C’est ce en quoi la vertu d’un homme pourra survivre à l’homme lui-même et rester dans nos mémoires, car la mort physique telle qu’elle nous est rapportée classiquement renvoie dos à dos potentialité et spiritualité. Cette capacité à être séparé qui paradoxalement offrira à l’initié son libre arbitre, son esprit critique et une forme de résilience face à ce qui deviendraient sinon des obstacles insurmontables à franchir, car se « nourrissant sur la bête », sans possibilités de s’en échapper. C’est toute la différence entre l’individuation, qui nous rend singulier, et l’individualisme, sorte d’égocentrisme borné. L’être individué sera alors capable, puisqu’il le fait pour lui-même, de discerner et donc d’assembler dans une même éthique liaison et séparation.
En fait, moins l’homme est individué, plus ressent-il l’espace avec son prochain comme possiblement inquiétant : c’est normal, car ayant peu d’assise initiatique, il doit alors déléguer à l’espace intercessif une fonction de lien, d’accolure, d’attache propres à lui permettre de subsister. C’est là où les termes liaison et séparation peuvent être affectés à des sentiments bellicistes, comme on le constate en psychologie cognitive concernant le syndrome du narcissisme, forme pathologique de l’individuation, où la vie du malade s’arrête à lui-même, et le coupe et non le sépare d’un monde extérieur fatalement vu comme nocif et dangereux. C’est pourquoi tout narcissique est paranoïaque.
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En franc-maçonnerie, toutes les idées-forces qui caractérisent le contenu de chaque grade produisent une séparation, dans la mesure où elles apportent une spécificité nouvelle et originale déclinée suivant l’esprit du degré considéré : c’est ce qui les distingue ainsi de toutes les autres idées présentes aux autres degrés : ces idées pourront alors être symbolisées par un mot-clé, dans le dessein de rendre le plus didactique possible cette façon de considérer chaque étape gradative du rite. Car quand l’idée surgit, l’idée sépare : elle est assimilable en maçonnerie symbolique au ciseau, c’est-à-dire à un outil dont la fonction est de séparer : la taille, qui en est la conséquence, est tout d’abord une séparation entre un éclat, qu’il soit physique ou intellectuel et une « masse confuse », comme disaient les alchimistes. Cette masse restante, soumise mécaniquement à l’acutesse de l’outil, symbolisera le substrat destiné à faire émerger quelque chose qui le dépasse, une forme de terreau en quelque sorte.
Etymologiquement, l’idée symbolise d’abord les formes des choses présentes de toute éternité en Dieu. Puis chez Oresme, vers la fin du 14ème siècle, l’essence éternelle et purement intelligible des choses sensibles : tout est dit, car l’intelligibilité des choses ne peut se faire sans séparation préalable de ce qu’elle régit. Ainsi, l’intelligence, placée en amont des « choses de la vie » dans une sentence du 12ème degré (« L’intelligence est la lumière jetée sur les choses de la vie »), apparaîtra alors comme inductrice et génératrice, là où l’esprit placé en aval, sera exaltateur et émancipateur. Et c’est cette séparation qui permettra d’accepter comme tel lesdites « choses ». La thèse commune aux différents platonismes verra les idées comme des entités intelligibles indépendantes de la pensée humaine auxquelles on accéderait par l'intellect seul, sans recours à l'expérience sensible. Cette indépendance validera alors la séparation fondamentale qui existe entre sensibilité et intellect.
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La différence au 30ème degré sera, nous en reparlerons, que c’est la séparation elle-même qui deviendra le viatique du Chevalier Kadosch. Ainsi chacune de ces idées découvertes jusqu’au 29ème degré constituera un avatar de cette séparation ontologique sans laquelle l’évolution progressive du maçon serait impossible. Pour en revenir aux grades symboliques, l’identité sera donc l’avatar de la séparation au 1er degré ; puis l’altérité recherchée par le compagnon deviendra l’avatar de la séparation au 2ème degré ; enfin, le Maître maçon verra la solitude comme l’avatar d’un séparatisme particulier qui le différenciera des 2 grades précédents. Ainsi, grâce à la séparation, chaque nouveau chantier entrepris au sein d’un grade viendra s’ajouter au grade suivant, à la façon dont on archive des données.
