DROITS ET DEVOIRS – PART- VII -
Après avoir abordé, le Devoir, les devoirs du Franc-Maçon en général. Je voudrais comme la Franc-Maçonnerie française est composée de multiples obédiences, trop nombreuses à mon humble avis, ‘les petites obédiences’ souvent de création récente, revendiquant comme un paradoxe leur caractère traditionnel et universel. Il me paraît plus sage dans cette polysémie de s’intéresser aux rites, heureusement moins nombreux, et à leurs rituels qui en sont les véhicules initiatiques. La lecture des rituels permet de discerner quel est le Devoir du myste. Connaissant mal l’ensemble des rites, ma référence sera le Rite Ecossais Ancien et Accepté, le plus pratiqué dans le monde, donc le plus universel. La raison de son ‘succès’ est sans doute la large ouverture de son compas.
Ainsi, tout maçon écossais qui va dans le monde (sauf peut-être en Afrique ou le Rite Emulation est plus usité) est partout chez lui, sans renoncer à sa loge mère, il retrouve les mêmes pratiques rituelles, il est donc en symbiose avec tous ses frères, il en est de même d’ailleurs pour nos sœurs. Les sœurs et les frères du Rite Écossais Ancien Accepté sont reconnus donc partout comme tels.
Trois mots en forme de triangle peuvent résumer, définir ce rite ; ces mots sont les mouvements du rite, c’est-à-dire sa voie initiatique, puisque l’initiation est mouvement, un mouvement vers soi, vers ses sœurs, ses frères, vers les autres, vers la société des hommes en général. Ces trois mots, sont : « Connaître, aimer, agir. »
Sans dévoiler l’incompréhensible, les mystères de l’initiation qui ne sont abordables qu’individuellement, l’on peut néanmoins suivre le Franc-Maçon le long de sa route, vers la prise de conscience de son Devoir, de ses devoirs. En regardant l’architecture du rite. La première prise de conscience du Franc-Maçon, c’est la conscience de ce qu’il est, l’apprentissage de soi, de son soi. C’est se « Connaître », c’est effectuer ce mouvement de pénétration vers son être intérieur, en prendre connaissance. Dans ce degré initiatique, nous apprenons notre Devoir de se regarder en face, c’est le mystère du miroir.
Puis vient le deuxième degré initiatique, le devoir de « Connaître » le monde, d’acquérir les connaissances, de travailler à la compréhension du monde qui nous entoure et dont nous faisons partie. C’est pourquoi le Franc-Maçon part à travers le monde avec son bissac sur l’épaule, suivant l’injonction qui lui est faite travaillez, persévérez à la connaissance des arts libéraux. Faire les pas de côtés, après les trois premiers pas, sans égarer revenir au centre guidé par l’étoile flamboyante, qui perce les ténèbres. Après avoir reçu la lumière, elle éclaire les compagnons sur la route du Devoir, pour qu’ils accomplissent leurs chefs-d’œuvre. Ils seront alors dans la pleine lumière du midi, au zénith. Cette lumière qui illumine l’art royal.
Les compagnons ne se contentent pas de mots, c’est avec courage qu’ils travaillent sans cesse, ils ne prennent pas non plus les mots pour idées, ils cherchent les idées sous les symboles. Ils connaissent l’importance de leurs mots, ils sont des outils de passage qui ouvrent leur chantier, vers le sacré, ce sont des compagnons libres.
Quand au Maître Maçon, il réapparait toujours plus radieux que jamais, il continue sans cesse sur la voie de son perfectionnement, c’est son Devoir, servir la Franc-Maçonnerie, sa loge, ses frères en particulier ; en poursuivant sa quête initiatique personnelle, son élévation spirituelle. Homme de Devoir, il préférera toujours la justice à la vengeance, digne, fidèle il sera élu, pour faire régner l’ordre un autre de ses devoirs.
Il s’efforcera d’obtenir la confiance, par le travail, il cherchera toujours la Vérité.
Le Franc-Maçon écossais devient alors un véritable Chevalier de l’Esprit, sa pratique des vertus chevaleresque devient une douce habitude, un engagement irréversible. Il veut un monde meilleur, sa tâche, son devoir faire descendre sur terre la Jérusalem céleste. Il s’efforcera de faire régner la loi d’amour. C’est le deuxième mot du rite aimer, il fait mouvement vers les autres.
Le chevalier s’il est capable de contempler les merveilles de la nature, la beauté du monde et d’aimer. Il sait que son Devoir est aussi dans l’action, c’est le troisième mot du rite agir. Le triangle est ainsi construit, achevé, solide, établi avec force, sagesse et beauté.
Le Franc-Maçon doit donc défendre la justice avec son cœur, son âme, c’est son Devoir. Il ne peut pas être qu’un seul consommateur de droits et un spectateur de ceux qui font leurs devoirs. Il doit agir dans la société, après avoir agi sur lui-même et s’être préparé, s’être armé.
Il ne s’agit pas pour lui de s’arcbouter sur des droits acquis parfois dépassés, qui deviennent alors les privilèges de certains au détriment de tous les autres. Les droits corporatifs ne sont pas méprisables, s’ils ne lèsent pas l’ensemble de la société, s’ils sont justes.
