La Cathédrale de Reims, Abbatiale de Pontigny dans l'Yonne, Saint David's Cathédral la tour vue d'en bas ou le bois rendu invisible aux yeux du profane.
FRANC-MACONNERIE ET RELIGIONS
PREMIERE PARTIE : GRANDES FAMILLES RELIGIEUSES
INTRODUCTION
La trame habituelle des fiches -historique, symbolique- ne peut être respectée pour notre sujet puisqu'il s'agit de présenter aussi simplement que possible les rapports ou l'absence de rapports entre les grands courants religieux, organisés ou non en Églises et la Franc-Maçonnerie. Précision étant faite que par "rapports" nous entendons liens, cohabitation, rejet et toute forme de relations s'établissant ou non entre une institution ou une pensée religieuse et la Franc-Maçonnerie.
Ceci induit d'ailleurs que les développements auront une importance qui sera fonction de la plus ou moins grande interpénétration entre la Franc-Maçonnerie et telle ou telle culture religieuse.
La première partie sera consacrée dans un premier temps aux rapports de la Franc-Maçonnerie avec le judaïsme, l'islam, la religion orthodoxe, les religions orientales puis dans un second temps au monde de la Réforme et à l’Église anglicane qui constitue le terreau sur lequel s'est développée la Franc-Maçonnerie spéculative.
FRANC-MACONNERIE ET CULTURES RELIGIEUSES EXTRA-EUROPEENNES
- Franc-Maçonnerie et Judaïsme
Le Judaïsme est fondé sur l'alliance entre le Dieu unique et un peuple élu pour être le gardien de la Loi édictée par ce Dieu. Depuis la destruction du Temple de Jérusalem qui a entrainé la dispersion du peuple juif il n'est plus possible de pratiquer les sacrifices et les offrandes imposées par le culte et les prêtres ont disparu. Les rabbins qui encadrent les communautés sont des docteurs de la Loi dont la mission est de transmettre et d'enseigner. Le rabbin Sitruck[1] souligne "qu'il y a une sagesse juive qui émane de tous les écrits que nos prophètes et nos sages ont laissées" et dans lesquels la Franc-Maçonnerie a abondamment puisé. A tel point d'ailleurs que les tenants des totalitarismes de tout bord font avec constance l'amalgame entre Franc-Maçonnerie et Judaïsme : c'est le fameux "complot judéo-maçonnique" !
En réalité les liens entre les deux pensées existent parce qu'ils puisent à la même source : la Bible[2] dont les fondateurs de la Maçonnerie, réformés et anglicans, faisaient un usage quotidien.
Mais cela n'a pas facilité pour autant l'entrée des juifs en Maçonnerie ! Particulièrement en pays catholiques où les Juifs étaient tenus pour responsable de la mort du Christ... La résistance des Loges à l'initiation de Juifs a été longue[3] sauf en Angleterre où dès le milieu du XVIIIème siècle apparaissent dans les rituels des prières propres aux Frères juifs ; ici l'entrée en Franc-Maçonnerie est vite devenue un outil efficace d'intégration. Pour autant certains juifs radicaux estiment que les pratiques maçonniques sont hérétiques au regard d'une pratique juive réellement orthodoxe.
- Franc-Maçonnerie et Islam.
La vision de la Franc-Maçonnerie que porte l'Islam est globalement très négative entre société ésotérique pratiquant des rituels dépassés et puérils et structure pyramidale d'influence. Dans tous les cas un apport et un outil de l'ère coloniale qu'il convient d'éradiquer[4]. Pour nombre de musulmans pratiquants la Maçonnerie est donc "un mouvement luciférien" dont "les pratiques et les versets usuels dans les cérémonies sont sataniques"[5] ; en fait il est difficile pour un musulman pratiquant de concevoir que toutes les religions puissent être mises sur un pied d'égalité ; il n'y a de Dieu que Dieu et ce n'est pas le GADL'U, pire les références constantes à la Bible constituent pour beaucoup une forme de "sionisme", la Maçonnerie n'étant dès lors qu'un outil aux mains des Juifs après avoir été celui du colonisateur.