Au 3ème degré, Si Hiram Abif est assassiné, c’est parce que l’outil, de pacifique et de supplétif prolongeant la main de l’initié, sera devenu contondant, de par sa séparation temporelle et spatiale. Aux 2 1ers degrés, les outils « collent » à la main de l’initié qui se construit, que cette main soit factuelle ou métaphysique. Par contre la course, la vitesse et l’angle d’attaque de l’outil devenu, durant la cérémonie d’exaltation, une arme, ne seront réalisables que parce que l’outil deviendra séparé de ce sur quoi il agit, contrairement à son usage utilitariste, qui nécessite, lui, une continuité entre l’homme et son ustensile. Cette séparation reflètera un statut dans lequel sera mesurée en permanence une distance. La distance de l’épaule ou du crâne de Hiram Abi servira alors d’élan imprimant à l’outil son caractère blessant puis létal. Dit autrement, c’est l’approche et l’appréhension évolutive, dans le temps, de l’initié qui va en moduler l’usage. Ainsi Hiram Abif, nous donnera, par la solitude du Maître, plus qu’une simple séparation, car appuyant un regard philosophique approfondi sur lui-même, comme si chaque cycle amenait à une forme d’inventaire. Lorsque l’on dit, au 3ème degré, « le Maître est seul », il s ’agit à la fois d’évoquer à demi-mots l’idée que l’initié a amorcé sa séparation, et en même temps, le Maître étant le premier grade d’initié à vivre cette occurrence, il reçoit grossièrement cette séparation, en n’y voyant que l’aspect foncièrement négatif d’une solitude existentielle.
Au grade de Chevalier de Royal Arche, dans le narratif du 13ème degré du REAA, l’initié se verra séparé entre d’une part, Johaben et Stolkin restés en surface, assurant une nécessaire base arrière, et entérinant alors les découvertes de Guibulum « l’électron libre », nouvellement actif. La descente de Guibulum s'apparentera ainsi à une séparation intrinsèque des contingences d'un être limité par sa corporéité (Guibulum), et d’une autre voie laissée sous le boisseau (Johaben et Stolkin). Stolkin et Johaben ne seront pas moins honorables que Guibulum, ils furent simplement engagés plus tôt dans un processus dont ils étaient les acteurs incontournables.
En fait, dès que la recherche de la Voûte Sacrée deviendra prééminente, à savoir soulever l'anneau puis explorer la cavité, les spécificités de Stolkin et Johaben deviendront des freins à une poursuite plus directe : chacun des deux a déjà eu son temps de gloire : en refusant de relayer Guibulum, ils l’empêcheront alors, tout comme le héros des Noces Chymiques, de retourner en arrière. Cette séparation entre Guibulum d’une part, et Stolkin et Johaben d’autre part sera due au fait que, pour les 2 derniers cités, leur heure est initiatiquement venue plus tôt. Johaben a porté en son temps une transgression dont les valeurs et conséquences ont contribué aux principes d'un monde remodelé.
Même chose pour Stolkin, qui fut le découvreur du corps d'Hiram Abif. Cette « entité triple » mais séparée sera la condition sine qua none à l’atteinte par Guibulum, le pôle actif, de l’ineffabilité du Nom. En plus des séparations particulières générées à chaque degré s’imposeront des séparations systémiques, plus globales, actant la fin de chaque cycle du REAA. Ainsi l’immanence de Galaad à la fin du cycle de Perfection, l’incarnation du messie christique à la fin du cycle capitulaire et donc la séparation du Chevalier Kadosch à la fin du cycle philosophique pourront être perçues comme de véritables dérélictions, si l’on ne prend pas soin de s’y pencher sincèrement.
