Plus loin, plus haut, sur les chemins de la sagesse,c’était l’ambition d’ULTREÏA, ce magazine livre, vous le trouverez plus dans les kiosques, ce numéro 16, ce numéro de l’été a donc un goût particulier, comme la dernière vague qui vient s’échouer sur la plage avant que le regard se porte ailleurs.
ULTREÏA paraîtra une seule fois par an et seulement en librairie ou par abonnement, je vous avais prévenu, je vous avais dit qu’il fallait courir chez votre distributeur habituel !
Il y a déjà comme un parfum de nostalgie qui monte en nous, est-ce que la spiritualité œcuménique est si difficile à vendre en ces temps incertains où l’intolérance est plus en vogue ? Ou est-ce qu’en dehors d’Amazon il n’y a plus rien à voir, à écouter, à lire, la quantité a-t-elle définitivement eu raison de la qualité ?
Vous pouvez encore commander les anciens numéros de la revue directement, il ne faut pas hésiter ce sera pour vous des instants de joie inestimables ; des rencontres inédites, improbables, des photos magnifiques.
Le dossier de ce ultime numéro est consacré à la Beauté, bien connue des francs-maçons, la beauté inséparable de la force et de la sagesse est sans doute l’ultime étape de l’initiation, quand, au centre du cercle nous pouvons contempler toutes les merveilles de la nature et s’étonner en permanence de cette sublime harmonie. Alors une fois, une fois seulement comme le dit, le regretté Jacques ouvrez ce magazine, pour rêver, faire un voyage merveilleux.
Florence Quentin clôture son éditorial en s’inspirant de la formule de Saint-Exupéry : « Nous goûtions la fraicheur, l’odeur, l’humidité qui renouvelaient notre chair. Nous étions perdus aux confins du monde car nous savions déjà que voyager, c’est avant tout changer de chair. »
Enfin reprendre le cri des jacquets, comme l’ultime écho dans cette époque si avide d’artificiel, de la surface des choses, si loin de l’essence, cette époque où l’ésotérisme, la spiritualité apparaissent presque comme une anomalie, fait parfois sourire, une époque comme le dit Florence Quentin où « certains préfèrent aller jusqu’au bout du monde plutôt que de se traverser eux-mêmes. »
Si vous voulez vraiment gagner du temps pour aller vers vous-même, connaître le bonheur, l’ivresse, d’être en paix, courez chercher un numéro d’ULTREÏA pour aller plus haut ! Plus loin !
JF.
La beauté
un chemin de vie
Bernard CHEVILLIAT, Nelly DELAY, Maxence FERMINE, Vincent MUNIER, Florence QUENTIN, Éric GEOFFROY, Jean-Marie GUEULLETTE
DOSSIER :
Philocalia. Cultiver l’amour de la beauté – Bernard Chevilliat
Le culte de la beauté dans l’art japonais une esthétique de l’impermanence – Nelly Delay
Rien que du blanc à songer Vincent Munier sous le regard de Maxence Fermine – Maxence Fermine – Photos Vincent Munier
Ivresse mystique et audition spirituelle en islam – Eric Geoffroy
Beauté et perfection morale dans l’Egypte ancienne : une sagesse pour notre temps – Florence Quentin
La beauté d’un geste – Jean-Marie Gueullette
INTRODUCTION:
“Il y a dans la contemplation du beau en tout genre quelque chose qui nous détache de nous mêmes en nous faisant sentir que la perfection vaut mieux que nous”, écrivait Benjamin Constant.
Est-ce parce qu’il favorise notre contact avec l’infini que le beau jouit d’un tel privilège ?
Sans doute, comme l’affirme le texte qui ouvre ce dossier et nous invite à “cultiver l’amour de la beauté” (ou philocalia) : “Par sa plénitude ascendante, sa générosité, son universalité et sa gratuité même, la beauté contribue à évacuer les petitesses de l’âme et à élargir le coeur.”
Ce culte de la beauté fut porté à son paroxysme dans l’art japonais, nous rappelle l’historienne d’art Nelly Delay. Essentiel dans cette civilisation, celui-ci inspire depuis des siècles les gestes de la vie quotidienne des habitants de l’archipel, en les ritualisant. Un extrême raffinement qui évoque l’“éphémère splendeur des choses”, “la puissance de l’objet liée à son silence”. Tout autant que “le dialogue entre le temps qui passe et la beauté des objets tranquilles”.
