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la Franc Maçonnerie au Coeur

la Franc Maçonnerie au Coeur

Un blog d'information, de conversations sur le thème de la Franc Maçonnerie, des textes en rapport avec la Franc Maçonnerie, comptes rendus et conseils de lectures.

Publié le par Jean-François Guerry
DROITS ET DEVOIRS

DROITS ET DEVOIRS

 

« Il est parfois plus facile de faire son devoir que de le connaître. » Rituel Maçonnique.

 

 

Cette phrase énigmatique tirée d’un rituel maçonnique, ouvre la voie d’une réflexion sur les droits et devoirs de l’homme en général et du franc-maçon en particulier. L’instruction maçonnique nous apprend que ce qui paraît extraordinaire au profane, n’est pour le franc-maçon que la pratique de son simple devoir.

 

Vos remarquerez que dans ce préambule, contrairement aux habitudes bien ancrées dans notre société, je n’ai pas encore prononcé le mot droit, ni mes droits. Faut-il d’emblée penser, et conclure. Que le devoir, les devoirs précèdent, dominent les droits ? Un peu suivant la morale que m’ont enseigné mes grands-parents et mes parents, avant de jouir de tes droits fais ton devoir, tes devoirs, ou encore avant de commander il te faudra savoir obéir. L’apprenti franc-maçon apprend dans le silence, le compagnon sur la route du devoir construit son chef-d’œuvre c’est à dire sa vie, le maître trace les plans et instruit les frères apprentis et compagnons ainsi se déroule la route du devoir, bornée par les élévations successives de la conscience du franc-maçon qui le mène du cabinet de réflexion au Nec plus Ultra de l’initiation, ou il frôlera l’humilité qui le fera redescendre vers ses frères, vers l’amour des autres avant l’ultime voyage.

Le myste qui se regarde dans le miroir, découvre la connaissance de lui-même, voie vers la vérité et la connaissance des autres, les droits des autres, de l’autre.

 

Des Droits de l’homme.

Le Marquis de Lafayette.

Cette simple évocation, nous fait penser à « La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. » L’acte de naissance de cette déclaration est le 26 août 1789. Cette déclaration fut largement influencée par le préambule de la déclaration d’indépendance des États-Unis d’Amérique de 1776. Un juste retour en France des idées portées par les Lumières. De nombreux francs-maçons prirent part au côté des insurgés américains à la guerre d’indépendance des États-Unis, dont le Marquis de La Fayette resté plus célèbre dans le nouveau monde que chez nous. (Lire la biographie de Lafayette par Gonzague Saint Bris).

Benjamin Franklin

Benjamin Franklin qui débarqua dans le port de Saint-Goustan à Auray dans le Morbihan, le 4 décembre 1776 pour chercher des subsides auprès du roi de France Louis XVI, le guillotiné participa donc à la révolution dans le nouveau monde. Benjamin Franklin qui fréquenta la célèbre loge parisienne des Neuf sœurs celle là même qui initia Voltaire.

 

On notera que certains des ardents défenseurs des droits de l’homme, comme Lafayette ou Washington tous les deux francs-maçons avaient dans leurs plantations des esclaves noirs. Les idées portées par Lafayette, Franklin, Washington étaient semblables à celles de leurs prédécesseurs comme John Locke le rationaliste, précurseur du libéralisme et combattant de l’absolutisme. C’est lui qui est à l’origine de la notion d’état de droit ou Thomas Hoobes le rationaliste, matérialiste auteur du Léviathan, développe l’idée de la nature humaine, à la place d’une vérité révélée. Mais aussi en France Montesquieu, l’écrivain de L’esprit des lois, ardent défenseur de la séparation des pouvoirs.C’est dans cette marmite philosophique et intellectuelle que naquit cette Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Le port de St Goustan à Auray

Arrêtons-nous un instant pour regarder cette icône, cette image symbolique des Droits de l’homme et du citoyen, cette huile sur toile de Le Barbier visible au musée Carnavalet : On y voit à gauche le peuple français se libérant des chaines de l’ancien régime et se saisissant de la couronne de la souveraineté (le peuple devient souverain). Sur la droite figure l’être suprême tenant un sceptre et montrant le delta lumineux, qui porte lui-même en son centre l’œil suprême de la raison. (Est-ce la première marque de la substitution de Dieu par une autre divinité en l’occurrence la déesse raison ? L’on pourrait dire aujourd’hui l’image d’une spiritualité laïque particulière donc contraire à l’universalité, ou est-ce trop tôt ?) Cette déesse raison marque la prédominance du Déisme par rapport au Théisme.

La déesse raison étant son règne pour dissiper « les nuages de l’erreur. » L’on discerne dans cette icône des droits de l’homme et du citoyen une forte inspiration maçonnique et de sa « religere naturelle. »

 

De l’euphorie à la terreur.

F R de Chateaubriand

L’année 1789 en France, a vu la convocation des états généraux le 24 janvier on entre en campagne électorale. Le 27 janvier en Bretagne à Rennes, les États de Bretagne sont paralysés, il y a une lutte entre la noblesse et la bourgeoise, l’hiver est rude, le pain manque, c’est la journée dite des Bricoles sorte de harnais de halage utilisés par les porteurs d’eau. Les étudiants après un rassemblement dans l’église des Toussaints partent à l’assaut du parlement où les nobles, dont Chateaubriand se sont réfugiés, ils font une sortie épée en main, deux jeunes nobles dont un ami cher à Chateaubriand sont tués, il relate l’événement dans ses Mémoires d’outre- tombe :

 

« Lecteur, je t’arrête : regarde couler les premières gouttes de sang que la Révolution devait répandre. Le ciel a voulu qu’elles sortissent des veines d’un compagnon de mon enfance. » (Dictionnaire du patrimoine Rennais)

Cahier de Doléances

Le 7 février 1789 rédaction des Cahiers de doléances. L’on trouve dans ses cahiers des récriminations contre l’industrie qui provoque la pollution des cours d’eau, et qui épuise les ressources naturelles. Prémisses des gilets jaunes de 2018, de la lutte contre la pollution de la planète. Ou en sommes d’ailleurs de la collecte des idées recueillies dans les cahiers de doléances de 2018 et de leurs applications dans la société ?

