RECENSION : Dieu, les affaires et nous.
Le livre de Jean d’Ormesson est une Chronique d’un demi siècle, la préface de Jacques Julliard témoigne non pas de son objectivité mais pour le moins de la sincérité de l’auteur.
En effet Jacques Julliard n’est pas ce qu’il convient d’appeler un homme de droite, s’il a accepté de préfacer l’ouvrage, c’est sans doute à cause de son amitié avec l’auteur, mais ce n’est sûrement pas non plus un acte de complaisance, au regard de ce qu’est Jacques Julliard : Essayiste, journaliste au Nouvel Observateur puis à Marianne, après un parcours à l’UNEF, anticolonialiste, classé catholique de gauche.
Jacques Julliard à écrit dans sa préface à propos de Jean d’Ormesson : « Comment être à la fois un éditorialiste de droite et un intellectuel de gauche ? C’est à cette contradiction que Jean d’Ormesson a sacrifiée avec délice pendant sa vie publique, …. »
Jean d’Ormesson est à ce titre dans les pas de Tocqueville, Lamartine, Hugo, Chateaubriand…
Ce livre, le dernier paru de Jean d’Ormesson, présenté récemment dans l’émission référence : « La Grande Librairie », avec toute la malice intellectuelle qui le caractérise souvent, est une page d’histoire, de notre histoire qui se déroule de 1981 à 2011.
Il n’est pas comme le dit Julliard : « En demie teinte », Jean d’Ormesson est un praticien de l’opposition frontale, du verbe direct, appuyé et courtois. Il sait affirmer les erreurs à son sens de la gauche, ses errements. Il dénonce les manques de la droite en particulier : « son manque de générosité ». Il sait aussi reconnaître les qualités des hommes de gauche et tancer quand il est besoin les hommes de droite, sans jamais se tourner vers les extrêmes, dont il prend acte de leur présence.
Des expressions fortes, sans concessions, des qualifications tranchées : Mitterrand le politique, l’habile séducteur socialiste, chacun sait la place que Mitterrand réserva à Jean d’Ormesson au seuil de son départ définitif. De De Gaulle, il écrit à peu près, il était tout simplement la France. Appréciant peu Chirac il le qualifie de Sabreur, vouant une certaine admiration pour Sarkozy il reconnaît sa force, son ambition il est Napoléon et César.
Pas de langue de bois dans ce livre, simplement l’épreuve des faits, qui relance le lecteur en permanence et capte son envie de tourner les pages, l’histoire s’accélère, l’intensité se développe.
L’écriture, simple fluide, le ton, la justesse du propos au-delà des clivages, le regard aiguisé, l’absence de recettes miracles, l’opinion concrétisent la sincérité de l’ouvrage.
Ce livre est également un démenti à tous ceux qui pensent que l’histoire ne se renouvelle pas, on constate que les menus sont souvent les mêmes, les plats réchauffés qui repassent, seuls les cuisiniers différent mais ils sortent de la même école. Ce qui manque le plus c’est l’imagination, la grandeur, l’envie de servir l’état avant de s’en servir ou pire de se servir.
Mais il n’y a pas de désespoir sauf peut être pour notre langue et notre éducation. L’espérance de Jean d’Ormesson est dans l’Europe, l’Europe oui mais plus grande dans ses projets, l’Europe fortifiée, confortée, amendée, soudée. L’espérance de Jean d’Ormesson est aussi la fin de la politique des : « zigzags » des compromis, des synthèses perpétuelles avec n’importe qui pour n’importe quoi. L’espérance c’est la grandeur des projets. L’espérance c’est le refus de tomber dans l’obscur abîme, dans l’ignorance des extrêmes.
JFG
Dieu les affaires et nous Chronique d’un demi siècle Préface de Jacques Julliard. Editions Robert Laffont. 24 €. 666 Pages.
Note de l’Editeur : Observateur engagé, Jean d’Ormesson n’a cessé d’être fasciné par le spectacle de la politique, le combat des idées et la marche du monde. Œuvre littéraire à part entière, cette chronique est jalonnée de portraits, de reportages, de commentaires, de prises de position, témoigne de sa présence constante dans les grands débats de notre époque et du regard lucide et passionné qu’il porte sur ses contemporains. Ce parcours d’un homme de fidélité et d’espérance nous éclaire à chaque sur les enjeux du présent.
Note de Jacques Julliard :
« Il n’est ni tout à fait la droite, dont il est sociétaire à part entière, encore moins la gauche, dont il est parfois un évêque in paribus ; il n’est définitivement ni de Neuilly ni de Saint Fargeau ; il n’est ni Sarkozy, ni Mitterrand ; ni l’ancien régime ni la révolution, il est tout simplement ce que l’on retrouve au fond du creuset, cet alliage d’évidence : Jean d’Ormesson, c’est la France ! Il n’est pas centriste, il est central. Il incarne toutes les valeurs auxquelles la France est en train de renoncer, mais dont elle conservera longtemps la nostalgie.
Demain :
La planche de Théodore Neville : LOI.