L’écrivain-poète Maxence Fermine, auteur de Neige, rend quant à lui hommage à Vincent Munier dans un texte littéraire, Rien que du blanc à songer, “la première phrase qui vient à l’esprit lorsqu’on a la chance, voire le privilège, de contempler les merveilleuses images du photographe animalier”. Une rencontre écriture-image autour d’un même émerveillement devant la nature vierge, “source de bonheur que les enfants possèdent d’une manière innée, mais que les adultes perdent parfois”. Et que Vincent Munier “a su garder intact en lui”.
Émerveillement, et même “transport” divin : voilà ce à quoi, en islam, convient la musique – “un mode privilégié de réintégration dans l’Unicité”, selon notre chroniqueur Éric Geoffroy –, la poésie ou encore l’invocation du nom divin. “Autant de disciplines qui, dans le soufisme, réactualisent chez l’être humain le Pacte originel, faisant résonner en lui la parole primordiale Ne suis-Je pas votre Seigneur ?”
Pendant trois mille ans, l’Égypte ancienne célébra elle aussi la quintessence de la beauté, mais toujours dans une visée symbolique et éthique. “Être beau en Égypte ancienne, c’est aussi être digne, respecter l’autre, manifester de la compassion et de la fraternité. Face à un interlocuteur, il faut conserver noblesse et maîtrise de soi, un idéal à atteindre comme l’art tend à le faire : la laideur, le tumulte, le chaos s’opposent avec la même intensité à l’ordre du monde.”
Enfin, pour le théologien dominicain et ostéopathe Jean-Marie Gueullette, spécialiste des formes chrétiennes de la méditation et des questions posées par le développement des médecines alternatives : “Le beau geste est manifestation du mystère de l’être humain qui le pose, épiphanie de l’esprit dans la chair. Ouvrant ainsi à cette dimension incorporelle et indicible de l’être humain, elle peut être regardée comme manifestation du mystère de façon absolue, irruption de l’Altérité.”
Alexandra David-Néel
quête spirituelle et exporations
Voyageuse, orientaliste, féministe, cantatrice, conférencière, journaliste, franc-maçonne, bouddhiste, exploratrice, écrivaine, ermite ou femme du monde, on n’en finirait pas d’énumérer les mille visages d’Alexandra David-Néel. Elle se battit toute sa vie pour acquérir une place à la hauteur de ses ambitions dans une société marquée par une tradition patriarcale.
Indépendance d’esprit, force intérieure, intelligence, courage, détermination, orgueil et une longévité inhabituelle à son époque furent les atouts de celle qui s’inscrit dans la lignée des “passeurs”.
Passeur de connaissances, passeur de religion, passeur d’une incroyable énergie pour les âmes en recherche.
EXTRAIT : » Son témoignage sur le Tibet et sur l’Inde au début du XXe siècle est particulièrement précieux aujourd’hui. Si l’oeuvre d’A.David-Néel passionne les lecteurs, c’est aussi qu’elle révèle de manière discrète, mais partout présente, une expérience humaine sous-tendue par une démarche spirituelle. Alexandra adhéra très jeune au bouddhisme dans sa “conception purement philosophique”, celle qui accorde une importance capitale à la réflexion profonde. (…) Elle sera orientaliste, non comme les érudits de salons, mais en allant sur les lieux pour observer et comprendre les pratiques religieuses, pour s’en imprégner. »
L'appel du froid
par Michel Rawicki
Fasciné par la beauté des grands espaces froids du globe, Michel Rawicki sillonne avec passion les régions polaires, depuis plus de vingt-cinq ans. De sa quarantaine de voyages du Groenland à l’Antarctique, il a rapporté des milliers de clichés qui ont eu les honneurs des grilles du jardin du Luxembourg en 2016, à Paris.
