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la Franc Maçonnerie au Coeur

la Franc Maçonnerie au Coeur

Un blog d'information, de conversations sur le thème de la Franc Maçonnerie, des textes en rapport avec la Franc Maçonnerie, comptes rendus et conseils de lectures.

Publié le par Jean-Pierre Rousseau
L'ORDRE DES NOMBRES

L’ORDRE DES NOMBRES…

 

Notre société est gouvernée par les nombres, on chiffre, on compte, on fait des statistiques, on décide en fonction du nombre, des nombres, on oublie aussi la valeur des nombres, et souvent ce qu’il y a derrière ces nombres. On ne peut pas compter les hommes comme l’on compte des objets, des pommes dans un cageot, ni encore un troupeau. Les nombres dès qu’ils deviennent des numéros ont la fâcheuse tendance à classer, à trier. Il y a les bons et les mauvais numéros.

Peut-on voir autre chose derrière les nombres ? C’est ce que nous propose Jean-Pierre Rousseau un contributeur maintenant habituel du Blog. Par un heureux hasard peut-être, au moment où je relisais des textes écrits par Jamblique et Hiéroclès sur Pythagore qui voyait « l’âme des nombres. »

Comme Platon d’ailleurs dans le Timée : « Lorsque Dieu (lire Théos) entreprit d’ordonner le tout, au début, le feu, l’eau et la terre et l’air. Il commença par leur donner une configuration distincte au moyen des idées et des nombres. »

La Tétraktys de Pythagore, et ses trois dimensions qui ramène à l’unité, le Tétraèdre qui introduit la quatrième dimension. Le Tétragramme de la vie et de l’âme du monde, c’est le Delta Lumineux avec l’œil du grand architecte, le départ du point, vers la ligne horizontale de la vie terrestre, puis l’élévation vers la pointe de l’esprit et en son centre l’œil du cœur, là où la tradition judaïque a tracé les lettres du nom imprononçable.

Je laisse la plume à notre poète, bonne lecture.

 

Jean-François Guerry.   

L'ORDRE DES NOMBRES
          •  

« Du Tétragramme Sacré à la Parole »

 

 

 

 

 

Chers amis  je vous propose de réfléchir au parcours de l'initié entre la découverte du tétragramme sacré et le retour de la Parole.

 

Je vous propose mon regard global sur la Quête et une réflexion sur le processus initiatique qu'il soit maçonnique ou non.

 

J'ai construit mon propos en trois phases :

 

  • un rappel des circonstances de la découverte du Tétragramme sacré et de la communication de la Parole ;

 

  • une réflexion sur le caractère positif de la notion de substitution ;

 

  • une digression sur l'intention symbolique dans la conception initiatique à partir des récits relatifs à la quête du Graal.

 

Dans le cabinet de réflexion nous découvrons la maxime « VITRIOL » ainsi qu'une foule de symboles qui sont, pour l’impétrant, d'une clarté aussi significative que le goudron qui calfate nos bateaux en bois.

 

Visite l'intérieur de la terre et en rectifiant tu pourras alors trouver la pierre cachée des Sages semble une traduction proche du secret alchimique du type : en redressant tes défauts et en épurant le superflu, ayant appris à maîtriser tes vices et tes passions, persévérant dans ton cheminement, tu pourras trouver la pierre philosophale.

 

Dès le début du processus initiatique nous sommes confrontés au mot imprononçable en passant du « je ne sais ni lire ni écrire » au « je ne peux qu'épeler » et enfin au mot substitué qui ne peut être reconnu sans la transmission par les trois grandes lumières.

 

Le chevalier de Royal Arche, préparé par ses expériences heureuses et malheureuses du  qui l'ont mis en situation d'être élu, car tout l'être doit participer, redécouvre la tierce part qui est en lui afin de compléter le triptyque Salomon et le roi de Tyr.

 

Le chevalier de Royal Arche, à travers la légende d'Enoch, explicite la démarche initiatique par rapport à la voie religieuse autre versant de la quête spirituelle vers la vérité ultime.

 

 

 

 

 

Deux mêmes finalités vers un même but :

 

  • l'appel de la révélation, voie exotérique de la religion dont le sens de ce qui relie l'homme au divin, dans la spontanéité de son appel dont un des lieux symboliques est la montagne ;

 

  • l'aspiration à l’éveil, voie ésotérique de l'initiation dont le lieu symbolique est la caverne.