Il n’est qu’à imaginer Hiram Abif, terrorisé dans sa solitude vaine à échapper aux 3 meurtriers, ou Galaad, condamné à occuper un endroit avec l’unique perspective de contempler le Mot Ineffable. Cette dernière occurrence se formalisera à travers la position qu'occupait Galaad au sein de la Voûte Sacrée : en effet, dans la légende du grade, Galaad, le chef des lévites, existait sans être découvert, et pour cause, puisque seul le Temple érigé était à considérer. Galaad assurait des prérogatives qui étaient à la fois flatteuses et obsolètes, mais « invisibles », tranchant avec celles de ses subordonnés les lévites, bien visibles et indispensables mais subsidiaires, cantonnées à la fonction liturgique de « servir Dieu et bénir le peuple », comme le dit le rituel du 4ème degré du REAA. Galaad est un très bon exemple de séparation ontologique car il fut à la fois, sur un plan fonctionnel, chef des lévites et, sur un plan structurel, Gardien de cette voûte fort peu accessible. Or le chef est à la tête d’un ensemble dont il fait partie, alors que le gardien se sépare, lui, de cet ensemble, engagé qu’il est dans un engagement de sa pérennité. Ainsi, l’antériorité narrative de Galaad aura pour vertu de l'installer en fondateur immémorial et en conservateur. L’émergence de Galaad au 14ème degré exprimera aussi le fait qu’à ce stade la position de lévite sera consommée, et donc séparée dans ce qu’elle eut d’utile et de nécessaire.
C’est pourquoi également l’apparition furtive de Galaad à ce degré sera conditionnée par la destruction du Temple, et que son ensevelissement témoignera du terme d’un processus : Galaad fera enfin corps avec cette terre qui avait été refusée bibliquement depuis toujours à ses ancêtres lévites. Il disparaîtra donc, mais en s’intégrant à un socle, un acquis (les ruines du temple) sur lequel le récipiendaire pourra s’appuyer par la suite. Enfin, séparatisme suprême , Galaad ne subira pas, mais choisira cet ensevelissement : si l’on transpose sur le plan maçonnique, cela signifie que le travail initiatique, par essence confiné à l’individu, rendra progressivement plus libre, et que le bénéfice qui ressortira de ces morts successives grandira, et perdurera quant à son rayonnement sur l’avenir : « choisir d’être enseveli » signifiera opter en toute conscience et en toute liberté pour un aboutissement dont on a complètement pris conscience.
Un épisode biblique de la Genèse, dont la substance est contenue dans le 21ème degré du REAA, Noachite ou Chevalier Prussien, celui de la Confusion des langues, deviendra paradoxalement un acte de discernement, qui nous renverra plus tard au 5ème échelon de l’Échelle Mystérieuse du Chevalier Kadosch, : « Hamah Scheal », clairvoyance lumineuse dont le faisceau séparera l’existence telle qu'on la connaît en ses 2 versants, le contingent, la substance : Nemrod et le structurel, l’essence : Phaleg. En rendant inintelligible le dialogue entre les hommes, la confusion des langues sera une façon de libérer, d’émanciper le Peuple en peuples, et d'obliger les hommes à se créer leur propre vision du monde, leur propre culture, en somme à acquérir une liberté de conscience qui forgera son sentiment de séparation et d’indépendance
Cette « théologie du choix » sera aussi parfaitement illustrée dans « Les Noces Chymiques », ouvrage du 17ème siècle attribué à Johann Valentin Andreae, où le héros peut potentiellement cheminer sur 3 voies qui s’offrent à lui : la 1ère, courte et périlleuse, la 2ème, longue et sécure. Ces 2 1ères voies n’en constituent en fait qu’une seule, à savoir un cheminement bref mais dangereux, ou bien un cheminement durable mais sans attrait. Il y aura enfin une 3ème voie, dite Royale, dans laquelle le héros s’engagera, possédant à elle seule les 2 pendants de la vie. Il n’y aura donc pas, dans cette 3ème voie, de clivage conjoncturel, comme avec les 2 1eres voies, mais une séparation structurelle. C’est ce que le héros agréera par ces mots : « Je chassais le corbeau et je délivrais la colombe… ». Le prérequis de cette voie royale conditionnera, contrairement aux 2 1ères voies l’impossibilité de retourner en arrière: il ne faudra pas y voir une coercition gratuite, mais un façon de s’imprégner d’un état d’esprit qui nous rendra définitivement acteurs de notre destin, et donc symboliquement comme devant toujours avancer , car à chaque pas le passé se transformera, ne nécessitant plus le besoin d’un quelconque retour (on retrouve cette obligation dans les différentes déambulations en loge, qui se font presqu’exclusivement vers l’avant). Déclinée sur le plan maçonnique, la logique de continuité que l’on mettra en évidence en passant d’un degré écossais à un autre obligera à tordre la raison jusqu’à l’amener en un endroit où celle-ci n’aura plus droit exclusif de cité.