Au total peu d'Etats musulmans permettent à la Maçonnerie d'exister et une radicalisation croissante rend cette existence, là où elle est autorisée ou tolérée, de plus en plus délicate ; généralement c'est à la communauté étrangère qu'on doit le maintien de quelques Loges ou encore à des minorités (cas des juifs marocains par exemple) ; la Turquie restait une exception, avec une Maçonnerie nationale forte depuis la chute du pouvoir ottoman mais la situation évolue négativement. Dalil Boubakeur, en réponse à une question à propos du rejet de la Maçonnerie en terre d'Islam répondait que cela traduisait "la pensée profonde de nombreux théologiens qui ne souhaitaient pas s'éloigner de l'orthodoxie et notamment de tout ce qui relève de la vie spirituelle et de la Foi"[6]. Le Frère Abd el-Khader doit se sentir bien seul !
Pour autant la dimension initiatique est bien présente dans l'Islam et certaines voies présentent des similitudes profondes avec la démarche maçonnique ; c'est le cas du soufisme qui a d'ailleurs attiré des initiés connus comme René Guénon[7].
- Franc-Maçonnerie et Religion Orthodoxe.
Dans une étude Jean-Claude Noyé[8] rappelle que la religion orthodoxe s'exprime sous trois formes : deux liées aux aires géographiques propres à cette religion, la troisième à la diaspora orthodoxe.
L'Église orthodoxe russe a d'abord fait bon accueil dans les années 1780 à la maçonnerie naissante : nobles et prélats peuplaient les colonnes ; mais avec la chute de Napoléon et le triomphe d'une Sainte alliance réactionnaire la Maçonnerie fait figure d'importation révolutionnaire qu'il faut détruire. A la fin du XIXème siècle la montée du socialisme va donner un nouvel élan à la Maçonnerie et cela en opposition clairement exprimée à l’Église orthodoxe ; la révolution marxiste renverra les protagonistes dos à dos, interdisant la Maçonnerie et tentant de détruire la religion ! Aujourd'hui la Franc-Maçonnerie renait en Russie (et dans tout l'ancien "bloc soviétique") non sans difficulté et avec la ferme opposition de l’Église orthodoxe qui voit en elle "une force de dissolution religieuse"[9]. Les Orthodoxes de la famille "byzantino-balkanique" ( Grèce, Roumanie, Bulgarie...) partagent ce point de vue, le renforçant par un nationalisme souvent exacerbé ; la Maçonnerie devient alors "la main de Satan" qui travaille au profit de "l'impérialisme américain".
Finalement il ne reste que les orthodoxes de la diaspora pour considérer la Maçonnerie avec quelque bienveillance et des prélats ont d'ailleurs été initiés lors de leur apostolat à l'étranger, (par exemple le Patriarche Athénagoras lorsqu'il exerçait à New York). Encore faut-il que ces initiés demeurent discrets pour ne pas nuire à la réputation des communautés orthodoxes auxquelles ils appartiennent.
- Franc-maçonnerie et Spiritualité de l'Orient
Le sujet est trop vaste pour que nous puissions faire plus que de l'évoquer ; d'autant que le Bouddhisme, le Jaïnisme et une large fraction de l'Hindouisme ne sont pas à proprement parler et dans le sens qu'on donne à ce terme des religions[10], de plus il n'est pas non plus ici question "d’Églises" ; exception faite du Bouddhisme Tibétain. Il n'y a donc pas par conséquent de "politique" de ces familles de pensée vis à vis de la Maçonnerie. En revanche ce sont des sociétés initiatiques qui ont toujours fasciné les occidentaux et inspiré des recherches sur les similitudes possibles avec la Maçonnerie[11].
En Inde la Franc-Maçonnerie a poursuivi un développement constant depuis la décolonisation alors qu'elle reste surtout animée par les ressortissants étrangers en Extrême-Orient et demeure formellement interdite en République Populaire de Chine (et en Corée du Nord).
FRANC MACONNERIE ET EGLISES CHRETIENNES REFORMEES
François Thual, dans son ouvrage[12] donne une estimation (très optimiste et sans rapport réel avec les "pratiquants" nous semble-t-il) du nombre des Maçons : 7 millions dans le monde ; or 5,8 millions seraient anglo-saxons (dont 4 millions d'américains du nord) donc d'une culture religieuse presque exclusivement liée à la Réforme ! Les rapports entre Franc-Maçonnerie et Églises réformées ont donc une importance particulière et cela d'autant plus qu'une évolution réelle est en cours.
- Une longue entente.
Le protestantisme est protéiforme, dès son origine mais plus encore depuis quelques décennies avec l'apparition de multiples leaders religieux qui maitrisent remarquablement les outils de communication ! Nos développements concernent en fait les seules grandes familles réformées.
