Eglise Catholique moderne, Presse Catholique, Tabliers Maçonniques, La Rose et le Croix.
En forme de Préface
Jacques Denville dans cet article, dans cet article au caractère ni polémique, ni partisan, mais simplement historique enrichi notre connaissance sur les rapports entre la Franc-Maçonnerie et l’église Catholique Romaine, mettant un point d’orgue à son article précédent traitant de l’ensemble des religions du livre.
Les autorités d’une manière générale qu’elles soient politiques ou religieuses ont toujours regardées la Franc-Maçonnerie avec défiance, craignant une amputation de leurs pouvoirs ou une influence sur la conscience de leurs membres ou adeptes.
Concernant les églises ou plus généralement les religions elles y discernent une sorte de « concurrence ». Ont peut légitimement se demander en vertu de quel droit elles peuvent porter un jugement sur la recherche spirituelle des Francs-Maçons ? Le pape François sur un autre sujet certes, mais plus conflictuel encore s’exprimait ainsi : « Qui suis-je pour juger.»
Certains Francs-Maçons eux mêmes ne sont pas exempts d’une forme de dogmatisme, dans leurs querelles sur la régularité et la reconnaissance qui paraissent bien désuètes au regard de la voie initiatique librement choisie et qu’ils affirment par ailleurs universelle.
Les états suivant les lieux et les temps ont une attitude plus pragmatique, ils considèrent le plus souvent les Francs-Maçons soit comme un corps électoral, soit comme un lobby pouvant servir leurs intérêts ou renforcer leur influence.
Certains Francs-Maçons se laissent séduire, mélangeant habilement les genres, parfois au mépris de leur serment, ils investissent les partis politiques leur adhésion à la Franc-Maçonnerie permettant une carrière plus rapide ou du moins le pense t’il. Le passé récent a été destructeur pour certaines obédiences.
La ligne est étroite entre Franc-Maçonnerie, religion et politique. Le Franc-Maçon libre, sans renier ses doubles appartenances sommes toutes parfaitement légitimes, devra faire preuve d’une vigilance constante afin d’éviter toute confusion qui serait préjudiciable à la fois pour lui et pour la Fraternité.
JFG
FRANC-MACONNERIE ET EGLISE CATHOLIQUE ROMAINE
Introduction
Cet article est consacré à l'histoire des relations entre la Franc-Maçonnerie et l'Église Catholique Romaine. Ces relations justifient bien une étude spécifique car « en dépit de nous-mêmes, de notre éducation, des origines de nos familles, de nos convictions actuelles, dans un univers qui a été « informé » par le catholicisme romain... » (1) notre raisonnement demeure « à la manière du catholicisme »
Certes lorsque les Constitutions d'Anderson parle de religion catholique il ne s'agit de Rome mais de religion universelle, ce qualificatif étant le sens premier de catholique mais tout paraissait devoir créer entre la Maçonnerie et l'Église romaine une rencontre heureuse: l'obligation faite aux maçons de n'être ni athées ni libertins, l'accueil des catholiques alors sujets de second rang en Angleterre ( en 1729 le Grand Maître est Thomas Howard, 8° duc de Norfolk et c'est pourtant un catholique), l'affirmation répétée, encore aujourd'hui que la Maçonnerie n'est pas une religion, l'élaboration de rituels fondés largement sur la Bible, les Loges de saint Jean, les messes ordonnées par les Loges, la bienfaisance maçonnique, à l'époque pratiquée souvent par le biais des paroisses...
Rien n'y aura fait: l'Église romaine s'est immédiatement et de manière durable opposée à la Maçonnerie et les évolutions récentes ne permettent pas réellement de présager un changement radical.
Deux ouvrages sont indispensables à l'examen de cette question: l'un de José A. Ferrer- Benimeli, qui couvre le 18° siècle(2), l'autre de Jérôme Rousse-Lacordaire (3) s'intéresse aussi à l'histoire récente; pour ne pas alourdir les développements nous ferons désormais suivre les citations de l'un ou l'autre de leurs initiales: FB et RL. A noter que l'un et l'autre sont hommes d'église, universitaires et non maçons.