Ce sera le temps de l’Apocalypse et du 17ème degré du REAA, où la raison triomphante devra composer avec le reste de ce qui fait l’humain, à savoir le sentiment et l’intuition. Le mécanisme macrocosmique de l’Apocalypse nous signifie en fait ce que cette « lutte des prééminences » engendrera, à l’intérieur de chacun, quand celles-ci tenteront d’occuper le terrain de l’autre, car la Nature a horreur du vide, surtout celui « laissé par le « camp d’en face ». Plus profondément, ce combat servira de tremplin à l’intime de chacun, qui devra découvrir en lui ce qui s’oppose le plus, pour que la liberté qui en ressortira soit la plus forte possible. Cette liberté sera nécessaire pour appréhender le temps messianique, qui, au 18e degré, pour les chrétiens, est celui du Christ.
Ce mix de liberté et d’opposition génèrera encore une fois ce qu’on appelle une séparation. Le Kaïros, ou « moment de vérité » pourra alors être considéré comme l’expression temporelle de cette séparation : il représentera, au 18ème degré, l’« heure du Parfait Maçon » qui se concentrera d’une certaine façon en un seul point, celui de la reprise et de la suspension des travaux. Ce temps messianique, isolé par essence de la contingence, sera fatalement douloureux car, s’il permettait le salut, c’est-à-dire la liberté, cette séparation passerait nécessairement par l’abandon d’une certaine forme de toute puissance, comme nous l’illustre bien la Passion christique, toute puissance à laquelle personne n’échappe... Si le passé pourra nous guider et le futur nous aider à nous projeter, seul le temps présent nous transformera vraiment parce qu’il sera le réel, celui qui se conforme au rythme où l’on respire, et qui n’est que la scansion des battements de la vie. Car l’homme étant par nature conformiste, il vivra comme une profonde souffrance cette alternance d’états.
Ça n’est pas spécifiquement tel ou tel état qui le perturbera, mais leur succession, à la façon d’une « sourde dilacération » de ses standards. L’avènement, au 18ème degré, du Prochain viendra relativiser ce sentiment, en y adjoignant une forme de partage, de charité et d’incarnation, luttant pied à pied contre le sentiment sourd de la déréliction. C’est tout le malheur de l’être humain que d’être partagé entre une indispensable individualité et une façon de refléter cette dernière sur un autre que soit. Rien, en fait, ne résoudra véritablement cette quadrature du cercle, tout au plus pourrons nous nous approcher de ce dilemme ontologique en éprouvant le sentiment ambivalent de séparation appliqué ,cette fois, aux 3 valeurs de la Foi, de la Charité et de l’espérance. Vous me direz peut être aussi que l’existence sensible est déjà tout entière affaire de choix, donc de séparations : en fait, non, car lorsque le profane avance, il emprunte uniquement la voie qui correspond à ce tri, en laissant à part l’autre direction. Le « produit perdu » lors de la séparation pourra néanmoins subsister sous forme d’un à-côté, d’un fardeau pénitentiel, d’un « côté sombre » qui plombera plus ou moins le profane et le ralentira, voire le stoppera dans sa connaissance intime de lui-même. Ce sera tout l’objet de la recherche initiatique que d’approcher cette arborescence des voies possibles sans s’y noyer. Par contre, la mécanique initiatique fera que les faux-semblants, les non-dits subsisteront un temps, jusqu’à ce que l’initié ait la capacité de les mettre en lumière pour plus tard réellement les éliminer, lorsque le moment propice arrivera (voir l’évolution, parfois visible, parfois cachée, des 3 mauvais compagnons, successivement agents, puis patients et enfin « victimes », entre le 3ème et le 11ème degré du REAA).
