devant elles on courbait les genoux et on baissait la tête, et l’on était dans ses souliers.
Mais je vous demande : où y eut-il jamais de meilleurs brigands et meilleurs assassins au monde, que les brigands et les assassins provoqués par les saintes paroles ?
N’y a-t-il pas dans la vie elle-même le vol et l’assassinat ? Et, en sanctifiant ces paroles, n’a-t-on pas assassiné la vérité elle-même ?
Ou bien est-ce prêcher la mort que de sanctifier tout ce qui contredisait et déconseillait la vie ? – O mes frères brisez, brisez-moi ces vieilles tables (…)
Dieu et les religions sont pour Nietzsche le nihilisme. Il est l’enfant radical des lumières, le casseur au marteau de l’obscurantisme.
Ou alors comme le pense Gilles Deleuze, Nietzsche est un critique radical des lumières, puisqu’il critique Dieu, mais aussi l’homme ; dont il est un critique de l’humanisme des lumières, de leur nouveau Dieu, la déesse Raison pure. On a jeté Dieu, on idolâtre l’homme, ses droits et ses idées de progrès.
La troisième interprétation de l’œuvre est plus subtile. C’est le Nietzsche élève d’Heidegger, elle apparaît comme la synthèse des deux premières interprétations. Nietzsche serait un penseur de la technique, de la raison expérimentale, de la volonté de puissance. C’est la maîtrise, pour la maîtrise, seul compte l’augmentation des forces productives.
Sans doute qu’aucune de ces interprétations n’est recevable dans sa totalité ? Il faut peut-être en faire une synthèse. Par la complexité de sa pensée Nietzsche apparaît plus comme un homme de l’élite, un aristocrate que comme un homme de la plèbe.
Nietzsche est l’homme des forces actives, toujours cette volonté de puissance, plus que celui des forces réactives de la démocratie. Sa critique de la démocratie n’en fait pas pour autant un anarchiste ou un hédoniste. Pour les anarchistes il parle : « d’une petite ivresse de puissance. » Comme Spinoza il voit les anarchistes comme des « pauvres en vie, de vie »
Nietzsche a un idéal, une morale la maîtrise de soi. Il distingue à l’intérieur de nous-mêmes une forme d’échelle de grandeur des forces actives, donc pas une anarchie, mais un ordre dont l’aboutissement serait la suprême maîtrise de soi. Je cite :
« C’est en maîtrisant les forces et en les hiérarchisant en nous-mêmes qu’on obtiendra le maximum de puissance et de joie. »
On peut voir dans cet idéal, cet objectif moral, la maîtrise de soi et de ses passions. Ou au contraire le danger d’une volonté de puissance si forte qu’elle peut dévier de son objectif moral.
Nietzsche ne combat pas le mal au sens où le font les religions. Il intègre le mal, les forces obscures qui sont en lui, ses parts d’ombre, pour les identifier, les combattre. Il spiritualise l’inimitié.
En maitrisant les forces réactives et actives, il harmonise, il synthétise, il initie, une sorte de voie du milieu, avec l’aide de sa volonté de puissance. Ce n’est pas à la portée de tout le monde et c’est une voie pavée d’embûches, réflexion personnelle.
C’est aussi à mon sens un peu contradictoire avec sa critique radicale du libre arbitre. Il instaure une liberté de choix, sous le joug de sa volonté de puissance. Aimer globalement le mal et le bien, pour approcher du réel, a ses limites à lire dans l’article III qui sera la conclusion.
Le couple joie souffrance, peut-il être cassé, éliminé par l’apathie des philosophes, une forme d’indifférence passive, contemplative, ou par l’ataraxie cette forme de tranquillité de l’âme.
La franc-maçonnerie, peut offrir une autre voie entre raison science, et foi religieuse. Une troisième voie, un chemin différend ouvert par l’intuition, levier des mystères, intuition du réel et même de l’au-delà du réel, une réalité intérieure.
Définition de l’initiation selon Marc Halévy :
« Pour le dire en un mot : L’initiation est une méthode visant à développer l’intuition et la capacité de résonner (et non de raisonner) afin d’atteindre directement, la réalité du réel. »
Nietzsche combattant de la raison et de la foi a t-il eu une intuition, l’intuition du réel. Qu’en pensez-vous ?
Jean-François Guerry.
Sources identiques à celles d’hier.
Demain dernière partie de l’article : « Aimer le monde sans restriction ? »
DES CITATIONS INSPIRANTES
Friedrich Nietzsche
Ce n'est pas le doute, c'est la certitude qui rend fou.
Friedrich Nietzsche ,Ecce Homo
Ne faut-il pas commencer par se haïr, lorsque l'on doit s'aimer.
Friedrich Nietzsche
Vivre de telle sorte qu'il te faille désirer revivre, c'est là ton devoir.