A Un très long et très âpre conflit.
Rome ne sera pas la première autorité à condamner la Maçonnerie: les États Généraux de Hollande en 1735, puis en 1737 le Conseil de Genève , le Prince-Electeur du Palatinat, la magistrature de Hambourg ( au moment où en France le lieutenant général de police Hérault faisait fermer les auberges qui recevaient les Maçons), le Grand Duc de Toscane puis au début 1738 le Roi de Suède, tous, et ils sont majoritairement protestants, refusaient d'admettre une société qui n'avait pas demandé l'autorisation d'exister; l'époque était à l'absolutisme!
L'administration romaine avait essayé d'en apprendre plus sur la Maçonnerie dès 1736 mais sans grands résultats. Une Loge groupant des ressortissants anglais a existé ( on en possède les planches tracées du 16/8/1735 au 20/8/37 FB) et une a été créée en 1737,
toujours par des anglais, à Florence, capitale de la Toscane, fermée tout aussitôt sur ordre du Grand Duc. Rien d'extraordinaire semble-t-il et pourtant dès le 24 avril 1738 le Pape Clément XII ( il règne de 1730 à 140) publie une lettre encyclique ( une « bulle » ) dite selon l'usage qui fait nommer une encyclique par le mot qui la débute, « In Eminenti » et par laquelle il défend strictement et en « vertu de la sainte obéissance, à
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1) Dachez Roger; le R.E.R. Illustre et méconnu. La chaine d'union, hors série n°2, 2009
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2) José A. Ferrer- Bénimeli. Les Archives secrètes du Vatican et de la Franc- Maçonnerie, histoire d'une condamnation pontificale; édition française Dervy- Livres 2009.
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3) Jérôme Rousse-Lacordaire. Rome et les Francs-Maçons, histoire d'un conflit. Berg international, 1996.
4)
tous et chacun...d'oser ou présumer entrer dans les dites sociétés de francs-maçons sous peine d'excommunication par le fait même » peine que seul le pape peut lever sauf à être à l'article de la mort.
Deux remarques à propos de cette encyclique: certains ont voulu en diminuer la portée en rappelant que depuis 1730 Clément XII était pratiquement cloué au lit par la maladie et qu'il était aveugle depuis 1732; la condamnation serait donc en réalité le fait d'un cardinal, neveu du Pape qui avait de gros intérêt à Florence et aurait eu peur de la Maçonnerie !! Mais le Pape l'a bien signée et publiée.
Par ailleurs on a beaucoup gloser sur la formulation qui suit l'énumération des raisons de cette décision: le texte dit « et pour d'autres raisons de Nous connues » mais en fait il s'agit là d'une clause de style présente dans la quasi totalité des encycliques pontificales
( FB). En 1738 les motifs exposés sont à dire vrai très larges et peu étayés car le Vatican manquait toujours d'informations fiables : aucune hérésie n'est reprochée aux Maçons ( et les Constitutions d'Anderson ne figureront jamais sur la liste, l'Index, des livres interdits par Rome); en revanche le secret est l'argument fondamental, lié au serment: l'idée est que s'il y a secret c'est parce qu'il y a des choses par nature honteuses à cacher et que faire le serment de les taire est criminel.
Alec Mellor (4) ajoute des motivations politiques: la Maçonnerie provient de l'Angleterre hanovrienne alors que Rome soutient les Stuarts et la date de la condamnation interviendrait alors que ceux-ci ont perdu tout espoir de recouvrer le trône, mais aucun élément concret n'étaye sa thèse.
En fait c'est la seconde condamnation, mieux construite, qui donne une vision globale de ce que Rome reproche à la Franc-Maçonnerie. Elle est l'œuvre de Benoît XIV ( qui règne de 1740 à 1758), et connue sous le nom de « Providas », publiée le 18 mai 1751; elle reprend les arguments de la bulle In Eminenti et en ajoute de nouveaux; au final les motifs de condamnation forment un tout impressionnant.