 

En mars élections des états généraux, le 23 mars émeutes à Marseille dues à l’augmentation du prix du blé, le régime fiscal est modifié.

 

Le 24 avril émeute frumentaire à Orléans.

 

Le 30 avril création à Versailles du Club Breton il deviendra le Club des Jacobins. Le premier acte de la centralisation qui perdure depuis dans notre société. Robespierre deviendra un membre actif de ce club. Nouvelles émeutes à Marseille.

Le mois de mai fut consacré aux États généraux.

 

 Le 22 mai la noblesse renonce à ses privilèges pécuniaires elle sera imposée à raison des biens qu’elle possède. Un des premiers actes de justice fiscale, les droits commencent à s’établir.

 

Le 17 juin constitution d’une Assemblée Nationale. Proclamation d’un droit de consentement à l’impôt.

Le serment du jeu de Paume

Le 20 juin Serment du jeu de paume volonté de donner une constitution à la France.

 

Le 23 juin l’Assemblée Nationale déclare inviolable la personne de ses députés, Mirabeau déclare :

« Nous sommes ici par la volonté du peuple et nous n’en sortirons que par la force des baïonnettes. »

 

Le 5 juillet les troupes allemandes approchent.

 

Entre le 12 et le 14 juillet émeutes ouvrières à Rouen, troubles à Paris, les gardes-françaises se rallient aux émeutiers.

 

Le 13 juillet les émeutiers s’emparent des stocks de grains, les octrois sont démolis, les prisons ouvertes, les parisiens s’arment.

 

Le 14 juillet c’est la prise de la bastille, elle est placée sous le commandement de Lafayette.

 

Le 17 juillet le Roi se rend à paris et arbore la cocarde tricolore.

 

Les 17 et 19 juillet début de l’émigration.

 

Le 19 juillet à Rennes la foule envahi l’arsenal s’empare des armes, les soldats ne tireront pas sur la foule.

 

Entre le 20 juillet et le 6 août : Grande peur. Dans de nombreuses villes la foule pille, saccage les bâtiments publics.

 

Le 4 août Abolition des privilèges.

 

Le 26 août : Lecture à l’Assemblée Nationale de la Déclaration des Droits de l’homme et du Citoyen.

Temple Rennais de la loge La Parfaite Union

Les Bretons et en particulier les Rennais ont pris une part importante dans la révolution française, le Club Breton, cité ci-avant, qui deviendra plus tard le Club des Jacobins en témoigne. Dans son livre Rennes : les francs-maçons du Grand Orient de France 1748-1998 – 250 ans dans la ville. Préfacé par Edmond Hervé ancien Maire de Rennes en août 2005 ; et qui commence par cette citation de Marguerite Yourcenar : « Quand on aime la vie, on aime le passé, parce que c’est le présent, tel qu’il a survécu dans la mémoire humaine. »

 

Livre qui s’appuie sur les travaux de la loge La Parfaite Union qui existe toujours, ainsi que sur les archives départementales, la vie de cette loge pendant la révolution nous donne l’ambiance qui régnait alors.

La Parfaite Union est la seule loge française qui peut s’honorer d’avoir gardé une activité continue du XVIIIème siècle à nos jours.

Bien avant 1789, comme en témoigne la citation de Louis de Saint Leu, chanoine régulier de l’Abbaye de Rilley proche de Fougères, citation reprise par Daniel Kerjan et mettant à l’honneur les francs-maçons dans leurs désirs d’égalité, de fraternité, de liberté, de justice donc de défense des droits fondamentaux :

Un temple Maçonnique Breton

« au-dessus des préjugés, sans épouser les haines nationales qui armèrent Sparte contre Athènes, Rome contre Carthage, Richard contre Philippe-Auguste, sans se prononcer entre Genève et Rome, Hussein et Mahomet ; sans se laisser éblouir par les brillantes chimères des rangs ; ouvrant également leur sanctuaire à ce guerrier intrépide qui, pour la défense de la patrie brave les dangers de la mort ; à ce magistrat qui, aussi intègre que la justice, est prêt à sacrifier ses biens, sa fortune et sa vie pour le maintien sacré des lois ; à ces négociants qui, par leur commerce, augmentent la jouissance de l’État, quadruplent les forces du Prince, sauvent de la misère et de l’opprobre la timide industrie et l’artisan dont l’activité embellit nos cités et fait circuler dans nos campagnes l’abondance et la fécondité ; enfin au ministre de la religion qui plaint les erreurs des hommes, les chérit, les aime et les secourt, en un mot, à tous les hommes pourvu qu’ils soient vertueux. »

Voilà décrit en 1777 l’idéal maçonnique, imprégné des lumières, qui pose l’égalité entre les hommes vertueux qu’ils soient riches ou pauvres et fonde quelques 12 ans avant 1789 ce qui sera écrit dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.

A noter que l’on trouvait beaucoup de francs-maçons évidemment dans la noblesse, mais aussi parmi les ecclésiastiques.

 

Augustin Cochin, historien, catholique, monarchiste mort à 31 ans en 1916 au front. S’est intéresser avec Tocqueville à la pensée de la révolution française. Il fait un rapprochement entre la structure, l’appareil maçonnique (qu’il qualifie de machine), organisé en trois groupes apprentis, compagnons et maîtres) et les Chambres de lecture, les Académies et les Sociétés patriotiques. Ces dernières comparées aux corps maçonniques en général. Le Club Breton c’est-à-dire le Club Jacobin centralisateur, dont les pensées seraient en fait celles des loges Rennaises.

Cette démonstration trouve ses limites quand il écrit à contrario « Que l’esprit révolutionnaire est le fait du groupe, non d’individus. » L’on peut penser que le groupe en question est la loge, sauf qu’à cette époque les loges étaient peu fréquentées par les membres de toutes les Assemblées révolutionnaires ayant également la qualité de francs-maçons.

Daniel Kerjan, à, démonter avec rigueur cette hypothèse de l’influence majeure des loges dans l’esprit révolutionnaire, un complot maçonnique avant l’heure !

