Les Lumières aujourd’hui….
Les médias en général, et les médias audio-visuels en particulier, semblent aujourd’hui nourrir une foule béate, qui a remplacé le peuple de la liberté. Cette foule attend passivement ce qu’elle connaît déjà.
La plupart des lecteurs des journaux sont abonnés à leur propre pensée, ils ne lisent que les journaux avec lesquels ils sont d’avance en accord, le pluralisme de la presse écrite subventionnée par l’état existe mais chaque lecteur à son propre journal. L’ouverture de son compas est étroite.
Les médias ne se hasardent pas à poser à leurs lecteurs des questions dont ils ne connaissent pas déjà la réponse.
Au XVIIIème siècle les choses étaient bien différentes. Les penseurs successeurs de Kant comme Hegel ou Nietzsche se sont confrontés sur la question : « Qu’est-ce que les Lumières ? » Kant a introduit une nouvelle manière de penser, penser par soi-même. Olivier Dekens écrit :
« On pourrait même dire que la philosophie moderne se définit par le fait de se poser la question : Qu’est-ce que les Lumières ? »
L’homme des lumières est donc celui qui se pose des questions à lui-même et aux autres ensuite, il est un chercheur actif de la vérité, il est par son attitude à la conquête de sa liberté.
Le profane qui frappe à la porte du temple maçonnique, et demande a être reçu franc-maçon se pose aussi des questions sur lui-même, sur le pourquoi de sa vie, sur ses rapports à l’autre, ses rapports à la nature et sa place dans le monde, c’est en ce sens qu’il est un chercheur des Lumières, de la Lumière.
Le débat autour des Lumières quelques trois siècles après est toujours dans l’actualité ou pour le moins, le débat sur l’esprit des Lumières, sur l’autonomie de l’homme, sa liberté de penser et d’agir. Ce débat n’est pas prêt de s’éteindre, sauf à vendre son âme aux marchands de la mondialisation.
Husserl s’interrogeait sur une forme de naïveté du rationalisme des Lumières, qu’il ira jusqu’à qualifier d’irrationnel. Habermas lui dénonce l’erreur de nombreux philosophes qui confondent subjectivité et rationalité. Pour lui, la raison n’est pas dictatoriale, elle n’introduit pas une forme de subjectivité.
Pourtant après les désastres du XXème siècle, que reste t’il du projet des Lumières, de la liberté des Lumières sous le feu destructeur des guerres, le feu brûlant des camps de concentration des nazis. Auschwitz a t’il tué les Lumières ? Le projet d’universalisme est-il mort dans les Goulags, ou peut-il renaître de ses cendres.
L’on peut ‘raisonnablement ‘ s’interroger quand l’on voit la stagnation du nombre des porteurs de Lumière, des passeurs de Lumière, des lanceurs d’alertes qui se comptent sur les doigts d’une seule main et leur manque de soutien dans la cité.
Quand toutes les obédiences maçonniques s’interrogent sur la diminution, au mieux la stagnation de leurs membres. Les Lumières ne font-elles plus rêver ?
Il en a semble t’il toujours été ainsi : « Il faut que je meure, pour qu’il naisse … » Sommes au terme d’une civilisation ?
L’opposition bien mal est-elle suffisante, pour faire régner le bien ? L’événement du 11 septembre semble nous démontrer que non. Le terrorisme est aussi immoral que l’est la mondialisation, qui laisse mourir de faim des millions d’individus.
Baudrillard a écrit dans le Monde du 03/11/2001 à propos de l’Esprit du terrorisme pour extrait :
« Nous croyons naïvement que le progrès du Bien, sa montée en puissance dans tous les domaines (sciences, techniques, démocratie, droits de l’homme) correspond à une défaite du mal. Personne ne semble avoir compris que le Bien et le Mal montent en puissance en même temps, et selon le même mouvement. Le triomphe de l’un n’entraine pas l’effacement de l’autre, bien au contraire. On considère le mal, métaphysiquement, comme une bavure accidentelle, mais cet axiome, d’où découlent toutes les formes de lutte du Bien contre le Mal, est illusoire. Le Bien ne réduit pas le Mal, ni l’inverse d’ailleurs : ils sont à la fois irréductibles l’un à l’autre et leur relation est inextricable. »
Est-il raisonnable de penser ainsi, n’est-ce pas désespérer de l’avenir, n’est-ce pas nier le perfectionnement possible de l’homme ?
Serait-ce le même chemin qui conduit des ténèbres à la Lumière ? Ce chemin, qui est un labyrinthe long et inextricable. Franc-maçon nous connaissons la nécessaire descente, vers la connaissance et l’acceptation de notre part d’ombre, pour pouvoir accéder au triomphe de la Lumière, nous savons qu’au chaos succède l’ordre. Que la Lumière qui brille en nous ne peut s’éteindre.
Nous savons que le comment, c’est-à-dire fuir le vice et pratiquer la vertu, ne peut pas se dissocier du pourquoi, pour atteindre une liberté qui se situe dans une conjugaison entre immanence et transcendance, cette transcendance hors de portée de notre raison humaine, mais dont nous avons en nous l’intuition, qui constitue une véritable force pour établir sa vie, pour atteindre la joie du cœur.
À suivre….
Jean-François Guerry.