La cause première est toujours le secret et le serment qui engage à le protéger, contraire à la fois aux règle de l'Église ( pas de restriction lors de la confession) et aux lois civiles. Mais les Maçons sont aussi des gens sans moralité ( et la vie des grands Maîtres, Wharton en Angleterre, Antin, Clermont et Chartres en France de fait......); sur le plan juridique la Maçonnerie est illégale puisque non autorisée ou même interdite et quelle a déjà fait
l'objet de condamnations dans de nombreux Etats.
Pour terminer il est avancé un motif celui-là religieux: la Maçonnerie reçoit sur un pied d'égalité sans tenir compte de la religion professée; c'est placer ces religions toutes au même plan, idée insupportable pour Rome qui voit bien « quel grand mal il peut en résulter pour la pureté de la religion catholique » ( Providas) et qui avait déjà ému clément XII au point d'éprouver « une forte suspicion d'hérésie » ( In Eminenti)
En pratique les effets de ces deux condamnations furent médiocres; d'abord parce que l'Église avait tant excommunié que personne ne craignait plus cette peine. Et surtout nombre de pays, faute de pouvoir empêcher la publication par le clergé n'ont jamais promulgué ces textes, les privant ainsi d'avoir force de loi. Le roi de France par exemple n'a tout simplement pas saisi le Parlement: il avait déjà assez de tracas dans le domaine religieux ( suites catastrophiques de la résiliation de l'édit de Nantes, querelle du jansénisme, tendance ultramontaine...) En fait la bulle de 1738 a même amené par contre- coup quelques années de paix à la Maçonnerie de France. Bien évidemment les choses ont été différentes là où Rome, et son bras armé l'Inquisition, avait une réelle influence: certains États italiens, l'Espagne, le Portugal aussi avec la célèbre affaire Coustos (5) suisse nationalisé anglais, fondateur et vénérable d'une loge parisienne, installé ensuite, en 1742, au Portugal, arrêté, torturé et finalement libéré au bout de 2 ans en 1744 suite à l'intervention de l'Angleterre.
Les condamnations ne cesseront pas au fil des années ( une quarantaine en tout) mais leur contenu suivra en fait l'évolution d'abord des événements politiques puis des changements sociaux.
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1) Alec Mellor, avocat pénaliste, chrétien très introduit auprès de la hiérarchie ecclésiastique. Il a écrit son livre « Nos frères séparés les Francs-
Maçons » ( éditions Mame, 1961) avant d'être initié à la GLNF. -
2) Il a laissé des mémoires: Procédures curieuses de l'Inquisition au Portugal contre les francs-Maçons... » Londres 1745.
Ainsi dès 1821 Pie VII ( qui règne de 1800 à 1823) publie une bulle le 13/9/1821 « Ecclesiam a Jésus Christo... » qui, en ajout aux griefs précédents, déclare que la Maçonnerie est une société secrète diabolique visant à détruire l'Église : « ils viennent vers vous sous l'apparence de brebis mais ils sont intrinsèquement des loups rapaces »; c'est la reprise des idées de l'abbé Baruel au plus haut niveau (6) selon laquelle la Maçonnerie, à l'origine de la révolution française poursuit sa tâche destructrice. Il est vrai que certaines Loges ont été noyautées par les Carbonari, ou d'ailleurs fondées par eux pour dissimuler leurs complots: en 1822, quatre Frères, sergents de leur état, maçons mais surtout carbonari seront fusillés à La Rochelle et leur chef, le général Berton guillotiné à poitiers. Mais c'est surtout « l'affaire italienne » qui va creuser au plan politique le fossé entre la Maçonnerie et Rome: l'idée d'une Italie unifiée fait son chemin mais ne peut aboutir qu'au détriment des États pontificaux or il se trouve que tous les meneurs favorables à l'unité italienne sont Maçons : les Cavour, Garibaldi... Pour Rome le complot contre l'Église est clairement maçonnique!