Il n’en demeure pas moins que parmi tous ceux qui ont inspiré et voté les lois sur l’égalité à cette époque se trouvait de nombreux francs-maçons en général et rennais en particulier.

La théorie d’Augustin Cochin comme le signale Daniel Kerjan s’appuie sur deux textes trouvés dans les archives de la loge la Parfaite Union, je vous rapporte l’un des deux qui est le discours prononcé le 23 juillet 1789 par un ancien Vénérable de la loge Joseph Corbin de Pontbriand procureur au Parlement.

 

« Le triomphe de la liberté et du patriotisme est le triomphe le plus complet du véritable maçon. C’est de nos temples et de ceux élevés à la sainte philosophie que sont parties les premières étincelles du feu sacré qui, s’étendant rapidement de l’orient à l’occident, du midi au septentrion de la France, a embrasé le cœur de tous les citoyens.

La magique révolution qui sous nos yeux s’opère en si peu de jours doit être célébrée par les disciples fidèles du véritable Maître avec un saint enthousiasme dont les profanes ne peuvent partager les douceurs.

Les cantiques que les vrais enfants de la veuve chantent maintenant sur la montagne sacrée, à l’ombre de l’acacia, retentissent au fond de nos cœurs, et les mains levées vers le Grand Architecte de l’Univers nous devons tous conjurer de porter à l’auteur de tout bien l’hommage de notre vive gratitude.

Les principes d’égalité, de justice et d’humanité que, sous le sceptre de fer d’un prince bourreau de ses sujets les plus fidèles, et sous le gouvernement tyrannique de la féodalité, les martyrs de notre ordre respectable développaient avec tant d’énergie avec nos pères dans l’art royal, le père des Français, le Roi de vingt cinq millions d’hommes libres, Louis XVI enfin, vient de les consacrer à jamais sous son empire.

Aucun de nous n’ignore que notre Respectable Grand Maître le Duc d’Orléans a concouru plus que personne à l’heureuse révolution qui vient de s’opérer. Empressons nous d’entrer dans ses vues, signalons notre joie et ne craignons point de la faire éclater par des actes de bienfaisance aux yeux de tous nos concitoyens.

Qu’il est beau, le jour, où un roi citoyen, vient annoncer qu’il veut commander à un peuple libre, et former de son superbe empire une vaste Loge dans laquelle tous les bons français vont désormais être frères !

Qu’il soit gravé dans nos fastes, en caractères brulants d’amour, cet événement aussi glorieux pour les français que pour leur Roi, dont les annales du monde ne présentent aucun autre exemple.

Que les soldats citoyens qui par leur dévouement à la chose publique et leur noble marche sous les drapeaux de la liberté ont sauvé la patrie, reçoivent les hommages de notre admiration et de notre profonde reconnaissance.

Dans les transports de joie qui nous animent, faisons retentir les voûtes du temple de la charité, de l’égalité et de la liberté, de nos cris éclatants et répétés de Vive la nation, Vive le Roi, vive le Grand Maître des maçons français, leur ange tutélaire et celui de tous les vrais citoyens. »

 

Un peu plus d’un mois plus tard était rédigé la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.

 

Ce regard sur l’époque et à travers le prisme maçonnique, éclaire sur le fait que les Droits peuvent être raccrochés au collectif, au social, à ce qui fait société, nécessitant un effort pour s’intégrer dans un cadre collectif réglementé, incluant la justice, la vie des droits n’est donc possible que par un effort, un travail personnel, tenant compte de l’autre, des autres ; mais cette vie nécessite aussi une participation collective, une solidarité, éveillée, consentie, acceptée. Pour ce qui est des Devoirs c’est, plus intime, plus complexe….

 

Arrêtons-nous un instant sur la période qui ira de 1789 à 1795. Le peuple avait tant souffert de l’injustice, des privilèges en général, il lui fallait sortir de l’obscurantisme religieux, mais il avait aussi besoin de croire ! Il détrôna la religion catholique romaine pour installer la déesse raison, l’être suprême. Ce concept devait représenter les droits, la liberté, l’égalité le temps était à l’euphorie. C’était une fête grandiose ! Jules Michelet a écrit :

Le culte de la Déesse Raison

« Le génie de la Révolution, j’aime à le suivre, à l’observer dans ces admirables fêtes où tout un peuple, à la fois acteur et témoin donnait, recevait l’élan de l’enthousiasme moral, où chaque cœur grandissait de toute la grandeur de la France, d’une Patrie qui, pour son droit, proclamait le droit de l’humanité. »

 

 L’on assiste là, à la création d’une religion universelle, ayant des lois naturelles convié au banquet de la Révolution. Cette religion de la raison va reprendre les codes de l’ancienne religion et l’on aménage simultanément la religion catholique.

L’on peut voir des représentations de cette nouvelle religion sur des tableaux ou s’inscrivent les mentions : Évangile de la Liberté, adressé à l’Etre Suprême, par les sans-culottes de République Française, suite à la prière républicaine. Des tableaux représentants la Philosophie où encore des affirmations comme Le peuple Français reconnaît l’Etre Suprême et l’immortalité de l’âme.

 

Lors de la Fête de l’Etre Suprême le 20 Prairial de l’an II c’est-à-dire le 8 juin 1794, l’on chante sous les voûtes gothiques les strophes à l’Etre Suprême écrites par Aristide Valcourt sur l’air des Montagnards, extrait :

 « Ce Dieu n’est point le Dieu des prêtres, Injuste, cruel, orgueilleux ; Le créateur de tous les êtres. Nous fit naître pour être heureux.

 

Quand sur Dieu l’homme s’interroge, qu’en soi-même il veut y songer, il dit : le monde est une horloge. Dont il existe un horloger.

 

Cet horloger est celui de Voltaire, c’est le Grand Architecte de l’Univers des déistes.

Voltaire

La Révolution ouvre ainsi la porte à l’établissement d’un pacte social, dont la loi devient la source de toutes les vertus sociales, vertus qui émergent de l’Etre Suprême. Le moteur de la morale universelle est lancé, avec ses droits.

 

Il est intéressant de noter à ce sujet, la déclaration sur la tolérance de Bouëstard de la Touche, Médecin, Philosophe, Franc-Maçon & Jacobin, résident à Morlaix dans le Finistère :

 

« Si la loi est respectée par tous, toutes les Religions doivent être tolérées.