C’est seulement au 30ème degré du REAA que l’exercice d’une « émergence cumulative des avatars de la séparation » connaitra son apothéose, au travers de la titulature de Kadosch, qui signifie « séparé » en hébreu. Le Chevalier Kadosch ne se réduira pas, lui, à un nom ou un personnage, il caractérisera non cet habit transitoire qu’est l’avatar de la séparation, mais la séparation elle-même. Le Kadosch est dit « séparé » par essence (c’est la signification hébraïque de son nom). Si nous devions « personnaliser » le Kadosch, il serait une forme de syncrétisme entre les 2 poursuivants, mais aussi le résultat d’une confluence sommitale portée par l’Échelle Mystérieuse, ou bien d’une zone grise définie physiquement par la séparation liturgique de la loge en 2 grands espaces, l’un noir et l’autre blanc. Nous aurons donc ici un faisceau amontal de concepts validant l’idée d’un « dépassement de fonction » où seul serait à considérer l’essence même, à cet égard innommable, de la séparation.
Les 2 poursuivants du 30ème degré seront l’expression la plus parlante de cette séparation : ils expriment violemment le verbe de leur séparatisme, ils nous obligent à recevoir avec le minimum de protection les propos très frappés qu’ils délivreront. Les poursuivants expriment des archétypes de pensée qui ne sont pas viables isolément, car leurs injonctions se résolvent dans leurs dialogues croisés et donc séparés : la vérité ne sera pas définie par l’un ou l’autre des poursuivants, mais par la nuance que saura leur apporter le Chevalier Kadosch. Il ne s'agira donc pas d'un dialogue, mais de 2 monologues séparés, relayés simplement par l'écoute du récipiendaire. Les 2 poursuivants nous montreront que les choses ne sont jamais toutes blanches ou toutes noires, auquel cas ne survivraient-elles pas à l’exercice de la vie ordinaire.
Car la vie réelle est le résultat permanent d’une somme infinie d’adaptations qui permettent justement de ne pas disparaître. Ce seront ces adaptations qui permettront de considérer dans un même élan, pour l’initié abouti, liaison et séparation. Pourquoi la séparation est-elle le concept ultime de notre progression maçonnique ? Eh bien parce que le schéma que je viens de vous décrire ne peut pas se produire si l’initié n’est pas, un tant soit peu, « séparé » de ce qui se fomente en permanence en lui. Sans cette séparation ontologique, le concept ou la valeur qui mûrit en lui tout au long d’un degré ne pourra pas s’en « détacher » s’il ne possède pas un minimum de distance avec ledit concept. Cette séparation, qui est l’acte ultime que peut accomplir l’initié, se devra alors de devenir l’objet absolu, celui que représente donc le Chevalier Kadosch. C’est pourquoi ce degré coiffe plutôt qu’il ne prolonge les 29 degrés précédents, tout simplement parce qu’il ne s’agit plus là d’extirper une valeur ou un concept subsidiaire, mais de formaliser LE témoin définitif, celui de la séparation permise par l’analogie de départ. Ce témoin unique et définitif en fin de 29ème degré, s’était déjà vu révélé par « l’unique clé » citée à la 7ème et dernière vérité du 28ème degré, dont le texte exact était « L’analogie est l’unique clé de la Nature ».