Jusqu'à la période récente on peut écrire que les liens entre la Franc-Maçonnerie et les Réformés reflétaient une entente quasi-parfaite que ne troublaient que quelques rares sectes radicales dont le rejet de la Maçonnerie trahissait surtout le besoin de reconnaissance au moyen du facile et impérissable thème de l'anti-maçonnisme.
A l'opposé l'histoire et les hommes expliquent parfaitement les raisons de la profonde entente entre Maçonnerie et Réforme : lorsque s'est mise en place la Maçonnerie spéculative, l'Angleterre était lasse de décennies de conflits religieux (dont un des aboutissement avait été la mise au ban du pays du "papisme" c'est à dire du catholicisme) or la Maçonnerie était ouverte à tout homme qui ne fut ni athée ni irréligieux comme le mentionne très explicitement les Constitutions du Pasteur presbytérien Anderson qui écrivait en étroite connivence avec le Pasteur anglican Désaguliers ! La maçonnerie est donc rapidement apparue comme un acteur de l'apaisement puisque que s'y retrouvaient des hommes des différentes familles de pensée (y compris les catholiques) et surtout des hommes qui au plan local comme au niveau les plus élevés étaient détenteurs des pouvoirs économiques, politiques et religieux. Dans un ouvrage polémique mais qui pour autant est riche d'informations Martin Short précise qu'en 1953 seize évêques anglicans et l'archevêque de Canterbury étaient maçons et côtoyaient dans les Loges les plus grands noms de la noblesse britannique, à dire vrai sans qu'on puisse s'en étonner puisque plusieurs rois avaient aussi occupé la fonction de Grand Maître et que celle-ci restait dévolue à une personnalité éminente de la famille royale[13], actuellement au Duc de Kent, cousin germain de la Reine. Au demeurant ces monarques/Grands Maîtres cumulaient ces charges avec celle de Chef de l’Église d'Angleterre[14] ; les liens entre la Maçonnerie et l’Église étaient si évidents que Marius Lepage pouvait écrire[15] qu'il était "absolument impossible à un Français d'essayer de comprendre la Maçonnerie anglaise s'il ne réalisait pas que la Couronne, l’Église d'Angleterre et la Grande Loge Unie d'Angleterre sont un seul Dieu en trois personnes".
Cependant après une longue histoire commune idyllique, la dernière partie du XXème siècle va changer la donne.
- Vers un divorce ?
Nous avons écrit qu'il s'était toujours trouvé des Églises réformées pour avoir une opinion défavorable de la Maçonnerie mais le problème devient grave lorsque dans les années 1980 ce sont les grandes institutions religieuses qui deviennent très critiques sinon hostiles.
L'année 1985 est particulièrement notable : l’Église Méthodiste, après quelques escarmouches les années précédentes déclenche les hostilités et conteste la possibilité d'un engagement spirituel hors d'une religion ; l'attaque est rude car si en Angleterre les Méthodistes sont peu nombreux (500 000 à peine) ils sont presque 15 millions aux USA, première puissance du monde maçonnique ! Cette même année l’Église d'Angleterre suit une voie identique et décide lors de son synode général de nommer une commission qui devra répondre à la question : "Freemasonry and Christianity are they compatible ?" (Franc-Maçonnerie et Christianisme sont-ils compatibles ?) La réponse devait être présentée au synode général de York en 1987 mais celui-ci, pressentant peut-être qu'il s'aventurait sur un terrain dangereux vota par 394 voix contre 52 la non inscription à l'ordre du jour de ce point, sous l'influence de l'archevêque d'York, le docteur John Habgood selon lequel le synode avait autre chose à faire que de se préoccuper de cette "joyeuse excentricité sans portée" qu'est la Franc-Maçonnerie… Pour autant, comme le rapport était défavorable la Grande Loge Unie n'a pas réclamé contre ce commentaire peu agréable ![16]
En mai1986 c'est l’Église Libre d’Écosse, de sensibilité presbytérienne, qui lors de son assemblée générale à Édimbourg décide que "être membre actif de la Maçonnerie est incompatible avec l'appartenance à l’Église chrétienne" et les Presbytériens Libres, Église rivale et notoirement plus radicale que la précédente proclame lors de son synode que la Franc-Maçonnerie est "antichrétienne et appartient aux mondes de l'obscurité"[17].