O mes concitoyens ! Gardez-vous de croire qu’en essayant de vous démontrer ces deux vérités, je veuille éteindre dans vos âmes les sentiments religieux par lesquels vous honorez, peut-être diversement, l’intelligence suprême.

N’en doutons pas. Elle les agrée tous, lorsqu’ils partent d’un cœur pur. Et nous devons les tolérer tous, sitôt qu’ils ne sont pas en contradiction avec la Loi de la nature, avec celle du gouvernement. Je dis plus : c’est proclamer l’existence de ce Etre incompréhensible, c’est en affirmer tous les cultes, que dire aux humains divisés sur cet objet : ralliez-vous autour de la Loi, vous fixerez la paix sur terre, vous assurerez votre bonheur, vous affermirez celui de tous les hommes. »

 

Cet appel, plus cette ode à l’esprit de tolérance est dans le droit fil d’une pensée universelle maçonnique, c’est aussi ce que sera bien plus tard la loi sur la laïcité et même sur celle que l’on veut nous proposer sous le nom de loi contre le séparatisme ! On sent l’émergence prochaine des devoirs mis en face des droits, pas en opposition, mais qui doivent marcher de concert.

 

Bouëstard continue ses injonctions qui ressemblent à celles des rituels maçonniques :

 

« Ni la fortune, ni la volupté, ni l’or, ni les honneurs ne peuvent assurer le bonheur de l’homme, mais seulement la vertu morale.

 

« Suivrons-nous le voluptueux ? Souvent et presque toujours le dégoût et la douleur sont les suites de ce penchant effréné pour le plaisir. »

 

« La soif de l’ambitieux s’irrite par la possession des places que souvent il usurpe sur le talent modeste. »

 

« Quelle jouissance pourra donc satisfaire chez nous le désir du bonheur ? La jouissance de notre propre estime, de celle de nos concitoyens. Que faut-il pour obtenir l’une et l’autre ? S’abstenir de toute action qui répugne à notre conscience, à ce sentiment intime qui seul nous suffit pour distinguer l’utile et l’honnête, se faire aimer par le bien qu’on pratique, par la bonne réputation que l’on acquiert. Elle est le fruit nécessaire des talents et de la vertu. »

 

C’est peut-être une réponse à ce fameux devoir qu’il est plus facile de faire que de le connaître.

Emmanuel Kant

L’on discerne aussi dans ces injonctions, la pensée d’outre-Rhin d’Emmanuel Kant qui soutient la Révolution française avec son idéalisme transcendantal, il fit paraître sa « Critique de la Raison pure » en 1781, et plus tard sa Métaphysique des Mœurs, où il est question de la Liberté, de Dieu et de l’immortalité de l’âme. Le tribunal révolutionnaire de Kant, est le tribunal intérieur où notre conscience siège à la place du juge. C’est aussi l’affirmation de notre droit à penser par nous-même son Sapere aude empruntée à Horace et qui deviendra la devise des Lumières.

Morlaix sous la Révolution

Le devoir, les devoirs sont de plus en plus conviés à la table des droits. Bouëstard de la Touche poursuit ses injonctions :

 

« Mais celui dont la conduite est toujours en opposition avec la Loi, pourra- t- il se procurer ces précieux avantages ? Non. S’il affecte d’être heureux, il ment à sa propre conscience, il éprouve des remords continuels. La paix et le repos ont fui de son cœur.

La Loi ne nous oblige en effet que parce qu’elle est l’expression de la volonté générale…. »

 

A mon sens les choses ne sont pas aussi simples, il y a loi et lois. Bouëstard est contraint d’expliquer, de distinguer.

 

« …la loi naturelle lui commande d’aimer ses semblables… »

 

« Tu ne peux, ni ne dois oublier les devoirs que la Loi naturelle et les Lois sociales commandent envers toi-même et tes semblables. »

 

Si l’on peut concevoir que la religion naturelle, celle de Voltaire, impose des principes de morale communs à tout le genre humain, pour ce qui est des lois sociales il en est autrement, elles sont soumises à la justice de chaque pays, justice qui a son éthique propre, qu’il est parfois nécessaire de transgresser en particulier dans les pays où règne la dictature, ou encore ce témoignage d’un lecteur du Blog Guillaume :

 

« En Bolivie, il existe un syndicat des enfants, qui propose des normes plus justes concernant le travail des enfants, les horaires, les salaires etc…

Ce syndicat s’adresse aux enfants et aux adolescents, le monde occidental et une partie de l’Amérique Latine est mal à l’aise avec cette idée.

Pour le gouvernement Bolivien ces lois augmentent la qualité de vie des enfants travailleurs. Pour notre monde occidental c’est tout simplement impensable. Le droit pour un enfant d’avoir une charge de travail acceptable est immoral pour certains et moral pour d’autres…. Le droit est donc relatif. »

 

J’ajouterais que respecter bien sûr ces lois ne peut pas être un devoir.

 

Je termine avec Bouëstard, notre Finistérien médecin et franc-maçon et ses idées sur la justice fiscale, les droits et les devoirs des citoyens :

 

« Les charges (les impôts) ne peuvent sans injustice être supportées par la classe qui possède le moins et qui souvent même de possède rien. »

 

Cette injonction date de 1788, quelques 232 ans plus tard en 2020, si la justice fiscale s’est améliorée, il reste encore une bonne marge de travail à faire, en particulier il y a pas mal de niches fiscales qui demanderaient au minimum un nettoyage ou une révolution. Et je pense que notre médecin breton serait favorable à l’administration d’une bonne purge fiscale aux GAFAM qui sont maintenant nos petits marquis que nous entretenons.

La révolution abolit les privilèges, concrétise la sortie de l’obscurantisme, les Lumières chassent la morale religieuse, installe la pratique de la vertu, l’excès de la vertu devient la terreur, une Hubris de la vertu.

 

« La nouvelle religion » celle de l’Etre Suprême, devient universelle, elle révèle les vertus humaines communes à tous les hommes. Niant en quelque sorte l’hypocrisie de certains et imposant une dictature de la vertu.

