L’AUMÔNE ET LA BIENFAISANCE – Part – III- Pour vu que le cœur y soit..
« Pourvu que le cœur Soit sincère les Dieux le protégeront. Sans qu’on ait à les prier. »
Michizane Sugawara
Notre inclination à la bienfaisance vient du cœur et non de la pitié que nous inspire l’autre. Puisque le don est la conséquence de notre devoir, la reconnaissance des droits de l’autre, c’est-à-dire la fraternité que nous lui devons.
Nous ne pouvons totalement assimiler la bienfaisance à la compassion et à la pitié. La bienfaisance est le redressement de l’autre dans ses droits, c’est justice !
Mais la justice à besoin d’amour, elle s’y associe, la justice légalise, restitue l’autre dans ses droits, elle n’est pas compassion ni amour, ni même gentillesse.
Nous avons une difficulté à la marche sur la crête qui délimite, le bien et le mal, la justice et la charité. C’est l’image des pas hésitants de l’apprenti Franc-Maçon, de celui qui marche sur la ligne qui sépare le pavé blanc du pavé noir. Plus tar l’initié hésitera encore entre les injonctions du poursuivant noir et du poursuivant blanc. Il lui faudra au-delà de la pitié, courage et amour pour aller vers l’autre et dans le monde.
La justice ne prétend pas à la justesse, mais à la recherche d’un doux équilibre, d’une harmonie de l’équité qui fait société. L’équité dilate un peu la rigueur de la justice vers la voie de l’amour qui n’a pas de limite, sa loi est infinie.
La recherche de la justice va avec le perfectionnement de l’homme, on parle d’homme sage et juste en toutes circonstances. Quand la justice comble, rassure, aide, elle s’approche de la loi universelle de l’amour.
La justice rend, donne au pauvre comme au riche, son aumône devient alors de la bienfaisance.
Faut-il se méfier de la pitié, la pitié serait une réaction par rapport à la misère, aux souffrances d’autrui, elle serait un ersatz de justice, une justice amoindrie, une justice de l’urgence, une tolérance face au mal, donc contraire à la charité, à l’amour qui est le bien. La pitié, ne serait dès lors qu’une ruse. Une ruse qui dispense de la recherche du bien, et non une vertu.
La pitié est sélective elle ne s’exerce qu’à la vue de l’homme pauvre et miséreux, elle est donc associée à l’aumône.
Vladimir Jankélévitch voit là encore juste :
« Spontanée, au contraire est la charité que toute pitié présuppose : la charité n’attend pas de rencontrer le prochain en haillons pour découvrir sa misère ; notre prochain, après tout, peut et doit être aimé même s’il n’est pas malheureux. La charité n’est pas comme le remords, mauvaise conscience impuissante, conséquence tardive ; elle n’est pas secourable à l’occasion et aumônière au hasard des rencontres : elle est plutôt la source prévenante et originale et initiale de toute bienfaisance. »
J’ajouterais le sentiment que j’ai que la pitié et l’aumône sont ponctuelles et passagères, alors que la bienfaisance est infinie comme l’amour.
Ce qui ne revient pas à diminuer la pitié qui s’adresse à l’être. C’est une question d’intensité, d’engagement, si la pitié qui favorise la compassion est sur la voie qui mène à la justice et à l’amour, elle est de fait plus humble et qui saurait critiquer l’humilité dans une société comme la nôtre ?
Pour prendre un exemple simple bien connu des Francs-Maçons s’attendrir, compatir en paroles, sur un frère qui a du mal, souffre, est dans le besoin et agir concrètement pour l’aider sont deux choses différentes.
La pitié est donc conditionnelle, elle s’adresse à ceux qui sont dans la détresse, morale, physique ou matérielle, alors que l’amour ne connaît pas de frontières.
Je l’ai souvent répété, le franc-maçon est l’ami du pauvre et du riche pourvu qu’ils soient vertueux. Il recherche le bonheur de ses frères et de l’humanité, plus modestement il veut que la joie soit dans tous les cœurs, c’est l’universalisme de la franc-maçonnerie. Le franc-maçon doit être ce que les frères du Rite Écossais Rectifié appelle un CBS, un Chevalier Bienfaisant de la Cité Sainte, de la cité universelle. Le rêve, l’utopie d’un monde ou la pitié n’aurait plus sa raison d’être, un monde où l’amour régnerait parmi les hommes.
Jean-François Guerry.
« Pitié, docteur » disait Mme Loret, la mère de la femme de chambre qui travaillait à l'hôtel de Tarrou. Que signifiait cela ? Bien entendu, il avait pitié. Mais cela ne faisait avancer personne.
La Peste Albert Camus.
Vous vous dévouez à moi parce que je suis persécutée, vous croyez avoir de l'amour, et vous n'avez que de la pitié.Adolphe - Benjamin Constant
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