Eschatologie et entropie
Le dernier n’est pas que la mort, c’est aussi l’expression de toutes les fins, provisoires ou définitives, qui nous affectent, ou qui nous allègent. Ainsi la fin d’une vie, ou d’un exercice quelconque, en lequel nous trouvions du plaisir, peut pour le moins nous frustrer, nous décevoir ou nous catastropher. La fin d’un examen stressant ou compliqué peut au contraire nous alléger, voire nous libérer. L’Apocalypse biblique, par analogie, recèle en elle-même à la fois le plus effroyable des combats, et le plus grand des espoirs. L’eschatologie devrait apparaître a priori comme quelque chose d’agréable, de positif, en ce sens qu’en s’appuyant en permanence sur une fin supposée, elle mettrait le doigt sur l’instant, sur un temps immédiat dont l’existence devrait suffire à générer du contentement. Mais l’homme est ainsi fait qu’il se contente rarement de l’immédiateté ; il aime à se projeter et, ne possédant pas le don d’ubiquité, cette projection génère par essence inconfort, incertitude et angoisse. Au bout du compte, cette approche eschatologique sert essentiellement à nous rassurer et à nous ancrer dans la réalité immédiate, fût-elle difficile, et donc à limiter les impasses mentales qui se dressent devant nous lorsque notre esprit humain tente d’embrasser une totalité. Nous rassurer nous aide à poser les choses, à structurer les concepts et à décomposer les raisonnements. Nous rassurer renforce nos capacités à analyser, et notre latitude à nous orienter dans ce que la vie de tous les jours constituerait pour nous, en termes de maelstrom. L’eschatologie est en fait une déclinaison possible de ce que l’on nomme l’entropie. Le postulat de l’entropie est que tout système naissant et organisé tend nécessairement vers un désordre structurel : on peut par exemple voir dans le vieillissement de l’être humain un exemple banal d’entropie, dans lequel notre corps tend inéluctablement vers un état de sénescence, donc de déstructuration.
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Cela dit, la chose à bien comprendre est que l’entropie, qui est une mesure du désordre, connaît son point culminant non pas à la toute fin des temps, mais bien plus tôt, juste avant que cette notion grandissante de désordre ne devienne à son tour, du fait de sa prédominance, la nouvelle orthodoxie. C’est en cela que l’entropie ne s’oppose pas au concept de l’évolution, parce que justement l’entropie amène progressivement à un ordre nouveau. Et que d’autre part, l’évolution ne se conçoit pas uniquement comme un système indéfiniment en devenir, mais par un phénomène d’équilibre « construction-déconstruction », dans lequel est présent l’essence même de l’entropie. On peut ainsi considérer que le point d’équilibre entre déstructuration progressive d’un ordre, et restructuration progressive d’un ordre nouveau est un goulot d’étranglement, et donc un germe vis-à-vis de ce qui pourra suivre, à l’image de ce que peut représenter pour un Chevalier Rose+Croix, l’Agneau ou le Christ.
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Cette hypothèse corrobore aussi l’existence du reste, de cette part de l’humanité qui, dans la Bible, est sauvegardée lors de l’Apocalypse. Ce reste constituera le point axial entre deux mondes que tout oppose. Le dernier est également un repère, un jalon, qui épouse parfaitement le schéma de la pensée humaine, toujours articulé autour du binaire. Le dernier sera ici entendu comme un terme complémentaire de celui qui nous sert à faire vivre complètement une pensée, une expérience ou une action. Car s’il y a dernier, il y a nécessairement premier ; or, le dernier, tout comme le second, est un mot qui porte en lui-même ses propres bornes. A cet égard, le dernier peut avoir plusieurs acceptions possibles : on peut y voir notre prochain, avec ce lien indéfectible basé en particulier sur notre similarité à l’autre. Il n’est en effet de relations qu’entre entités possédant un minimum de points de rapprochement.
Si la Franc-Maçonnerie permet de lier des êtres qui ne se seraient jamais rencontrés autrement, il n’empêche que le lien établi s’appuiera sur des points d’ancrage communs. Je serais tenté de dire que la fraternité n’est, dans son maillon le plus intime, qu’une somme d’altérités individuelles, sans que cette qualification ne revête le moindre caractère restrictif ou discriminatoire. Le dernier peut enfin être une échéance-butoir, aussi bien temporelle, comme une heure, une date, un événement, que physique comme la paroi d’une enceinte, que spirituelle, construite sur des révélations personnelles, ou encore que psychologique, construite sur un approfondissement introspectif.
La temporalité au dernier est donc une forme d’ouverture au Sacré, en ce sens où, n’étant pas de purs esprits, nous humains avons besoin de séparer, de cloisonner les milieux afin de dégager un endroit privilégié où laisser libre cours à nos méditations intellectuelles, spirituelles et symboliques. Le dernier deviendra dans ce cas être un gradient ou un cloisonnement itératif, tel celui des textes rituels, ou bien un rempart efficient, tel que la porte ou les murs d’une loge.
Thierry Didier.
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