Jean-Jacques Rousseau fait de l’homme un dieu ou un demi-dieu rejetant ses fautes sur la société, il n’y a pour lui, lié, à la bonté de l’homme que des droits pour lui et des devoirs pour la société, une sorte de dictature de l’un sur le multiple.

 

La suprématie de la Religion naturelle, des droits de la nature, va bientôt annihiler toutes les actions humaines individuelles. On renonce là, paradoxalement, au sapere aude  de Kant. Cette hiérarchie spirituelle dogmatique devient la terreur de la vertu. L’homme ne pouvant atteindre la perfection, est humilié.

Le rationalisme supprime l’imagination créatrice, l’universel écrase l’individuel, c’est l’angoisse de ne pas pouvoir atteindre le sommet de la montagne.

Cette terreur incarnée par Robespierre sera suivie d’une terreur blanche des royalistes. Robespierre fût sans conteste un prêtre aveuglé de la Révolution, un vertueux qui s’égare, un tyran de la vertu, il croyait dans la possibilité d’un peuple intégralement vertueux.

Dans son discours du 7 Pluviôse de l’an II sur les principes de la terreur, illustre bien sa pensée :

 

« Nous voulons, en un mot, remplir les vœux de la nature (religion naturelle), accomplir les destins de l’humanité (l’universel), tenir les promesses de la philosophie (vivre selon les vertus), absoudre la providence du règne du crime et de la tyrannie (abolir les privilèges), que la France jadis illustre parmi les pays esclaves, éclipsant la gloire de tous les peuples libres qui ont existé devienne le modèle des nations, l’effroi des oppresseurs, la consolation des opprimés l’ornement de l’univers et que, scellant notre ouvrage de notre sang, nous puissions voir au moins briller l’aurore de la félicité universelle. Voilà notre ambition, voilà notre but. »

 

« L’Etre Suprême et l’immortalité de l’âme est un rappel continuel à la justice ; elle donc sociale et républicaine. »

 

Maximilien Robespierre celui qui fût qualifié d’incorruptible croyait sans doute à son utopie ! Il voulait changer les hommes pour changer la société. Cela rappelle sans doute, quelque chose, à certains ? Mais pour parvenir à ce but il voulut imposer ses dogmes par la terreur.

Maximilien Robespierre

Les vertus, les droits permirent de trier les amis et les ennemis de la République, le tribunal révolutionnaire se mis à fonctionner, dans cette parodie de justice, « les têtes tombaient comme les ardoises » réjouissant Fouquier Tinville, accusateur et exécuteur public.

Preuve que l’appréciation des vertus, l’application stricte de la justice, c’est-à-dire sans justesse et sans éthique peut mener à une plus grande injustice.

Robespierre n’aimait pas les athées et les libertins ; il préférait l’apparence poudrée des parangons de vertu, dont il faut pourtant se défier comme le Marquis de Sade, le fait dire, à son héroïne Justine dans « les Infortunes de la Vertu » :

Le Marquis de Sade

« J’aime à les entendre, ces gens riches, ces gens titrés, ces magistrats, ces prêtres j’aime à les voir prêcher la vertu. Il est bien difficile de se garantir du vol quand on a trois fois plus qu’il ne faut pour vivre, bien pénible en vérité d’être tempérant et sobre quand on est à chaque heure entouré des mets les plus succulents ; ils ont bien du mal à être sincères ; quand ils se présente pour eux aucun intérêt de mentir…. »

 

Certes le raisonnement a ses limites, le franc-maçon a promis d’être l’ami du riche et du pauvre pourvu qu’ils soient vertueux, la pratique de la vertu est quand plus facile pour les riches, qui ne les sont pourtant pas plus que les pauvres.

Il faut sans cesse pratiquer la vertu et fuir le vice, défendre le droit des opprimés et l’égalité des droits. Mais sans ostentation avec une des plus grandes vertus, la vertu finale qui est celle de l’humilité, qu’il est si difficile ne serait-ce que d’effleurer dans sa vie, seuls les saints y parviennent parfois et par moments

 

Pour rappel la première déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789.

Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789

Les Représentants du Peuple Français, constitués en Assemblée Nationale, considérant que l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de l'Homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des Gouvernements, ont résolu d'exposer, dans une Déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l'Homme, afin que cette Déclaration, constamment présente à tous les Membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs ; afin que les actes du pouvoir législatif, et ceux du pouvoir exécutif, pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés ; afin que les réclamations des citoyens, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution et au bonheur de tous.

En conséquence, l'Assemblée Nationale reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l'Etre suprême, les droits suivants de l'Homme et du Citoyen.

Art. 1er. Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune.

Art. 2. Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression.

Art. 3. Le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément.

Art. 4. La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi.

Art. 5.  La Loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la Société. Tout ce qui n'est pas défendu par la Loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas.  

Art. 6. La Loi est l'expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les Citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. 

Art. 7. Nul homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la Loi, et selon les formes qu'elle a prescrites. Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires, doivent être punis ; mais tout citoyen appelé ou saisi en vertu de la Loi doit obéir à l'instant : il se rend coupable par la résistance. 

Art. 8. La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une Loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée.  

Art. 9. Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi.  

Art. 10. Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi.

Art. 11. La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi.

Art. 12. La garantie des droits de l'Homme et du Citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l'avantage de tous, et non pour l'utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée.

 Art. 13. Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés.

Art. 14. Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée. 

Art. 15. La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration.

Art. 16. Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n'est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution.

Art. 17. La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité.

La Terreur

La Terreur

 

Le 24 juin 1793 vit la naissance de la deuxième déclaration des Droits de l’homme, texte ci-dessous.

 


Déclaration des droits de l'homme et du citoyen
24 juin 1793

 

Préambule

Le peuple français, convaincu que l'oubli et le mépris des droits naturels de l'homme, sont les seules causes des malheurs du monde, a résolu d'exposer dans une déclaration solennelle, ces droits sacrés et inaliénables,

Afin que tous les citoyens pouvant comparer sans cesse les actes du gouvernement avec le but de toute institution sociale, ne se laissent jamais opprimer, avilir par la tyrannie ; 

Afin que le peuple ait toujours devant les yeux les bases de sa liberté et de son bonheur ; le magistrat la règle de ses devoirs ; le législateur l'objet de sa mission. 

