« La Grande Vie » de Christian Bobin.
Christian Bobin n’est plus il est parti vers la lumière de ses étoiles à 71ans.
Pour ceux qui ne connaissait pas Christian Bobin, il était un passeur et un porteur de lumière, vous savez celui qui est à la porte et qui vous ouvre en souriant, avec respect et pudeur. Il y avait dans ses yeux tant de lumières pour nous soutenir. Il nous offrait ses mots ciselés avec la force de son cœur.
Bobin, même quand il connu la gloire, il resta accoudé sur le rebord de sa fenêtre dans la ville du Creusot qui l’a vu naître. C’est peut-être, dans les ténèbres des mines de charbon qu’il voyait mieux les yeux des hommes briller de mille feux. Il ne menait pas la grande vie, il voulait simplement rendre la vie plus grande, plus belle, plus infinie, plus vraie, pour tous. Il cherchait la grandeur cette vie qui prend sa source dans les collines du cœur. « Ce qui manque à ce monde, ce n’est pas l’argent. Ce n’est même pas ce qu’on appelle « le sens ». Ce qui manque à ce monde c’est la rivière des yeux d’enfants, la gaieté des écureuils et des anges. » (1)
La Grande Vie de Bobin, est le message bouleversant du réel. Les mots d’amour légués aux hommes et aux femmes, à la nature. Cet homme était la douceur et la gentillesse de la révolte. Il était une incarnation de celui qui semblait avoir vu les territoires inconnus et lointains de la beauté et y avoir laissé une partie de lui-même pour témoigner sa vie entière, pour nous donner un message d’espérance et d’amour fraternel. « La bouche de la lecture est entrouverte. Elle boit le petit lait du ciel. Les hommes regardent les femmes et ils en perdent la vue. Les femmes regardent les mots d’amour et elles y trouvent leur âme. » (2)
On veut toujours comme une folie grandir pour dominer, vaincre pourquoi ? « Pourquoi grandir puisque enfants nous touchions déjà le ciel de nos petites mains d’argile rose ? » (3)
J’ai toujours pour ma part été ému, émerveillé par les petites mains des nourrissons, puis celles des enfants qui viennent lentement se nicher dans les nôtres, comme pour se protéger avant de nous montrer les oiseaux dans le ciel.
Avec Christian Bobin l’on trouve dans le recueillement de sa lecture une force de vie, des sourires à la vie au milieu de nos drames.
« Elle souriait. Elle avait perdu un enfant il y a de ça quelques années, en vérité il y avait une seconde : le cœur ignore le temps. » (4)
L’écriture de Bobin est comme un rayon de lumière intérieure qui vient du cœur, qui cherche la sortie, se faufile sous notre porte, illumine notre visage, y creuse les rides du sourire fait de nos joues des pommes d’amour rougissantes. La lumière, oui, c’est ça la sève de la vie de Bobin, un jeu de lumière « Connaissez-vous la différence entre un écureuil et un saint ? Il n’y en pas. Les deux font provision d’une lumière qu’aussitôt ils oublient. » (5)
On ne peut pas évoquer Bobin et sa lumière, sans le relier à Pierre Soulages qui a rejoint lui aussi récemment la grande lumière celle qui illuminé l’œuvre de sa vie. Bobin a consacré un recueil au peintre des Outrenoirs après sa rencontre à Sète. Dans « La grande vie » il écrit : « Soulages envoie toute la peinture à la brocante. » (6)
Pour moi, Bobin écrit et parle de la lumière, cette lumière qui est derrière dissimulée derrière le voile des apparences. Quand nous la découvrons, elle nous parle, comme à tous les hommes : « Tiens, puisque tu me vois, puisque tu me prêtes attention et que tu aimes, c’est que tu es vivant. » (7)
Pami tous nos voyages, celui vers la lumière est sans aucun doute, le plus difficile, le plus sinueux, mais aussi le plus beau, le plus intense. Ce voyage est élan, essor du cœur, ivresse de la vie. « Le papillon monte au ciel en titubant comme un ivrogne. C’est la bonne façon. » (8).
Les mots de Christian Bobin, sont comme les flammes des anges, ils flottent dans l’air, dans la lumière du soleil au-dessus des pages du livre ouvert. On les voit quand on relève la tête obstinément à la recherche des étoiles. Ces mots nous donnent la possibilité incroyable, miraculeuse de parler avec cette lumière qui brûle toutes les écorces sans consumer notre cœur flambeau éternel.
Nous sommes comme des enfants devant leur gâteau d’anniversaire soufflant sur ces bougies magiques qui ne s’éteignent jamais, nous crions alors la joie qui est dans nos cœurs.
« Vous mourrez tous, dit Homère. Vous mourrez d’un trait de javelot ou d’une rupture d’anévrisme, sur un sol étranger ou dans une chambre d’hôpital. Et tous, sans exception, l’ange qui efface les fautes posera sa main sur vos fronts en sueur, vous aidera à entrer dans le soleil à l’heure dite. » (9)
Christian Bobin nous a quitté discrètement, comme il a vécu. Loin des lumières artificielles, mais j’en suis sûr le cœur toujours pur et lumineux, ce cœur qui monte lentement comme l’encens vers la voûte étoilée.
J’ai choisi de lui rendre cet humble hommage en parcourant son recueil : « La grande vie » dont François Busnel disait : « Il y a bien plus dans ce magnifique et bouleversant recueil que dans nombre de traités de philosophie. »
Au revoir Monsieur Christian Bobin et merci…
Jean-François Guerry.
de 1 à 9 extraits du recueil : La grande vie de Christian Bobin.
PS : Je n’ai pas lu tous les livres de Christian Bobin, c’est une chance je vais pouvoir le faire, voici ceux que j’ai eu le bonheur de lire et relire.
La Muraille de Chine : « Le sommet de la vie, veux-tu que je dise ce que c’est ? C’est d’écrire une lettre d’amour, sentir le feutre appuyer sur le papier, et voir le papier s’ouvrir à une nuit plus grande que la nuit. » Éditions 4 yeux- 2019.
Une petite robe de fête : « Celle qu’on aime, on la voit s’avancer toute nue. Elle est dans une robe claire, semblable à celles qui fleurissaient autrefois le dimanche sous le porche des églises, sur le parquet des bals. Pourtant elle est nue- comme une étoile au point du jour. À vous voir, une clairière s’ouvrait devant mes yeux. À voir cette robe blanche, toute blanche comme du ciel bleu. Avec le regard simple, revient la force pure. Éditions Folio Gallimard – 1991.
Geai : « Geai était morte depuis trois mille cent quarante-deux jours quand elle commença à sourire. » Éditions Nrf Gallimard – 1998.
Pierre : « Je me moque de la peinture. Je me moque de la musique. Je me moque de la poésie. Je me moque de tout ce qui appartient à un genre et lentement s’étiole dans cette appartenance. Il m’aura fallu plus de soixante ans pour savoir ce que je cherchais en écrivant, en lisant, en tombant amoureux, en m’arrêtant net devant un liseron, un silex ou un soleil couchant. Je cherche le surgissement d’une présence, l’excès du réel qui ruine toutes les définitions.
Je cherche cette présence qui a traversé les enfers avant de nous atteindre pour nous combler en nous tuant. » Éditions Nrf Gallimard- 2019.
Ressusciter : « Il y une étoile mise dans le ciel pour chacun de nous, assez éloignée pour que nos erreurs ne viennent jamais la ternir. » Éditions Folio Gallimard- 2001.
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