Méthodistes, Presbytériens, Anglicans : ce sont là les gros bataillons qui réunissent l'essentiel des pratiquants chez qui se recrutent les Frères anglo-saxons. Il importe donc de chercher les motifs qui justifient le divorce ou à tout le moins la séparation d'un couple jusqu'alors très uni.
Les raisons invoquées par les diverses autorités religieuses sont d'ordre théologique et doctrinal ; ce sont d'ailleurs les mêmes pour toutes les Églises (et nous les retrouverons dans la 2° partie consacrée à la Franc-Maçonnerie et le Catholicisme).
Citons : le secret, juré alors que le candidat ne sait rien de ce qui va lui être révélé ; la tolérance au terme de laquelle la Maçonnerie mettrait toutes les religions sur un pied d'égalité et nierait ainsi la réalité de la Vérité et tomberait dans le "relativisme" et le syncrétisme religieux ; le fait qu'en dépit de ses protestations la Franc-Maçonnerie est bien une forme de religion puisqu'elle offre des voies de réalisation spirituelle, et que de plus elle est une religion "gnostique" permettant le salut par la découverte de connaissances cachées ; elle est également potentiellement blasphématoire en ce qu'elle prétend connaître, prononcer et expliquer le Nom de Dieu, particulièrement dans les grades et degrés succédant à la maçonnerie symbolique...
Il est évidemment surprenant que ces reproches ne soient apparus que très récemment alors qu'ils sont dans tous les esprits des anti-maçons pratiquement depuis l'apparition de la Maçonnerie spéculative ! Et que pendant presque 300 ans de multiples religieux et prélats n'aient pas réalisé qu'ils se fourvoyaient dans un monde diabolique est à proprement parler stupéfiant !
Il doit pourtant exister une explication à ces attaques groupées à un moment déterminé. Roger Dachez en propose une qui mérite réflexion[18] (18) : jamais le besoin de spiritualité n'a été aussi puissant mais il ne s'exprime plus au travers de structures fermées aux doctrines figées ; au contraire la Maçonnerie propose à chaque être de bonne volonté de se perfectionner en trouvant sa propre voie, à œuvrer à se libérer de ses entraves personnelles pour s'élever spirituellement. Incontestablement la Maçonnerie a une dimension presque religieuse mais est ouverte à tous et n'affirme aucun dogme : elle est donc attirante pour beaucoup à un moment où les Églises au contraire voient les rangs des pratiquants s’éclaircir fâcheusement. Il y aurait un problème de concurrence !
Pour autant il demeure entre le Protestantisme et la Maçonnerie "une connivence d'origine, un esprit fondateur semblable" et de plus "le problème maçonnique n'est pas une préoccupation majeure pour la majorité des Églises protestantes, singulièrement en France" : ce sont les conclusions de Roger Dachez et il est possible que la bourrasque des années 1980 n'ait pas de conséquences plus graves ; mais comme on assiste dans le monde anglo-saxon à une certaine revitalisation de la Maçonnerie il peut aussi apparaitre des réactions religieuses.
CONCLUSION
Il semble bien que les Églises éprouvent des difficultés récurrentes à accepter réellement le fait maçonnique, au moins lorsque celui prend une certaine ampleur... Les notions de liberté et d'indépendance d'esprit seraient-elles si difficiles à admettre pour les Religions ?
Jacques Denville.
Parution avec l'accord de l'auteur. Article précédemment paru sous forme de fiche dans les cahiers de la GLAMF.
L'auteur nous donnera bientôt la suite de ce travail, synthétique qui éclaire les rapports entre la Franc-Maçonnerie et les religions; je vous rappelle l'article du Blog sur le Révérend Père Riquet paru le 27 aôut dernier que vous retrouverer en cliquant simplement sur le mois.
JFG
[1] Ancien Grand Rabbin de France, dans Judaïsme et Franc-Maçonnerie ; Villard de Honnecourt n° 79, 2011.
[2] Actualité des Religions, hors-série n°2, 1999 : Les Francs-Maçons et Dieu.
[3] Jacob Katz, Juifs et Francs-Maçons en Europe , 1723-1939, Éditions du Cerf, 1999.
[4] Les Cahiers de l'Orient, n° 69, 2003. L'équerre et le croissant, collectif dirigé par J. Sfeir.