En conséquence, il proclame, en présence de l'Être suprême, la déclaration suivante des droits de l'homme et du citoyen

 

Article premier

Le but de la société est le bonheur commun ; le gouvernement est institué pour garantir à l'homme la puissance de ses droits naturels et imprescriptibles.

Article 2

Ces droits sont l'égalité, la liberté, la sûreté, la propriété.

Article 3

Tous les hommes sont égaux par la nature et devant la loi.

Article 4

La loi est l'expression libre et solennelle de la volonté générale ; elle est la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ; elle ne peut ordonner que ce qui est juste et utile à la société ; elle ne peut défendre que ce qui lui est nuisible.

Article 5

Tous les citoyens sont également admissibles aux emplois publics. Les peuples libres ne connaissent d'autres motifs de préférence, dans leurs élections, que les vertus et les talents.

Article 6

La liberté est le pouvoir qui appartient à l'homme de faire tout ce qui ne nuit pas aux droits d'autrui : elle a pour principe la nature ; pour règle la justice ; pour sauvegarde la loi ; sa limite morale est dans cette maxime : Ne fais pas à un autre ce que tu ne veux pas qu'il te soit fait.

Article 7

Le droit de manifester sa pensée et ses opinions, soit par la vole de la presse, soit de toute autre manière, le droit de s'assembler paisiblement, le libre exercice des cultes, ne peuvent être interdits. La nécessité d'énoncer ces droits suppose ou la présence ou le souvenir récent du despotisme.

Article 8

La sûreté consiste dans la protection accordée par la société à chacun de ses membres pour la conservation de sa personne, de ses droits et de ses propriétés.

Article 9

La loi doit protéger la liberté publique et individuelle contre l'oppression de ceux qui gouvernent.

Article 10

Nul ne doit être accusé, arrêté ni détenu, que dans les cas déterminés par la loi et selon les formes qu'elle a prescrites. Tout citoyen, appelé ou saisi par l'autorité de la loi, doit obéir à l'instant ; il se rend coupable par la résistance.

Article 11

Tout acte exercé contre un homme hors des cas et sans les formes que la loi détermine, est arbitraire et tyrannique ; celui contre lequel on voudrait l'exécuter par la violence a le droit de le repousser par la force.

Article 12

Ceux qui solliciteraient, expédieraient, signeraient, exécuteraient ou feraient exécuter des actes arbitraires, seraient coupables, et doivent être punis.

Article 13

Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi.

Article 14

Nul ne doit être jugé et puni qu'après avoir été entendu ou légalement appelé, et qu'en vertu d'une loi promulguée antérieurement au délit. La loi qui punirait les délits commis avant qu'elle existât serait une tyrannie ; l'effet rétroactif donné à la loi serait un crime.

Article 15

La loi ne doit décerner que des peines strictement et évidemment nécessaires : les peines doivent être proportionnées au délit et utiles à la société.

Article 16

Le droit de propriété est celui qui appartient à tout citoyen de jouir et de disposer à son gré de ses biens, de ses revenus, du fruit de son travail et de son industrie.

Article 17

Nul genre de travail, de culture, de commerce, ne peut être interdit à l'industrie des citoyens.

Article 18

Tout homme peut engager ses services, son temps ; mais il ne peut se vendre, ni être vendu ; sa personne n'est pas une propriété aliénable. La loi ne reconnaît point de domesticité ; il ne peut exister qu'un engagement de soins et de reconnaissance, entre l'homme qui travaille et celui qui l'emploie.

Article 19

Nul ne peut être privé de la moindre portion de sa propriété sans son consentement, si ce n'est lorsque la nécessité publique légalement constatée l'exige, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité.

Article 20

Nulle contribution ne peut être établie que pour l'utilité générale. Tous les citoyens ont le droit de concourir à l'établissement des contributions, d'en surveiller l'emploi, et de s'en faire rendre compte.

Article 21

Les secours publics sont une dette sacrée. La société doit la subsistance aux citoyens malheureux, soit en leur procurant du travail, soit en assurant les moyens d'exister à ceux qui sont hors d'état de travailler.

Article 22

- L'instruction est le besoin de tous. La société doit favoriser de tout son pouvoir les progrès de la raison publique, et mettre l'instruction à la portée de tous les citoyens.

Article 23

La garantie sociale consiste dans l'action de tous, pour assurer à chacun la jouissance et la conservation de ses droits ; cette garantie repose sur la souveraineté nationale.

Article 24

Elle ne peut exister, si les limites des fonctions publiques ne sont pas clairement déterminées par la loi, et si la responsabilité de tous les fonctionnaires n'est pas assurée.

Article 25

La souveraineté réside dans le peuple ; elle est une et indivisible, imprescriptible et inaliénable.

Article 26

Aucune portion du peuple ne peut exercer la puissance du peuple entier ; mais chaque section du souverain assemblée doit jouir du droit d'exprimer sa volonté avec une entière liberté.

Article 27

Que tout individu qui usurperait la souveraineté soit à l'instant mis à mort par les hommes libres.

Article 28

Un peuple a toujours le droit de revoir, de réformer et de changer sa Constitution. Une génération ne peut assujettir à ses lois les générations futures.

Article 29

Chaque citoyen a un droit égal de concourir à la formation de la loi et à la nomination de ses mandataires ou de ses agents.

Article 30

Les fonctions publiques sont essentiellement temporaires ; elles ne peuvent être considérées comme des distinctions ni comme des récompenses, mais comme des devoirs.

Article 31

Les délits des mandataires du peuple et de ses agents ne doivent jamais être impunis. Nul n'a le droit de se prétendre plus inviolable que les autres citoyens.

Article 32

Le droit de présenter des pétitions aux dépositaires de l'autorité publique ne peut, en aucun cas, être interdit, suspendu ni limité.

Article 33

La résistance à l'oppression est la conséquence des autres Droits de l'homme.

Article 34

Il y a oppression contre le corps social lorsqu'un seul de ses membres est opprimé. Il y a oppression contre chaque membre lorsque le corps social est opprimé.