 

Cette quête vers la lumière et la vérité, Enoch l'a reçue en tant que révélation tandis que le Chevalier de Royal Arche l'obtient par l'initiation en descendant dans la voûte secrète.

 

 

L'initiation est identique à la légende d'Enoch vision où l’Éternel révèle le tétragramme et la voûte secrète, c'est la découverte du triangle d'or la découverte du nom imprononçable suite à la perte du mot d'Hiram tandis que la révélation est l'intuition d'un chemin spirituel principe de transcendance.

 

Dans le cadre de l'ancienne alliance le GADLU révèle son nom ineffable à Moïse dans la théophanie du buisson ardent ensuite il intervient auprès d'Enoch dans un songe afin que le Nom soit retrouvé, l'initiation devient éveil de la conscience et ouverture de l'esprit.

 

La véritable prononciation du nom fut perdue jusqu'au moment où Dieu la communiqua à nouveau à Moïse sur le Sinaï, de même la vision d'Enoch présente deux niveaux :

 

  • celui de la hauteur au sommet de la montagne sacrée ou le GADLU lui révèle son vrai nom (celui d'en haut) gravé sur le triangle d'or et comment le prononcer ;

 

  • celui de la profondeur avec l'enfouissement et l'interdiction de le prononcer dans le monde terrestre.

 

Cette quête se trouve résumée si l'on peut dire dans le mot ineffable, imprononçable, le tétragramme sacré , il est ce qui est tel, celui qui possède l'être en soi, un principe possédant l’Être en soi « l’Être étant » le tétragramme inscrit sur la pierre d’agate :

 

IOD c'est le principe créateur l'initial, la cause agissante celle qui conçoit et commande ;

HE c'est l'émanation du point central pour remplir l'espace travail et vie elle même ;

VAV c'est le rapport de la cause à l'effet ;

HE c'est l'accomplissement de la création dans le résultat de l'action et du travail effectué.

 

Pourquoi lorsque devenu Grand Élu détruire la pierre et rendre illisible le nom sacré ? Quelle leçon pouvons nous en tirer ? Pourquoi partir errer avec le secret enfoui dans notre cœur ? Peut être pour éviter l'oubli alors que nous sommes exilés à Babylone.

 

Le Temple est détruit certes mais pas le secret du centre de l'idée. Une fois délivrés de la servitude et, après avoir obtenu la liberté de passer le fleuve symbolique, les chevaliers ont travaillé à la reconstruction du Temple et été initiés au symbolisme de l'apocalypse.

 

 

 

 

Devenus Chevaliers d'orient et d'occident, ils ont erré entre la matérialité d'un temple physique et l'immatérialité d'un temple spirituel, la Jérusalem céleste. Nés d'esprit leur nouvelle quête se devait d'édifier leur propre Temple.

 

Il aura quand même fallu que les outils de la maçonnerie fussent détruits, que la pierre cubique sua sang et eau, et que le voile du temple se déchira afin que plongés dans les ténèbres ils retrouvent l'énergie d'avancer sur le chemin de la vérité.

 

Avec l'aide de leurs frères, ils ont retrouvé sous les cendres encore chaudes du phénix renaissant les mots disparus, la parole sous une forme encore substituée, car la Vérité est inaccessible à l'esprit humain.

 

 

Le Temple et la Maçonnerie ont été à nouveau détruits et plongés dans les ténèbres.

 

 

Invités à édifier en eux mêmes un Temple spirituel, ils ont retrouvé les valeurs de l'ancienne Chevalerie, le don de soi jusqu'au sacrifice. Chevaliers Rose Croix ils ont retrouvé la Parole perdue.

 

Du plan de l'intelligence ils ont accédé à celui de la Foi de la Charité et de l'Espérance. Ils sont passés de l'ancienne à la nouvelle loi, la loi d'Amour.

 

Étrangement une fois encore ils sont confrontés à un mot ineffable, imprononçable, qu'ils ont  gravé grâce à un signe, une voix, à la providence, que sais-je ?