La Franc-Maçonnerie fait pourtant des efforts, particulièrement en France: si après le concordat entre Napoléon et Pie VII, les religieux réguliers et séculiers ont quitté la
Maçonnerie (7) en 1849 le GODF introduit dans sa constitution l'obligation de croire en Dieu et en l'immortalité de l'âme. Rien n'y fait : en 1869 l'encyclique « Apostolicae Sedis »de Pie IX (1846-1878) condamne une fois de plus l'Ordre et en 1873 à nouveau, qualifiant la Maçonnerie de « synagogue de Satan », voici fait le lien entre anti- maçonnisme et antisémitisme!
En réalité dans de nombreux États c'est la société elle-même qui évolue et la France est un exemple intéressant que nous ne pouvons développer ici mais dont les grands traits sont connus: montée en puissance de la bourgeoisie, lutte des libéraux pour une généralisation de l'enseignement, allant de pair avec la laïcisation d'abord de l'école puis de la société et en contre-partie crispation des anciennes classes dirigeantes et réaction ulcérée de l'Église.
En 1877 c'est la suppression des références au GADL'U dans les rituels du GODF, alors la seule obédience de poids en France; puis avec le passage à l'anticléricalisme viendront les rituels Amiable de 1887 et Blatin en 1907 qui ne visaient à rien moins qu'établir un rituel français vecteur d'un « athéisme militant, d'une religion laïque substituée » ( RL); les rituels ultérieurs seront plus consensuels sans jamais cependant revenir sur le dogme de la laïcité.
1884 est une année importante pour notre sujet: Léon XIII (1878-1903), après plusieurs textes contre l'Ordre maçonnique publie le 20 avril « humanum genus » qui condamne cette fois non plus sur un fondement politique mais sur un plan doctrinal. La Franc- Maçonnerie est coupable de « naturalisme » c'est à dire de penser que la raison humaine se suffit à elle-même, sans recours au surnaturel, ce qui amène à la laïcisation des sociétés et à la dissolution des liens religieux et sociaux.
Dès lors le conflit Église/ Franc-Maçonnerie fait s'affronter les tenants de visions inconciliables de la société et tous les coups sont permis de part et d'autres comme le montre en France l'affaire Léon Taxil (8).
La tueries de 1914-1918, où les ennemis irréductibles de la veille se sont retrouvés combattre cote à cote va apaiser un peu l'animosité. Certes Pie XI en 1924 et Pie XII encore en 1949, mais aussi des épiscopats nationaux ( argentin en 1959, rwandais en 1961) et à Paris Mgr Feltin qui associe Maçonnerie et communisme en 1953, (RL) publient encore des attaques mais le sujet ne provoque
1) 2)
3)
Abbé Baruel: Abrégé des mémoires pour servir à l'histoire du jacobinisme; 2 tomes, Hambourg, P. Fauché, 1801. La version non abrégée fait 5 tomes.
Avec le concordat les bulles pontificales avaient valeur légale dans l'Empire mais aucune application n'est connue; en fait c'est plus le lien supposé entre la révolution et les frères qui a effrayé les gens d'église mais aussi une noblesse jusqu'alors très présente. FB donne dans son ouvrage un annuaire des ecclésiastiques francs-maçons du 18° siècle: il y faut 100 pages
Léo Taxil, de son vrai nom Jogand-Pagès, ( 1854/1907) initié au GODF qu'il quitte au bout d'un an, publie des ouvrages faisant de la Maçonnerie une société luciférienne au cours des années 1886 à 1897; il reçoit le plein appui de l épiscopat malgré les énormités avancées puis brutalement dévoile sa mystification
plus de grande passion sans doute parce que l'un et l'autre des belligérants n'occupent plus la place de premier plan de naguère: la Maçonnerie n'a plus la position prégnante qu'elle avait sous la troisième république; l'Église voit s'éloigner des fidèles auxquels deux
conflits mondiaux ont enlevé, au profit de préoccupation plus terre à terre, leur soif d'au delà.