Milarépa, le vagabond nu
Le "maître des maîtres" tibétain
André Velter, Marie-José Lamothe
Son parcours spirituel, d’abord tragique, criminel, puis terriblement rédempteur et finalement allègre, est l’un des plus foudroyants qu’ait jamais accompli un être humain. Dix siècles plus tard, l’enseignement de “Mila-vêtu-de-coton” garde son pouvoir d’arrachement aux vicissitudes du monde, de mise en altitude de l’esprit…
EXTRAIT : « Quinze années durant, avec Marie-José Lamothe qui inlassablement traduisait ses oeuvres, j’ai vécu dans la rumeur des chants de Milarépa et souvent sur les sentiers de ses pérégrinations au Tibet et au Népal. Pour quelqu’un qui est né en 1040 et qui a rejoint la Claire Lumière en 1123, la qualité, l’intensité, l’évidence d’une telle présence ont de quoi étonner ceux qui s’en remettent et se soumettent aux illusions du temps.
Car Milarépa est présent. Sa Vie, ses Cent Mille Chants (qui sont en effet cent mille et plus par les échos répercutés de vallée en vallée), tout cela tient du récit d’aventure, de l’épopée, du florilège, mais aussi de l’art de vivre infiniment avec moins que rien. Il s’agit en effet de l’évocation minutieuse, d’abord tragique, atroce, criminelle, puis terriblement rédemptrice et finalement allègre, de l’un des parcours spirituels les plus foudroyants qu’ait jamais accompli un être humain. »
Les nombreux thankas illustrant cet article appartiennent au monastère d’Hémis (Ladakh). Très rarement exposés, ils ont été exceptionnellement sortis afin que Marie- José Lamothe puisse les photographier.
Le chemin du yoga
une spiritualité pas à pas
Le yoga, tel que nous le pratiquons aujourd’hui en Occident, n’a plus pour but la libération de l’âme, ou bien une quête d’absolu, mais le bien-être subjectif et la santé globale. Néanmoins, cette dimension en apparence “physique” de la pratique posturale du yoga, qui semble s’éloigner des sources de l’Inde éternelle, n’exclut pas une authentique quête spirituelle.
EXTRAIT : « Le passé et le présent, la tradition et la nouveauté, loin de s’opposer, se rencontrent mutuellement dans l’expérience du yoga. »
Mégalithes bretons
aux aurores de l'humanité
Carnac, Barnenez, Trébeurden… au fil des promenades effectuées autrefois avec son grand-père passionné d’histoire, l’auteure nous fait partager sa fascination pour ces lieux où les monuments mégalithiques, vestiges d’un monde mystérieux, donnent la sensation d’appartenir à un univers dépassant les dimensions de notre simple existence humaine
EXTRAIT : « À travers les mythes, l’homme proposait une explication de ces phénomènes en les intégrant dans un vaste ensemble cosmogonique et spirituel, mais aussi en les reliant à l’histoire des époques qu’ils avaient traversées au fil de transmissions où la dimension religieuse occupe une place essentielle. Quand, dans l’enfance, je découvrais les
monuments à la suite de mon grand père, il m’emmenait tout autant visiter des églises que des cairns. »
Rencontre avec Jean Ziegler
"Jamais ils ne seront les maîtres du printemps…"
Après avoir opéré des années durant comme professeur de sociologie puis comme député du Parlement fédéral suisse, Jean Ziegler est devenu, de 2000 à 2008, rapporteur spécial auprès de l’ONU pour le droit à l’alimentation et il est encore aujourd’hui, à 84 ans, vice-président du Comité consultatif du Conseil des droits de l’homme des Nations unies.
Infatigable militant des droits humains et écrivain à succès, il s’est fait connaître par ses combats contre la financiarisation généralisée ou les “bénéfices obscènes” et il se présente comme le “témoin implacable du jeu sordide des puissants”, de la corruption et des prévaricateurs, le contempteur de la “violence structurelle” et le pourfendeur de l’écart inouï des richesses et du “service de la dette”… Proche de nombreux chefs d’États non-alignés, il a côtoyé un nombre considérable d’hommes d’État d’envergure et porte une critique virulente sur l’“ordre cannibale” créé, selon lui, de par le monde par le capitalisme tout en alertant sur la désolation née de la faim dans le monde. Après La faim dans le monde expliquée à mon fils, il vient de publier aux éditions du Seuil Le capitalisme expliqué à ma petite fille (en espérant qu’elle en verra la fin).
Nous l’avons rencontré chez lui, près de Genève, en compagnie de son épouse, l’historienne Erica Deuber-Ziegler.
La saga des manuscrits de Qumrân
“Providentielle” découverte archéologique !