           

            INRI c'est la Parole dont le sens alchimique au REAA est « la nature sera complètement renouvelée par le feu ». Le feu principe de vie qui anime tous les êtres. Le symbole fort du phœnix, vie, mort, renaissance, régénération, immortalité.

 

Ainsi, au fil de l'initiation et de l'apprentissage du rite, le maçon chemine d'énigme en énigme afin de retrouver cette Parole.

 

Cette démarche initiatique présente comme constante le fait, de passer du substitué à la connaissance, pour tout de suite, se voir frappé d'interdiction de prononciation, soit par Devoir, soit par souci de préservation, ou encore, d'enfouissement d'un secret.

 

 

Le caractère positif de la substitution par ces mots de type secret, sacré, de passe assure plusieurs fonctions :

 

  • empêcher l'oubli ;
  • indiquer où chercher ;
  • inviter à poursuivre la quête ;
  • intégrer les ruptures ;

 

 

Empêcher l'oubli c'est savoir qu'au commencement était le Verbe et que l'aveuglement des hommes a conduit à la perte de la Parole et par voie de conséquence a masqué la route de la Vérité.

 

Indiquer où chercher notamment la pierre carrée qui permettra au chevalier de trouver l'emplacement qui de la fontaine, qui du trésor, qui de l'entrée du temple d'Enoch.

 

Inviter à poursuivre la quête c'est le moteur du cherchant, à chaque nouvelle phase de son initiation un indice ou un nouveau questionnement est délivré soit gravé dans la pierre, soit exprimé par un des trois autres éléments ou encore par un signe extraordinaire (feu, étoile, buisson ardent, voix mystérieuse etc...)

 

Intégrer les ruptures  Johaben, devenu secrétaire intime a failli tout perdre par curiosité. Johaben ensuite suit les traces de l'inconnu  se perd une fois encore par excès de zèle et vengeance aveugle. Les inconnus rencontrés font lien entre la solitude du cherchant, qui est égaré voire perdu, et la route de la Vérité qui passe par l'apprentissage du moi profond.

 

Tout cela nous conduit naturellement au futur chevalier de Royal Arche qui, grâce à un anneau fixé sur une pierre dans des ruines et à l'aide d'indications de Salomon, va redécouvrir ce qui a été perdu.

 

A l'inverse du Maître qui erre de l'orient à l'occident il s'agit de descendre sur un axe vertical, l'axe du sanctuaire d'Enoch, telle une descente vertigineuse, au plus profond de soi même.

 

Retrouver le Nom, retrouver le tétragramme sacré, retrouver les lettres véritables du nom enfoui, retrouver le nom de Dieu imprononçable car il est la vie, c'est la Quête. Le prononcer c'est en faire une idole, ce serait faire fi de l'infinitude divine, il nous faut l'enfouir dans notre cœur.

 

Ce cheminement sur l'axe majeur de la perte et du manque permet de comprendre la  nécessité de substitution. Il met en exergue notre aspiration à découvrir ce qui a pu être véritablement perdu .

 

Le travail initiatique du passage des mots substitués au mot imprononçable rappelle qu'il est vain de pleurer sur les décombres d'un passé dont on a jamais jamais été maître. Par contre chacun doit comprendre que dans les décombres il y a à trouver une richesse oubliée.

 

Chaque action est l'occasion d'une descente en soi, de faire le point, de revenir à l'inventaire de ce qui a été utilisé ou non encore exploité.

 

Francis Ducluzeau dans son livre le monde du Graal préfacé par Jean-Pierre Bayard nous entraîne dans le riche labyrinthe des trois œuvres principales de :

 

Chrétien de Troyes 1135-1183 « Perceval le Gallois ou le conte du Graal » (la quête de la lucidité et de la connaissance de soi par l'action) ; forte christianisation du conte ;

 

Wolfram d'Eschenbarch 1170 « Parcival (la quête de la Sagesse conjugue l'action et la méditation) ; reproche à Chrestien de Troyes de ne pas avoir terminé son œuvre et donne à son Parsifal une connotation ésotérique ;

 

Robert de Boron XII siècle, le chevalier Joseph d'Arimathie d'après L'Estoire du Graal « la quête de l'Esprit » (la relation intime entre l'humain et le divin conduit à la plénitude. C'est lui qui donne au Graal la fonction de Saint Calice ;

 

Jean-Pierre Bayard voit dans cet ouvrage un nouveau souffle de spiritualité à savoir que « peut être le Mot perdu, limite de la Quête, ne serait que la question qui ne sut être posée, car nous devons savoir communiquer, vivre rituellement tout en tendant vers l'Absolu »

 

La Parole devient juste et parfaite lorsque trois la prononcent, tout comme les trois clés confiées aux trois initiés sont nécessaires pour ouvrir le coffre aux trois serrures, sans doute les trois côtés du triangle rectangle qui forment l'équerre compagnonnique.