Article 35

Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs.

 

 

Puis vint, la naissance, de la Troisième Déclaration des droits et devoirs de l’homme et du citoyen le 22 août 1795.

 

Six ans moins trois jours après la première proclamation de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen ; un seul mot change dans le titre celui de Devoir.

1795 de la Convention au Directoire

1795 de la Convention au Directoire

TROISIÈME DÉCLARATION
DES DROITS ET DEVOIRS
DE L’HOMME ET DU CITOYEN

(Préambule à la Constitution
du 5 fructidor an III – 22 août 1795)

 

Le peuple français proclame, en présence de l’Être suprême,
la déclaration suivante des droits et des devoirs de l’homme et du citoyen
.

DROITS

Article 1erLes droits de l’homme en société sont la liberté, l’égalité, la sûreté, la propriété.

Article 2La liberté consiste à pouvoir faire ce qui ne nuit pas aux droits d’autrui.

Article 3L’égalité consiste en ce que la loi est la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. L’égalité n’admet aucune distinction de naissance, aucune hérédité de pouvoir.

Article 4La sûreté résulte du concours de tous pour assurer les droits de chacun.

Article 5La propriété est le droit de jouir et de disposer de ses biens, de ses revenus, du fruit de son travail et de son industrie.

Article 6La loi est la volonté générale, exprimée par la majorité générale des citoyens ou de leurs représentants.

Article 7Ce qui n’est pas défendu par la loi ne peut être empêché. Nul ne peut être contraint de faire ce qu’elle n’ordonne pas.

Article 8Nul ne peut être appelé en justice, accusé, arrêté ni détenu, que dans les cas déterminés par la loi, et selon les formes qu’elle a prescrites.

Article 9Ceux qui sollicitent, expédient, signent, exécutent ou font exécuter des actes arbitraires, sont coupables et doivent être punis.

Article 10Toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de la personne d’un prévenu, doit être sévèrement réprimée par la loi.

Article 11Nul ne peut être jugé qu’après avoir été entendu ou légalement appelé.

Article 12La loi ne doit décerner que des peines strictement nécessaires et proportionnées au délit.

Article 13Tout traitement qui aggrave la peine déterminée par la loi est un crime.

Article 14Aucune loi, ni criminelle, ni civile, ne peut avoir d’effet rétroactif.

Article 15. Tout homme peut engager son temps et ses services, mais il ne peut se vendre ni être vendu ; sa personne n’est pas une propriété aliénable.

Article 16Toute contribution est établie pour l’utilité générale ; elle doit être répartie entre les contribuables, en raison de leurs facultés.

Article 17La souveraineté réside essentiellement dans l’universalité des citoyens.

Article 18Nul individu, nulle réunion partielle de citoyens ne peut s’attribuer la souveraineté.

Article 19Nul ne peut, sans une délégation légale, exercer aucune autorité, ni remplir aucune fonction publique.

Article 20Chaque citoyen a un droit égal de concourir, immédiatement ou médiatement, à la formation de la loi, à la nomination des représentants du peuple et des fonctionnaires publics.

Article 21Les fonctions publiques ne peuvent devenir la propriété de ceux qui les exercent.

Article 22La garantie sociale ne peut exister si la division des pouvoirs n’est pas établie, si leurs limites ne sont pas fixées, et si la responsabilité des fonctionnaires publics n’est pas assurée.

*

DEVOIRS

Article 1erLa déclaration des droits contient les obligations des législateurs : le maintien de la société demande que ceux qui la composent connaissent et remplissent également leurs devoirs.

Article 2Tous les devoirs de l’homme et du citoyen dérivent de ces deux principes, gravés par la nature dans tous les cœurs :

Ne faites pas à autrui ce que vous ne voudriez pas qu’il vous fît.

Faites constamment aux autres le bien que vous voudriez en recevoir.

Article 3Les obligations de chacun envers la société consistent à la défendre, à la servir, à vivre soumis aux lois, et à respecter ceux qui en sont les organes.

Article 4Nul n’est bon citoyen s’il n’est bon fils, bon père, bon ami, bon époux.

Article 5Nul n’est homme de bien, s’il n’est franchement et religieusement observateur des lois.

Article 6Celui qui viole ouvertement les lois se déclare en état de guerre contre la société.

Article 7Celui qui, sans enfreindre les lois, les élude par ruse ou par adresse, blesse les intérêts de tous ; il se rend indigne de leur bienveillance et de leur estime.

Article 8C’est sur le maintien des propriétés que reposent la culture des terres, toutes les productions, tout moyen de travail, et tout ordre social.

Article 9Tout citoyen doit ses services à la patrie et au maintien de la liberté, de l’égalité et de la propriété, toutes les fois que la loi l’appelle à les défendre.

 

Suite à la lecture de ses trois déclarations, il est intéressant de comparer les articles, en particulier l’article premier :

 

En 1789 : Art. 1er. Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune.

 

En 1793 : Art 1er

Le but de la société est le bonheur commun; le gouvernement est institué pour garantir à l'homme la puissance de ses droits naturels et imprescriptibles.

 

En 1795 :  Article 1er. Les droits de l’homme en société sont la liberté, l’égalité, la sûreté, la propriété.

L’on distingue les priorités qui ont évoluées avec le temps, en 1789 l’égalité entre les hommes, l’abolition des privilèges, les distinctions au service de la loi. En 1793 c’est la religion naturelle de l’Etre Suprême qui inspire les rédacteurs, la recherche du bonheur à travers les droits naturels, la terreur viendra sans doute inspirer l’art 1er de la déclaration de 1795, l’on parle de droits de l’homme, mais en société, la liberté est remise au goût du jour, avec l’égalité, mais les abus de la terreur introduisent le besoin de sureté et le respect de la propriété.

 

Dans la déclaration des devoirs de 1795 qui suit celle des droits, on remarque cette injonction que l’on retrouve presque mot pour mot dans certains rituels maçonniques :

 

« Ne faites pas à autrui ce que vous ne voudriez pas qu’il vous fît.