En 1947, un jeune pâtre d’une tribu bédouine, qui poursuivait son chevreau égaré, débouche dans une grotte au cœur des falaises du Wadi Qumrân, au nord-ouest de la mer Morte (l’actuelle Cisjordanie), et voit apparaître dans le clair-obscur une série de jarres.
Elles abritent les fameux “manuscrits de Qumrân” qui apporteront un éclairage tout à fait nouveau sur l’Ancien Testament mais aussi sur le christianisme et les communautés de cette région, esséniennes entre autres.
EXTRAIT : « Plus de deux cents grottes seront fouillées à Qumrân et onze d’entre elles, aménagées intentionnellement pour y abriter ces écrits, révéleront des manuscrits majoritairement rédigés en hébreu ( la langue traditionnelle des textes sacrés juifs ), 20 % en araméen ( la langue parlée en Judée ) et quelques fragments en grec ( la langue savante de l’Orient hellénisé ). Sous forme de rouleaux, ils ont été enveloppés dans des tissus puis mis à l’abri dans des jarres en terre cuite. À part une centaine de papyrus, tous les manuscrits sont en parchemin de mouton et de chèvre, cousus bout à bout pour créer de longues bandes sur lesquelles les scribes écrivaient sur une seule face, à l’encre noire – avec quelques notations rouges, cependant. D’origine judaïque, ces précieux témoignages sont datés d’une période allant du IIIe siècle avant J.-C au Ier siècle après J.-C. »
Le mandala de pierre du Borobudur
Chef-d’oeuvre de l’architecture indonésienne, ce sanctuaire s’accorde parfaitement avec la conception de l’univers dans la cosmologie bouddhiste.
Sa base représente kâmadhâtu, la sphère des désirs ; ses terrasses carrées, rûpadhâtu, la sphère des formes ; ses trois plates-formes circulaires et son grand stupa, arûpadhâtu, la sphère du détachement des formes.
Découverte, sur les pas de l’auteur…
EXTRAIT : « Je m’étais rendu sur l’île de Java pour y découvrir le Borobudur, considéré comme l’un des plus beaux monuments érigés pour le rayonnement et l’enseignement du bouddhisme. Grâce à Paul Mus , je connaissais son importance symbolique et son lien avec de nombreux textes du canon bouddhique, mais n’avais pas cherché à l’admirer par des photographies avant d’être face à lui. Le dessein était de préserver la force de l’étonnement, comme on reçoit parfois dans nos vies des visions inattendues qui laissent ensuite de profondes marques.
Le choc ne fut pas au rendez-vous, mais offrit
Wayana
la symbolique du ciel de case
Au cœur de l’Amazonie, sur les rives du Maroni, les Amérindiens wayanas constituent l’une des principales entités indigènes de Guyane française. Au sein de cette société chamanique, les motifs décoratifs et symboliques sont partout présents, en particulier dans le ciel de case ou maluwana.
Dotée de pouvoirs magiques et protecteurs, cette large pièce de bois circulaire relie mondes visibles et invisibles. Venus du fond des âges, les êtres mythiques des forêts obscures et des rivières troubles qui y sont représentés, revivent sous la forme de peintures d’argile savamment composées depuis des générations par les artistes wayanas.
EXTRAIT : « Le maluwana est une voûte céleste allégorique, placée sous le faîte du tukusipan, le carbet communautaire où sont célébrés les fêtes, les réunions publiques et surtout le maraké, un des principaux rituels de passage et de purification. D’après l’ethnolinguiste Éliane Camargo, “dans la pensée wayana, chaque être possède un double sous la forme d’entité qui se révèle au moment des rêves. Le ciel de case est une porte d’entrée vers ce monde symbolique, il éloigne le mauvais augure et repousse les énergies négatives des gens de l’extérieur, afin de protéger tout ce qui peut constituer le corps des villageois. Les motifs graphiques à la fois fabuleux et surnaturels, peuvent tout aussi bien vous protéger que vous nuire, car les entités représentées sont susceptibles de se manifester sous leurs traits bienfaisants comme malfaisants.” Les symboles du maluwana proviennent de la cosmologie et de l’histoire de ce peuple issu de la fusion de plusieurs groupes amérindiens venus des forêts profondes du Brésil. »