Le temps de la conciliation est peut-être venu.
B Une décrispation avortée
Léon XIII pour sévère qu'il ait été fut aussi un homme juste et dans son encyclique Humanum Genus il avait pris soin de préciser « que quelques uns dans les groupes n'approuvent pas les conclusions extrêmes auxquelles la logique devrait les conduire d'adhérer » (RL). De cette formulation on pouvait déduire que si la franc-Maçonnerie était condamnable par principe, les frères pouvaient eux être l'objet de sanctions moins extrême que l'excommunication ipso facto.
Pourtant en 1917 la nouvelle mouture du droit canon contient encore 4 articles consacrés à la Maçonnerie dont le plus connu est le canon 2335 qui réitère l'excommunication contre la « secte », ce terme en droit canon désignant un groupe ou une institution dont l'activité s'exerce contre l'Église ou la société civile. La secte est réputée complotée pour atteindre un but mauvais par des moyens coupables.
La seconde guerre mondiale va être, comme la première, l'occasion pour des religieux et des maçons de mener ensemble des combats difficiles et de tisser des liens qui perdureront la paix revenue. Ces religieux, les pères Bertheloot et Riquet pour citer les plus connus multiplieront les démarches pour que le code de 1917 soit pris « à la lettre » de manière à poser comme principe que les frères mais aussi les Obédiences qui ne complotent pas contre l'Église ne puissent être considérés comme concernés par la condamnation. Les rencontres se multiplient entre maçons et religieux pour rapprocher les points de vue; ainsi le père Bertheloot demande-t-il à la Maçonnerie de faire un effort « l'Église est restée fidèle à elle-même; la Maçonnerie née à l'ombre des cathédrales a renié toute la tradition; la condamnation par Rome n'est que l'inéluctable récompense de ce reniement » En 1961 c'est aussi un jésuite, le père Riquet qui est reçu à la loge Volney du GODF, à l'orient de Laval par le Vénérable Marius Lepage (10); en fait l'affaire fait beaucoup plus de bruit au GODF que dans les milieux ecclésiastiques. En 1971 c'est l'évêque auxiliaire de Paris , Mgr. Pézéril qui répond à une invitation du Grand Maître de la GLDF; puis l'épiscopat français ne trouve rien à redire aux obsèques religieuses de deux anciens Grands Maîtres Dupuy et Baroin.(11)
La décrispation est réelle et l'esprit de Vatican II, concile réunit en 1962 par Jean XXIII, paraît s'étendre aux relations franc-Maçonnerie et Église catholique romaine. Un des principes posé par ce concile est le nécessaire dialogue entre tous les hommes de bonne volonté, dialogue fondé sur des valeurs humanitaires comprises et acceptées par tous. (RL reprenant un article de l'Observatore Romano, journal du Vatican) Mais Rome n'a toujours pas fixé sa position sur l'interprétation du code de 1917! certains épiscopats tranchent d'ailleurs sans attendre: en 1966 les évêques scandinaves décident que chaque évêque pourra dans son diocèse pourra autoriser un maçon converti au catholicisme à rester membre de sa loge, en 1974 les évêques d'Angleterre et du Pays de Galles adoptent la même position, l'étendent en fait puisqu'il ne s'agit plus de « convertis » mais de tous
les catholiques ! C'est finalement l'épiscopat américain qui va obliger Rome à se prononcer.
1) 2)
3)
Revue Ecclésia, 108, 1958. C'est un peu oublier que la 1° condamnation date de 1738 et qu'alors la Maçonnerie n'avait rien renié.
Marius Lepage, auteur prolifique et grandement intéressé par le symbolisme ne restera pas au GODF mais ni non plus dans les autres Obédiences tant il était d'un caractère indépendant.
Études, novembre 1987; article de Alain Guichard, la Franc-Maçonnerie en France. Études est la revue des Jésuites.
