LES TITULATURES EN QUESTION
Cet humble article est à mettre en parallèle avec la grandeur qui apparaît
à certains lecteurs (je pense à notre fidèle lecteur Cincinnatus) des titulatures en vigueur dans les hauts grades maçonniques en général. Titulatures qui qualifient et gratifient les Frères ou les sœurs ayant été initiés à ces degrés dits de perfection, que je préfère pour ma part titrer de perfectionnement, susceptibles d’énorgueillir ceux qui les portent ou de les rendre vaniteux sous le regard des profanes et même de leurs Sœurs ou Frères. Par exemple : Trois fois puissant, Puissant Grand Maître, Maître Parfait, Illustre ou Sublime, Grand Pontife, Prince du Tabernacle, Très Sage, Grand Commandeur, Grand Inspecteur, Souverain Grand Commandeur, Grand Élu etc… Il m’est apparu salutaire réfléchir non pas à l’histoire de ces degrés les historiens de la Franc-maçonnerie sont nombreux plus expérimentés que moi à ce sujet. (1)
La titulature est l’ensemble des titres portés par une personne selon le Littré dans son édition de 2007. Cela caractérise le fait de porter un titre d’en être titulaire, après avoir en avoir été investi et mieux reconnu en capacité de le porter. Est-ce que cela caractérise un excès d’orgueil ? Dans la mesure où le titre à été octroyé par un tiers, cela semble être une marque de reconnaissance. En Franc-maçonnerie l’on dirait reconnu comme tel par ses Sœurs et ses Frères. Avec une réserve il faut bien sûr éviter l’entre-soi, le copinage. C’est ainsi que les degrés et les titres sont « donnés » d’abord à ceux qui ont fait leur temps, qui ont travaillés à se perfectionner et dont la fraternité et le dévouement est reconnu non pas par un seul mais par tous. Ont-ils besoin d’un titre ? Ceux-là recherchent ils les honneurs ? Sont-ils dignes de recevoir de pareils titres ? Sont-ils demandeurs ? Autant de questions que devront se poser ceux qui attribuent ces titres, autant de questions également que se poseront ceux qui les reçoivent. Conscients que chaque titre donné demandera à celui qui le reçoit plus de travail au service de l’ordre et plus de fraternité envers ses Frères. Il devra être conscient de son devoir et des devoirs de plus en plus nombreux qu’il devra accomplir.
En résumé ces titres qualifient certes une hiérarchie d’honneur, une reconnaissance, mais en Franc-maçonnerie ils qualifient surtout une hiérarchie spirituelle qui ne s’obtient que dans l’exemplarité du travail accompli, après une pratique maçonnique longue, constante et une ardeur au travail. Cette titulature est donc octroyée à plus d’un titre.
Dans la Rome Antique titulus d’où vient notre mot titre, désignait un écriteau ou une affiche portée au bout d’un bâton. Ce mot mettait l’accent sur quelque chose que l’on voulait montrer, comme une épitaphe, un honneur rendu. Puis par métonymie le mot désigna la gloire rendue à un homme, à une vertu, même à un monument, la titulature a pris une forme évocatoire.
Ainsi, la titulature pour les Francs-maçons caractérise leur degré de connaissance et de spiritualité acquise par leur travail constant sur eux-mêmes pour eux-mêmes, mais aussi pour leurs Frères et le service à l’ordre, le respect de leurs serments. Ceux qui sont porteurs d’une titulature en font rarement état, ce ne sont pas ces maçons atteints de la sournoise « cordonnite », la taille de leurs chevilles reste normale comme celle de tous les hommes bien portants.
J’ai remarqué que l’on comprend mieux un degré lorsque l’on a été reçu au degré supérieur, on a toujours une meilleure vue en se hissant sur les épaules accueillantes d’un Frère.
Il me semble important pour chaque maçon, même au 1er degré (cela fera plaisir à mon amis et Frère Cincinnatus) d’avoir conscience : « que les noms (titulatures) fussent-ils éminents ne veulent pas dire ce que nous sommes mais ce que nous devons devenir. » (2) Ainsi ils caractérisent plus la capacité de notre humilité que notre plaisir de grandeur. Les titulatures montrent le chemin qui reste à parcourir, le chemin inaccompli, ils sont une voie pour l’avenir. Avant d’avoir la lourde charge de porter un nom, il faut être sûr de pouvoir le supporter en toutes circonstances d’être vrai et de le rester. Avoir constamment à l’esprit que chacun doit à ses Frères le respect et la dignité. En Franc-maçonnerie les Frères sont égaux dans leur démarche initiatique, certains avancent plus vite que d’autre, la vitesse n’est pas le but. Aucune femme aucun homme n’est rien, ce sont tous nos Sœurs et nos Frères en humanité, les plus humbles de tous ont leur place en Loge et dans la société. Ceux qui se hissent sur leurs talons à la recherche des gloires éphémères et artificielles, même s’ils chantent haut et fort ne sont pas plus éclairés que les plus humbles et discrets des pêcheurs. Tous les hommes au regard de l’infini dans toutes ses dimensions sont des poussières de lumière, ceux qui sont capables d’en avoir conscience approchent la Vérité. Ces hommes-là sont des hommes vrais.
Les titulatures ne doivent pas être dissociées de notre lucidité de ce que l’on est vraiment en conscience, sinon ce serait succomber au ridicule, voire pire à un ego surdimensionné.
Les hommes au cœur pur sont toujours à la disposition de leur atelier, des leurs Frères, des autres. Ils n’acceptent les titres et les charges qu’ils sont capables de supporter au risque sinon d’être insincères et indignes et surtout bien éloignés de l’amour fraternel auquel ils se sont engagés par serment. La Grande Lumière n’éclaire que les cœurs les plus humbles.
- – Pascal Barbier Thuileur – R E A A Éditions EMEREK.
- – Élie Levy Revue Ordo Ab Chao N°84.
Jean-François Guerry.