Notre société ne peut pas être qu’un ensemble de groupes qui voient que leurs intérêts particuliers.
Il faut défendre les droits humains universels, c’est ce que propose la Franc-Maçonnerie, qui n’est pas une corporation, mais une fraternité.
Force est de constater que les devoirs des Francs-Maçons sont moraux. Que l’action des Francs-Maçons est individuelle et se concrétise dans la société, mais avec un esprit maçonnique, le Franc-Maçon sincère n’agit pas dans le secret, mais dans la discrétion.
L’on ne peut pas faire le reproche à la Franc-Maçonnerie en général, de ne pas intervenir directement dans la cité et affirmer qu’elle n’est pas un parti politique, une œuvre charismatique, un réseau affairiste, une religion.
Il faudrait à mon sens que les obédiences communiquent un peu plus sur les idées, les valeurs de la Franc-Maçonnerie. Nous n’avons pas à rougir d’être Franc-Maçon.
Notre devoir serait peut-être, d’être des influenceurs moraux, des promoteurs d’une morale universelle sans dogme. Promouvoir partout dans la société la prévalence de l’esprit, de l’être par rapport à la matière, à l’avoir. Faire en sorte que la fraternité, la solidarité se développe, faire vivre le monde des idées.
Je pense, comme beaucoup de Francs-Maçons que notre combat pour la défense de la justice, est le plus grand, le plus noble, le plus beau des combats.
Cette justice qui doit toujours être présente dans tous nos actes, nous devons sans cesse rechercher la justesse.
J’aime bien les lanceurs d’alertes, ces femmes et ces hommes courageux, il faut les aider les laisser s’exprimer dans tous les médias, les aider matériellement, ils sont nos vigies, ils sont les vigies de la démocratie, ils travaillent pour nos libertés et celles de nos enfants.
À propos de ce combat pour la justice, je vous soumets ce passage écrit par J P G extrait d’une revue maçonnique :
« Son combat (Celui du franc-maçon, chevalier de l’esprit.) est celui de la vigie capable de repérer les signes avant-coureurs, les dérives, les points de non-retours dans les rapports que les hommes bâtissent entre eux dans la société et les systèmes qu’ils mettent en place pour vivre ensemble. S’il s’agit à terme d’envisager l’éradication des rapports de domination, des effets de l’ignorance, des despotismes oppresseurs, des abus de privilèges, il n’en demeure pas moins que le soldat Ch K (Chevalier de l’universel) doit éclairer ce chemin par un engagement direct et serein. (*Etre dans la réalisation de son devoir) Pour ce faire, il a appris à tout regarder avec courage, quelles que soient les turpitudes, et à analyser avec objectivité et circonspection pour se fonder une doctrine d’alerte et d’intervention ni négligente, ni outrancière, jamais résignée. (*Etre ce lanceur d’alerte que j’appelle de mes vœux)
La justice pour laquelle le Ch K combat relève de l’ordre social. Mais elle est aussi un élément de l’utopie du bonheur. Un homme est juste quand son comportement est conforme à un ordonnancement considéré comme juste. L’ordonnancement est juste quand il régit les comportements de manière à ce que chacun y trouve son bonheur. »
Les notes entre parenthèses sont des notes personnelles *.
Le rite écossais est imprégné des meilleures valeurs de toutes les traditions, le miracle grec, est l’une d’entre elles, pour savoir quel est son devoir, quels sont nos devoirs une relecture d’Aristote et de son Éthique à Nicomaque peut être une nécessaire maïeutique, nous redécouvrons que la justice est le guide, la voie de toutes les vertus, quelques citations éclairantes :
« La justice résume en elle la vertu tout entière. »
Aristote, Éthique à Nicomaque, IV,2 (30)
Nous en revenons au serment du jeu de paume du 20 juin 1789, qui marque la séparation des pouvoirs, l’indépendance de la justice, un souffle de justice et de liberté qui verra la nuit du 4 août 1789 à l’initiative du Club Breton (Le club Breton prendra plus tard le nom de club des Jacobins) l’abolition des privilèges, serment, engagement, qui de fait sera le préambule à la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen dont les derniers articles seront adoptés le 26 août 1789.
« Le juste à proprement parler est ce qui règle la loi dans les rapports entre concitoyens. »
Aristote, Éthique à Nicomaque, XII, 2.
Mais comme il est parfois plus facile de faire son devoir que de le connaître, le travail du Franc-Maçon nécessite beaucoup de temps, de persévérance et d’espérance dans l’homme et la société. C’est dans la trace des droits de l’homme, que se trouve le devoir de justice.
« Les choses dont parlent les lois ne sont pas difficiles à apprendre. Mais ce ne sont pas ces choses qui sont justes, sauf par coïncidence. Il faut au contraire savoir comment agir et comment partager justement. »
Aristote, Éthique à Nicomaque, XVI, 2 (10).
Cette citation pourrait être l’épigraphe de ma réflexion, elle ne serait qu’une figure de style, rendant ma réflexion inutile, mon Devoir est savoir si j’ai le pouvoir de faire mon Devoir ?
Jean-François Guerry.
À SUIVRE….