Le 18 juillet 1974, en réponse à une question le cardinal Séper, préfet de la Sacré Congrégation pour la Doctrine de la Foi ( que nous appellerons SCDF), l'ancienne Inquisition, écrit au cardinal Kroll, président de la conférence épiscopale américaine, que le canon 2335 ne s'applique que lorsqu'il y a action concrète contre l'Église et qu'il appartient aux épiscopats de décider au cas par cas.
C'est une avancée considérable mais Rome sait parfaitement user de la marche et de la contre-marche: aux évêques du Québec qui du coup en 1976 ne condamnaient plus la Maçonnerie une lettre de la SCDF rappelait le 17 février 1981 que c'était une interprétation abusive du courrier de 1974! En fait c'est à l'épiscopat allemand que Rome avait donné raison :en mai 1980 les évêques allemands après une enquête confirmaient t le rejet de la Maçonnerie et, point important pour nous, proscrivaient toutes les Maçonneries y compris celles qui proclamaient leur théisme; la déclaration précisait en effet « La Franc-Maçonnerie Chrétienne ne se trouve nullement en dehors de l'organisation fondamentale franc-maçonne; on y cherche simplement une plus grande possibilité pour unir l'une à l'autre la franc-Maçonnerie et la croyance chrétienne subjective. Il faut toutefois nier qu'il s'agit là d'une réalisation théologique acceptable » car « la Foi d'un Franc-Maçon ne peut-être que subjective et déterminée par une vision du monde qui la déforme » ( RL). Ainsi étaient tenus pour nul les efforts des Obédiences « régulières » pour convaincre Rome de leur respect de la religion et de ses représentants. Ceci posé les voies du seigneur sont réellement impénétrables: le Pape Paul VI ( 1963-1978) estime que seuls les épiscopats locaux sont à même de discerner la solution à appliquer au cas par cas, ce qui la pratique mise en avant depuis 1974 et il fait préparer un nouveau droit canon. C'est Jean-Paul II qui publiera ce nouveau code en 1983.
Dès sa publication les Maçons pensent être enfin libérés de toute condamnation et espèrent déjà, pour ceux à qui cette question importe, voir disparaître l'hostilité de Rome. En effet le nouveau droit canon ne mentionne plus la Franc-Maçonnerie. Le canon 2335 a purement et simplement disparu, remplacé par le 1374 qui supprime de fait l'excommunication ipso facto en édictant « une juste peine » à l'encontre de ceux qui donneraient leur adhésion à une association qui comploterait contre l'Église . Il est remarquable que les associations ainsi visées ne sont pas nominativement énumérées: la condamnation de principe qui frappait la Franc-Maçonnerie depuis 1738 a bien disparu . Malheureusement et pratiquement au même moment la SCDF publie un avis, le 23 novembre 1983, signé de son Préfet, le cardinal Joseph Ratzinger et contre-signé par Mgr.
Honer, secrétaire de la dite SCDF. Il ressort de ce texte, relayé immédiatement par le journal du Vatican, l'Observatore Romano, que « le jugement négatif sur les associations maçonniques demeure inchangé parce que leurs principes ont toujours été considérés inconciliables avec la doctrine de l'Église » Les fidèles « qui appartiennent à ces associations sont en état de péché grave et ne peuvent accéder à la Sainte Communion » C'est évidemment la douche froide, d'autant qu'il est impossible que cette déclaration ait pu être faite sans l'approbation du Pape Jean-Paul II qui d'ailleurs va faire du cardinal Ratzinger son bras droit.
