La Planche du Dimanche - Dictionnaire de l'Inutile.
Bigoterie.
La bigoterie qualifie une personne qui se complait dans une dévotion outrée, excessive et étroite. Outrée par la manière ostentatoire qu’il peut y avoir à se montrer bon pratiquant. Excessive dans l’apparence de soi qui confond rigueur de la pensée et rigidité de l’image. Etroite en pensée et en affection pour son prochain dont seule n’émane plus que la dangereuse différence. Cette disposition particulière n’est hélas pas une nouveauté du siècle et les bigots de tout poil et les vieilles bigotes de Brassens ont bien dû se laisser aller à quelques écarts charnels tant leur progéniture semble prospère. Quant aux pharisiens, qui se voyaient comme de (très) bons croyants, ils n’ont finalement laissé à la postérité que la célébrité de la couche de bêtise qui transparaissait sous leurs atours prétentieux.
Mais il ne faudrait pas imaginer qu’il s’agit là d’une banale différence entre être et paraître. Différence au demeurant qui n’est que celle du point de vue car c’est systématiquement le regard extérieur qui la met en lumière. C’est toujours l’autre qui tombe dans ce fameux hiatus et jamais celui qui en décrit la situation. Voilà typiquement l’exemple d’une controverse qui met en scène des acteurs qui pensent (sincèrement) jouer le même rôle, le bon. Chacun alors envoyant à la figure de l’autre l’argument d’insincérité ultime : bigot ! (Ou bigote ! d’ailleurs…) C’est sans doute que le miroir ne réfléchit que ce que l’on veut y voir, tout entier soumis au principe récurrent de la validation subjective.
Il faut alors considérer la bigoterie comme une absence de convergence, celle que nous devrions trouver en chacun de nous et qui met, en théorie, les pensées, les paroles et les actes en symbiose. Pas si simple et que celui qui n’a jamais péché… (air connu)
Comme de plus il est impossible, au-delà des apparences, d’avoir l’absolue certitude de la vérité de l’autre, ne reste alors qu’une solution, interroger sa propre conscience : lequel de nous deux est donc le bigot ? Ce qui dans le cas de la bigoterie devient assez compliqué car, bien entendu, le bigot (comme la bigote) a, par définition, bonne conscience, tant il a la certitude de bien penser, de bien agir. Et c’est ici, au cœur même du problème, que se niche sans doute la solution. Si on peut définir la bonne conscience comme le somnifère de la conscience, alors celui (ou celle) qui ne se sent jamais titillé, picoté, dérangé (désagréablement parfois) par sa conscience, est sans doute confortablement endormi sur la molle couche de ses convictions et de ses opinions. Par déduction, il sait alors, enfin ( !) qu’il est l’heure de se réveiller.
Théodore Neville.
Merci à Théodore pour cette Planche du Dimanche, inspirante puisque pour les Chrétiens c'est une journée de célébration, s'efforcer de célébrer sans ostentation une gageure ! En contrepoint comme une superposition musicale ou peut être comme un contrepoison. Je vous propose, un poème peinture, ou il n'y a à mon sens rien à comprendre, mais à contempler ressentir et méditer.
JFG
DÉVOTION.
À ma sœur Louise Vanaen de Voringhem : — Sa cornette bleue tournée à la mer du Nord. — Pour les naufragés.
À ma sœur Léonie Aubois d'Ashby. Baou. — l'herbe d'été bourdonnante et puante. —Pour la fièvre des mères et des enfants.
À Lulu, — démon — qui a conservé un goût pour les oratoires du temps des Amies et de son éducation incomplète. Pour les hommes ! À madame***.
À l'adolescent que je fus. À ce saint vieillard, ermitage ou mission.
À l'esprit des pauvres. Et à un très haut clergé.
Aussi bien à tout culte en telle place de culte mémoriale et parmi tels événements qu'il faille se rendre, suivant les aspirations du moment ou bien notre propre vice sérieux,
Ce soir à Circeto des hautes glaces, grasse comme le poisson, et enluminée comme les dix mois de la nuit rouge, — (son cœur ambre et spunk), — pour ma seule prière muette comme ces régions de nuit et précédant des bravoures plus violentes que ce chaos polaire.
À tout prix et avec tous les airs, même dans les voyages métaphysiques. — Mais plus alors.
Arthur Rimbaud.