Friedrich Nietzsche
Friedrich Nietzsche
Friedrich Nietzsche
Friedrich Nietzsche
Le mythe de la Caverne de Platon « la République >>
Représente toi des hommes qui vivent dans une demeure souterraine en forme de caverne, possédant, tout le long de la caverne, une entrée qui s’ouvre largement du côté de la lumière ; à l’intérieur de cette demeure ils sont depuis leur enfance, enchaînés par les jambes et par le cou, en sorte qu’ils restent à la même place, ne voient que ce qui est devant d’eux, incapables d’autre part, en raison de la chaîne qui tient leur tête, de tourner celle- ci circulairement. Quant à la lumière elle leur vient d’un feu qui brûle en arrière d’eux, vers le haut et loin. Or, entre ce feu et les prisonniers, imagine la montée d’une route, en travers de laquelle il faut te représenter qu’on a élevé un petit mur qui la barre, pareil à la cloison que les montreurs de marionnettes placent devant les hommes qui manœuvres celles-ci et au dessus de laquelle ils présentent ces marionnettes au regard du public. Alors, le long de ce petit mur, vois les hommes qui portent, dépassant le mur, toutes sortes d’objets fabriqués, des statuts, ou encore des animaux en pierre, en bois, façonnés en toute sorte de matière ; de ceux qui le longent (le mur ) en les portant, il y en a vraisemblablement qui parlent, il y en a qui se taisent. Cela c’est la situation allégorique de l’homme au stade de l’ignorance, et comme son interlocuteur s’en étonne, Socrate – porte parole de Platon, évidemment – commente l’allégorie : ces hommes enchaînés ne voient que les ombres portés des objets en question sur le mur de la caverne, et ils n’entendent que l’écho des paroles prononcées par ceux qui les portent derrière le mur :.. dès lors, les hommes dont elle est la condition ne tiendraient, pour être le vrai, absolument rien d’autre que les ombres projetées par les objets fabriqués. L’ignorant enchaîné dans la caverne, prend donc des illusions pour des réalités, et c’est en cela qu’il est ignorant. A certains, cependant il peut être donné de sortir de cet état.
Quand l’un de ces hommes aura été délivré et forcé soudainement à se lever, à tourner le cou, à marcher, à regarder du côté de la lumière ; quand, en faisant tout cela il souffrira ; quand, en raison de ses éblouissements, il sera impuissant à regarder lesdits objets, dont autrefois il voyait les ombres, quel serait son langage si on lui disait que, tandis qu’autrefois c’était des billevesées qu’il voyait, c’est maintenant dans une bien plus grande proximité du réel et tourné vers de plus réelles réalités, qu’il aura dans le regard la plus grande rectitude ? … Ne penses tu pas qu’il serait embarrassé ? qu’il estimerait les choses qu’il voyait autrefois ( les ombres ) plus vraies que réelles qu’on lui désigne maintenant ( les objets ). Nous voici donc sur la voie du savoir, mais ce n’est pas facile. Il faut d’abord faire tomber les chaînes qui nous maintiennent prisonnier ; qui le fera ?. Le texte nous dit : << Quand l’un de ces hommes.. >> la délivrance n’est plus collective ; c’est une démarche individuelle ( élitisme Platonicien ) Le mythe ne nous fournit pas d’explications, non plus, sur les forces qui nous poussent à nous débarrasser des chaînes. Pourquoi, après tout, vouloir sortir de l’erreur si l’on s’y trouve bien ? D’autant que cette délivrance ne va pas sans mal : la marche vers la vérité est source de souffrance, d’éblouissements, qui nous font regretter notre ignorance tranquille. A cette question Platon répondra par la triple théorie de l’âme ( Phédon, Phèdre ), de l’amour ( le banquet ) et de la réminiscence ( Ménon ). Mais la contemplation de ces objets n’est pas le dernier mot du savoir. Il faut porter les yeux aussi vers la lumière elle-même qui les éclaire, ce qui est une épreuve plus pénible encore que la précédente, et il parviendrait à contempler le soleil ( allégorie du Souverain Bien ) <<i qui la gouverne de toutes les choses qui existent >> et qui en est la cause >> de tout ( cause des objets marionnettes et cause des ombres qu’ils projettent ) Et le mythe décrit aussi la situation du sage qui après avoir contemplé les vraies réalités, ne peut qu’être indifférent aux ombres que cultivent ceux qui sont restés enchaînés dans la caverne Bien plus : << celui qui entreprendrait de les délier, de leur faire gravir la pente , ne crois tu pas que, s’il pouvait de quelque manière le tenir entre leurs mains et le mettre à mort , ils le mettraient à mort en effet.. on a reconnu ici l’allusion au procès et à la condamnation de Socrate, et on retrouve le pessimisme platonicien : la voie vers la vérité n’est réservée qu’à quelques uns ; la multitude – pour des raisons inexpliquées – vit dans l’erreur et ne peut en être débarrassée. L’enseignement du philosophe n’atteindra qu’un petit nombre. En plus, ils risqueront d’être incompris et rejetés par leurs semblables. C’est ce qui est arrivé à Platon lors de son second voyage en Sicile, en 366 av. JC, lorsqu’il tenta d’appliquer les doctrines de La République à la pratique politique.
Connaît toi - toi-même – La possibilité ne s’en laisse pas expliquer comme le souligne la lettre de Kant à Beck du 1 er Juillet 1794. L’accord qui définit la vérité. Puisqu’il ne réside ni dans la seule représentation, ni dans la seule conscience…doit être reporté à quelque chose ..de différend du sujet, c'est-à-dire un objet. En écrivant cela , je remarque que je ne me comprends pas suffisamment moi-même, et je vous souhaite beaucoup de chance si vous arrivez à exposer avec suffisamment de clarté ces fils ténus de notre faculté de connaître. C’est la subjectivité de VITRIOL.
Nietzsche. L’Homme et sa solitude – Il se demande s’il n’y a pas en lui, nécessairement , derrière chaque caverne une autre qui s’ouvre encore plus profonde, et au-dessous de chaque surface un monde souterrain plus vaste, plus riche, et sous tous les fonds, sous toutes les fondations, un tréfonds plus profond encore. Toute philosophie est une façade. << tel est le jugement du solitaire. Toute philosophie dissimule une autre philosophie, toute opinion est une cachette, toute parole peut être un masque. La caverne du solitaire n’est plus celle de Platon.
C.Galinier