Faites constamment aux autres le bien que vous voudriez en recevoir. »

L’esprit de la déclaration de 1795 est d’abord dans sa visée sociétale, Art 1- il est question des droits de l’homme en société, Art 3- l’égalité n’admet aucune distinction de naissance…., Art 4- la sureté résulte du concours de tous, Art 6- la loi est la volonté générale….., Art 11- nul ne peut être jugé qu’après avoir été entendu ou légalement appelé. Art 15- Tout homme….ne peut se vendre et être vendu ; sa personne n’est pas une propriété aliénable. Il faudra quand même attendre 53 ans pour voir l’abolition de l’esclavage entrer dans les faits. Art 16 – toute contribution est établie pour l’utilité générale… avec les avantages de l’égalité fiscale et l’inconvénient en cas de dictature. Art 20- Chaque citoyen a un droit égal de concourir, immédiatement ou médiatement, à la formation de la loi… belle hypocrisie qui exclue les femmes de ce droit ! Pourtant demandé en septembre 1791 à Marie-Antoinette par Olympe de Gouges. Il aura fallu attendre la volonté du général De Gaule pour que ce droit soit accordé le 21 avril 1944. Il était en vigueur en Finlande depuis 1906, en Allemagne en 1918, au Royaume Uni en 1928 et même à Cuba et en Turquie en 1934.  

 

Une remarque importante entre 1789 et 1793 on est passé de 17 articles à 35 et le texte du 35ème article est explicite de la dérive de la terreur je cite :Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs.

 

Il annonce la Déclaration des Droits de 1795 qui se termine par son Art 22- La garantie sociale ne peut exister si la division des pouvoirs n’est pas établie, si leurs limites ne sont pas fixées, et si la responsabilité des fonctionnaires publics n’est pas assurée.

Suivront les neuf articles de la Déclaration des Devoirs.

 

Dont l’Art 1- La déclaration des droits contient les obligations des législateurs : le maintien de la société demande que ceux qui la composent connaissent et remplissent également leurs devoirs.

Est une demande d’exemplarité et de respect des lois par les politiques et des fonctionnaires.

L’Art 2- évoqué ci-avant est une injonction à l’altérité, à la fraternité.

L’Art 4- rappelle les devoirs familiaux, il est un hymne à la bonté qui doit être naturelle à l’homme.

Les Art 5, 6 et 7- sont des rappels à la loi, les citoyens qui les enfreignent se déclarent de fait en état de guerre avec la société dont ils font partie, c’est à la fois logique, mais encore faut-il que la loi soit juste, l’on pressent la limite des devoirs par rapport aux droits.

 

Les deux derniers articles 8 et 9 -consacrent le droit de propriété, comme moyen de travail et comme ordre social, il faut donc défendre le droit de propriété. On notera l’évolution de 1789 à 1795, et aussi que décidemment les devoirs apparaissent comme indispensables à la vie en société, c’est leur justification et leurs limites.

C’est sans doute pour cela que l’on reviendra à la première Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, les droits étant individuels et les Devoirs liés à la société, nous y reviendrons. Après la Déclaration de 1789 le principe d’égalité a été repris en 1848 par la constitution française, puis la Déclaration Universelle des Droits de l’homme de 1948, en y ajoutant la fraternité, la convention européenne de sauvegarde des Droits de l’homme et des Libertés fondamentales en 1950, le pacte des Nations Unies relatifs aux droits civils et politiques de 1966 enfin la Chartre des droits fondamentaux de l’Union Européenne de l’année 2000.

Toutes ces déclarations successives concernant les droits de l’homme, constituent une longue chaîne pour la défense des libertés, de la liberté de l’homme, du vœu d’égalité entre les hommes. C’est ce qui honore le monde occidental en général et l’Europe en particulier et en fait autre chose qu’une grande épicerie, un rêve pour tous ceux qui viennent échouer sur nos côtes, poussés par la famine et les guerres. Pouvons-nous les trier, pouvons-nous tous les accueillir dignement, pouvons-nous les blâmer de vouloir réaliser leur rêve ?

Ces droits à la liberté ne semblent pas contestables, pourtant le premier président de l’Assemblée Constituante Jean-Sylvain Bailly disait :

« La déclaration des droits est à la fois nécessaire et dangereuse (….) pour le peuple qui se méprend facilement et qui ne sait pas qu’il n’y a point de droits sans devoirs ; que pour pouvoir jouir des uns, il faut se soumettre aux autres. Il devrait en naître une infinité de prétentions… » C’est sans nul doute ce que l’on appelle de nos jours les abus de droit en matière, sociale, fiscale, de sécurité tous ces droits concernent la société, sont visibles et nourrissent le sentiment d’insécurité et d’injustice. Ce ne sont pas des droits inhérents à l’homme en tant qu’individu, ceux-là n’ont que la limite de notre conscience, dans la mesure ou ils ne sont tolérables par autrui, qui ne peut tout tolérer.

 

D’une manière générale tous les droits liés à la vie sociale, sont en balance avec des devoirs liés à cette vie sociale. Proudhon par exemple qui s’oppose au droit de propriété, conteste ce droit qui figure dans les déclarations des droits de l’Homme et du Citoyen, c’est plutôt un droit social, qu’un droit de l’Homme. La propriété renforce pour lui les inégalités, l’on voit aujourd’hui les conséquences de la spéculation immobilière, qui certes est une déviance du droit de propriété, mais dont les ravages interrogent, et augmentent les inégalités.

Le philosophe anglais Hume avec d’autres, ne croit pas à l’égalité entre les hommes, ou mettre l’échelle de l’égalité entre un jeune chiffonnier indien et un petit bourgeois du XVIIème arrondissement ? Je passe sur la critique Marxiste sur les droits des femmes et l’esclavage qui perdura en occident. Ce sont les Danois, les Norvégiens et les Suédois qui abolirent les premiers en 1792, puis le Royaume Uni en 1833 et enfin la France pays des droits de l’homme en 1848, preuve que nous ne sommes pas des parangons de la liberté et des droits.

A SUIVRE ....

 

Jean-François Guerry.

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G
Mon cher Jean François, Bravo, remarquable travail de cette planche sur la révolution. Bonne fin d"année. GC.
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Merci mon cher Claude, bonne fin d'année à toi et ta famille surtout une bonne santé dans cette période difficile