Cette « unique clé » sera le pont ultime entre le Chevalier Kadosch et les 29 degrés qui l’ont précédé. Une fois cette séparation objectivée, tout sera « sur la table », et la locution Nec plus Ultra, « Rien au-delà » prendra tout son sens, constituant alors non pas la qualification d’une idée nouvelle, mais le mécanisme même de chaque idée-force et de toutes les précédentes. D’où ces phrases sibyllines du 30ème degré : « « Nous n’avons plus d’autre enseignement à vous donner […] Nous n’avons pas de mot d’ordre à vous donner […] Vous êtes désormais le soldat de l’Universel et de l’Éternel », qui détermineront plus une situation de fait qu’un principe transitoire. Il faut ici entendre transitoire non pas comme éphémère, mais de subrepticement créé, afin d’être ajouté au fond même de l’évolution.
Cette spécificité de la séparation, qui est quelque part bâtie sur une distinction de dynamiques, sera à la fois le moteur et le frein de notre progression. C’est pourquoi chaque grade qui se succèdera maintiendra une « mise en tension » de l’initié qui sera le résultat de forces contradictoires dont la résultante fera du degré suivant la complémentation du précédent. Je parle de forces contradictoires car la nature conteste toujours l’apport d’une nouveauté, par principe irruptive, car elle met en danger l’orthodoxie précédemment établie : c’est ce « combat des chefs » qui posera une nouvelle légitimité : ce sera toute l’histoire du 6ème degré du REAA. Cette opposition « de forme » viendra télescoper, puis accompagner l’acte créatif qui sanctionnera l’avènement d’un nouveau degré (c’est tout le comportement, cette fois, du roi Salomon et de Johaben au 9ème degré du REAA).
Le simple fait de compartimenter le chemin en degrés signera une séparation factuelle qui visera à la fois à mettre en lumière le contenu propre d’un degré, et de créer, sinon une hiérarchie, en tout cas un continuum articulé de grades. Nous parlerons de hiérarchie non dans son sens trivial de subordination, mais dans celui d’une gouvernance du sacré, chaque grade apportant en effet un « plus » qui viendra là « épouser » une idée, pour en faire le momentum de la suivante.
La sentence du 30ème degré « Son nom fut autre et le même pourtant » acte la séparation, ontologique s’il en est, pour passer de l’artifice au fondement, du moyen à la fin. « Son nom fut autre, et le même pourtant » témoigne ainsi du dépassement de cette analogie, où le miroir de l’initiation va enfin laisser place à l’Échelle Mystérieuse, renvoyant à l’opposition principielle des arts et des vertus portée par les 2 volées de barreaux. C’est ce que nous susurre à demi-mots cet extrait d’un rituel où il est dit que « Lorsque le récipiendaire est au dernier échelon, cette Échelle se brise… ». Ce bris est symbolique, il signifie que l’Échelle Mystérieuse, une fois parcourue en ses 2 volées, disparait au moment où l’initié parvient à son sommet. Le « Nec Plus Ultra », (rien au-delà) est la façon la plus explicite de signifier la séparation de l’initié avec tout ce qui fut produit avant. Car c’est là où le bât peut blesser : en effet, l’humain ne peut normalement jamais se départir de ce qui l’a amené à une place particulière, tout simplement parce que ce qui le constitue procède en partie d’une pensée et d’une action génératives, puisées dans son passé. Cette caractéristique forte légitime l’humain par rapport à son passif, mais en même temps le « plombe » quelque peu dans son aspiration à se porter en homme neuf.
La séparation est donc la posture intellectuelle et physique la plus à même de rendre efficient le travail maçonnique, car elle permet de maintenir l’intégrité de l’initié tout en le rendant poreux et perméable au mieux à ce qui l’entoure.
Thierry Didier.
courrierlafmaucoeur@gmail.com
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