 

Jean-Pierre Bayard conclut sa préface en disant que l'auteur révèle l'intention symbolique dans la conception initiatique ; il nous place devant Adam Kadmon l'homme qui a réalisé son identification avec l'univers et qui se situe au sommet du cosmos.

 

Il ajoute qu'il conseille à chacun de vivre la Parole perdue, de la percevoir au plus profond de son être sans passer par le filtre déformant des concepts et du langage.

 

Dans la tradition hermétique hébraïque Adam Kadmon est l'homme primordial, spirituellement androgyne, l'homme d'avant la chute, exempt de toute multiplicité, un avec le divin.

 

Nous retrouvons cette idée dans le Vajrayâsia du bouddhisme dans lequel « la divinité est l'aspect pur de l'esprit, ce qu'il y a de divin au plus profond de l'esprit de chacun de nous. Elle n'est autre que la nature ultime de l'esprit envisagée dans sa plénitude plutôt que dans son aspect de vacuité » (vide absence de valeur)

 

Perceval le Gallois a connu dans sa quête les mêmes doutes les mêmes interrogations avant de parvenir au sublime de la chevalerie dominée par l'alliance avec Dieu et l'amour du prochain.

 

On retrouve dans l'ouvrage du 12eme siècle de Chrétien de Troyes les mêmes valeurs de substitution que dans notre démarche. Je reprends les thèmes :

 

  • empêcher l'oubli  comme Perceval, qui fut nommément autre et le même pourtant,  découvre son autre moi et donc se retrouve soi même après un combat contre le fils de Gauvain , il ne peut gagner car c'est une autre partie de lui même. Il retrouve son nom et sa lignée.

 

  • Indiquer où chercher  Perceval a rencontré l'ermite, le trois fois sage, qui lui a expliqué les trois niveaux de spiritualité dans les trois grottes.

 

 

La première grotte est petite, une source jaillit de sa paroi, il y abrite son cheval. Il s'agit symboliquement de l'eau purificatrice et, aussi, du besoin de maîtriser nos pulsions animales et nos émotions.

 

 

La seconde est chauffée par des charbons ardents et protégée du vent. Il s'agit ici d'écarter nos pensées profanes là où brûle le feu régénérateur. L'air et le feu, images de notre psychisme, de notre capacité à penser et à aimer.

 

La troisième est vaste silencieuse, contient des livres. Elle est le témoin de ce qui relie à la Tradition. Il y a aussi un autel sur lequel on peut placer  offrandes et  sacrifices. Il est le symbole de « faire du sacré »  mettre de la gratuité dans nos gestes et nos pensées.

 

Ces grottes représentent les trois dimensions de  l'être, corps âme esprit, elles incitent le cherchant à trouver la lumière dans le silence des ténèbres.

 

  • Inviter à poursuivre la quête  l'ermite exhorte Perceval à ne pas désespérer et à être fidèle à celui qui avait pris forme humaine pour montrer aux hommes le chemin de la Vérité.

 

  • Intégrer les ruptures Perceval est venu voir l'ermite car il  avait espoir d'obtenir un pardon pour tous les écarts par rapport au bien et au mal dans sa quête.

 

Je conclurais en disant que quelques siècles après les pérégrinations de Perceval le Gallois instruit et initié dans la chevalerie dominée par la loi d'amour qui donne du sens à sa quête, tout processus initiatique passe par le combat contre les ténèbres de l'ignorance du fanatisme et de l'ambition.

 

Ce processus ne s'arrête jamais, que la foi la charité et l'espérance nous encourage, nous guide et nous soutienne. J'ai dit....

 

Jean-Pierre Rousseau.

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