[5] Revue Le Témoin n° 336, l'Harmattan, 1997.
[6] Dalil Boubakeur, Recteur de la grande mosquée de Paris, dans Villard de Honnecourt n° 75, 2010.
[7] Et plus récemment Edmond Mazet, un des restaurateur du Rite Français Traditionnel qui fut Suprême Commandeur du Grand Chapitre Français.
[8] Pas très orthodoxe ! Dans Actualité des Religions ; voir note 2.
[9] François Thual. Géopolitique de la Maçonnerie ; Dunod 1994.
[10] Deux numéros récents de Villard de Honnecourt traitent de ces questions : le n° 82, de 2012 L'Orient, voie de recherche et quête de sens et le n° 86, 2013 L'orient initiatique.
[11] Schnetz, Bouddhisme et Franc-Maçonnerie, dans Question de... Albin Michel, 1994 et aussi La Franc-Maçonnerie comme voie spirituelle, Dervy, 1999. L'auteur est Frère et Bouddhiste.
[12] Voir note 9
[13] Martin Short. Inside the brotherhood ; Grafton Books 1989.
[14] En 1534 lorsque Henri VIII brise les liens avec Rome, il s'agit seulement d'assurer l'indépendance de l’Église en Angleterre pour des raisons bien plus politiques (et matrimoniales) que théologiques et religieuses ; le Protestantisme influera ensuite profondément l'évolution de cette Église nationale.
[15] Dans la revue Le symbolisme, en 1953.
[16] Grande Loge Unie d'Angleterre, rapport sur les débats du synode d'York, 21 juillet 1987.
[17] Revue The Tablet, Édimbourg, 30 mai 1987.
[18] Roger Dachez, De l'histoire ancienne ; Actualité des Religions, voir note 2.
Désolée je ne peux pas m’en empêcher. Je craaaque. Amatrice inconditionnelle de la novlangue pédante, bureaucratique et politiquement correcte, je me dois de partager les dernières découvertes. Déjà cet été, j’ai adoré les campings qui ne veulent plus qu’on les appelle les campings parce que ça suscite instantanément dans l’esprit des gens l’image de Franck Dubosc en moule-boules ou de Roger et Ginette à l’apéro avec casquette Ricard et claquettes Adidas. Donc les professionnels de la branche demandent que l’on dise désormais «hôtellerie en plein air». Haha.
> J’ai aussi appris que je n’étais pas petite mais «de taille modeste» et qu’un nain était une «personne à verticalité contrariée».
> Si, si.
> Mais rendons à César ce qui lui appartient, l’empereur du genre reste le milieu scolaire et ses pédagos à gogo. J’étais déjà tombée de ma chaise pendant une soirée de parents quand la maîtresse a écrit sur le tableau que nos enfants allaient apprendre à manier «l’outil scripteur» au lieu de tenir un crayon. Je me suis habituée au fait que les rédactions sont des «productions écrites», les courses d’école des «sorties de cohésion» et les élèves en difficulté ou handicapés des «élèves à besoins éducatifs spécifiques». Mais cette année, sans discussion aucune, la mention très bien est attribuée au Conseil supérieur des programmes en France et à sa réforme du collège. Z’êtes prêts? Allons-y.
> Donc, demain l’élève n’apprendra plus à écrire mais à «maîtriser le geste graphomoteur et automatiser progressivement le tracé normé des lettres». Il n’y aura plus de dictée mais une «vigilance orthographique». Quand un élève aura un problème on tentera une «remédiation».
> Mais curieusement le meilleur est pour la gym… oups pardon! pour l’EPS (Education physique et sportive). Attention, on s’accroche : courir c’est «créer de la vitesse» nager en piscine c’est «se déplacer dans un milieu aquatique profond standardisé et traverser l’eau en équilibre horizontal par immersion prolongée de la tête» et le badminton est une «activité duelle médiée par un volant». Ah! c’est du sportif, j’avais prévenu, Les précieuses ridicules de Molière, à côté, c’est de l’urine de jeune félidé (je n’ose pas dire du pipi de minet).
> Alors, les amis, ne perdons pas ce merveilleux sens du burlesque et inventons une nouvelle catégorie : la «personne en cessation d’intelligence» autrement dit, le con.
>
> Signé M C, parent d’élève. Ah non, re-pardon… M C, «génitrice d’apprenant».
Merci à Serge pour cette transmission initiatique de haut vol !
JFG