Le père Riquet lors d'une allocution à la GLNF (12) rappelle le long chemin parcouru depuis qu'en 1974 il remettait au Vatican un courrier du Grand Maître de la GLNF attestant que la Maçonnerie « régulière « n'était en rien hostile au catholicisme et il propose de poursuivre les efforts et le dialogue . De fait entre le droit canon et la déclaration de la SCDF il est délicat de prétendre connaître la position exacte de Rome et il n'y a finalement pas de politique définie, chaque épiscopat réagissant en fonction des données locales: ainsi en France en 1987 francs-Maçons et Autorités catholiques mêlent- elles leurs signature sur « un appel commun contre l'intolérance et pour la défense des droits de l'Homme » (RL) et les 7et 8 août 1987 lors d'un colloque réunissant francs- maçons et catholiques le père Tripier membre éminent du service « Incroyance et Foi » reconnait que « la lumière de l'Évangile » ne dispense pas les chrétiens « d'avoir besoin des
1) Père Riquet, allocution faite devant la Loge Villard de Honnecourt et publiée par les Cahiers Villard de Honnecourt n° 15, 1987.
autres dans leur recherche de la vérité » mais en 1990 la conférence épiscopale de l'océan indien juge nécessaire de rappeler que « dans la logique de la Foi ce n'est pas possible » d'être et catholique et franc-maçon même si n'est pas exclue « une perspective d'actions communes entre des catholiques et des francs-maçons » ce qui impose que se poursuive le dialogue.
Depuis on peut dire que c'est le silence qui domine: devenu le Pape Benoit XVI Joseph Ratzinger a eu d'autres priorités sans doute et n'a pas relancé le débat; son tout récent successeur, François, a lui aussi d'autres priorités. A ce titre d'ailleurs on peut se demander si la récente mésaventure survenue au père Pascal Vesin ( 13) n'est pas une manière pour les tenants d'un certain antimaçonisme de forcer le nouveau pontife à se positionner, en réalité moins au regard de la Franc-Maçonnerie que du conservatisme ou du libéralisme.
Conclusion
Si on prend en considération les deux fiches consacrées aux relations entre la Franc- Maçonnerie et les Églises ou les cultures religieuses ( lorsqu'elles ne sont pas organisées en Églises) un constat s'impose: les relations entre les parties ne sont guère régies par des
questions spirituelles. En réalité la Maçonnerie est née dans l'aire culturelle chrétienne et ses rapports avec les autorités religieuses concernées sont fondés sur ce que ces autorités ont estimé pouvoir attendre ou redouter des maçons:
chez les protestants un soutien au libéralisme politique et économique, chez les catholiques la concurrence d'une contre-église fondée sur la Raison puis la Laïcité . Ailleurs soit la Maçonnerie n'a touché, ne touche, qu'une faible population très occidentalisée et n'émeut pas les pouvoirs religieux à moins qu'elle ne paraisse être ou une séquelle de la colonisation ou une sorte de 5° colonne de l'impérialisme.....
En réponse les Maçons, y compris ceux qui font affirmation de leur Foi, ont développé une manière d'indifférence aux positions des Religions Ce qui est d'ailleurs tout à fait dans l'esprit du temps particulièrement dans les pays occidentaux et « occidentalisés » où la spiritualité tend à se développer hors des cadres anciens et organisés.
Le paradoxe est que cette sorte d'indifférence, qui n'est pas propre à la Maçonnerie soulignons le encore, tend à favoriser la réaction ( au sens de réactionnaire) des Églises qui rejoignent ainsi d'autres Religions dans leur consentement à l'intégrisme. Or la Franc- Maçonnerie a tout à craindre de l'intégrisme qu'il soit politique, social ou religieux.
Jacques Denville.
13) Les média ont largement traité de l'affaire: le père Vesin a été démis de ses fonctions paroissiales par Mgr. Blavineau évêque d'Annecy, à la demande du Vatican au motif que l'adhésion d'un prêtre à la Franc-maçonnerie « met en cause les fondements de l'existence chrétienne » et est « incompatible sur le plan de la Foi et de ses exigences » Journal le Monde, 23 mai 2013. Le père Vesin entend cependant maintenir son appartenance au GODF et a publié son intention de saisir le Pape François. Une affaire à suivre, son caractère anecdotique n'étant peut-être que la partie visible de l'iceberg.
Source: Parution avec accord de l'auteur. Article déjà publié sous forme de fiche dans les cahiers du Rite Français de la GLAMF.