IL Y AVAIT LONGTEMPS…
Il y avait longtemps que je marchais, je venais de l’est, je m’étais levé avec le soleil, après reçu la lumière, je suis parti du pied gauche celui du cœur. J’ai vu plusieurs fois les ténèbres envahir les forêts de mes incertitudes, mais il y a toujours un rayon à l’orée des grands chênes.
Puis il y a eu ce silence, j’arrivais enfin à Karaez que certains appellent Carhaix, la capitale du Poher entre les montagnes noires et les monts d’Arrée. Il était presque midi.
Je fis une halte à L’Auberge des Bonnets Rouges, des touristes sûrement poussés par le lutin Tripadvisor, lassés de foule des côtes ou attirés par le festival des vieilles charrues, tentaient en vain d’obtenir un coca cola pour étancher leur soif, Katel la serveuse aux taches de rousseur lumineuses, déclina leur demande par un désolé ici il n’y a que du normal du Breizh Cola.
Je sus à cet instant que c’était là, j’étais arrivé « au pays » ou plutôt j’étais revenu au pays, comme le dis si bien Gilles Servat.
J’ai repris ma marche vers Carnoët, tout le monde disait que là-bas, il se passait des choses extraordinaires, depuis bientôt dix ans, que les hommes laissaient à nouveau parler leur imagination, ils avaient depuis toujours en eux le haut débit, pas celui d’orange ou de Bouygues, sans doute free alors ?
Il était midi passé quand j’arrivais au Cairn (Carn ) à Karnoed, Carnoët. Il faut le voir pour le croire, de là on a une vue magnifique sur les montagnes. Le tumulus surplombe la chapelle Saint-Gildas (Sant Gweltas pour les pays).
Mais le plus extraordinaire c’est ce bruit, ce son du ciseau qui fait chanter la pierre, il y a un chantier hors du temps ou plutôt dans le temps infini, il a toujours été là, il dormait.
Là des hommes humanisent le granit, ils ressuscitent les saints oubliés ceux dont Pierre Jakez Hélias disait : (…) c’est que les saints, avant d’accéder à l’immortalité en récompense de leurs vertus, ont d’abord vécu des vies d’hommes. Ils ont connu toutes les faiblesses de l’humaine nature (…)
Ce qui frappe chez ces sculpteurs de vie, cette femme et ces hommes, c’est leur intensité au travail, ils sont comme absorbés par la pierre, leurs mains guidées par leur cœur, courent, redressent, caressent, leur œuvre, il faut voir comme ils sont à l’œuvre, à leur œuvre, ils sont dans leurs vaisseaux de pierre, à l’image du Saint fondateur de Malo à la recherche de leur paradis terrestre, sept ans d’aventure paraît-il pour cette quête initiatique. Ils cherchent le rivage de cette île inconnue qui s’enfoncera dans l’océan de leurs rêves.
Il faut voir sur le « Tossen », le mont, les statues géantes, c’est l’île de Pâques disent certains, le mystère, le message de la vie, de l’éternité.
Pour moi c’est d’abord l’émotion du franc-maçon, le commencement, le retour d’une cathédrale que je croyais perdue, oubliée, dans les méandres des réseaux informatiques. Il faut voir entre les saints de pierre, toutes ces femmes, ces hommes, qui cherchent la lumière. Dans cette cathédrale naturelle, l’entrée est libre, il suffit de marcher, d’entrer en soi-même, les portes laissent passer l’air, l’eau, le feu du soleil, c’est pure beauté. C’est une véritable Sagrada familia qui s’élève à l’ouest, plus d’un million de visiteurs sont venus sur ce Tossen, ici pas de marchands du temple, une émotion intime et collective.
Il y a bien d’autres choses à dire, à vivre sur ce mont, sur ces retrouvailles avec les tailleurs de pierre, les freemassons, en particulier sur cette transmission qui a lieu sous nos yeux, à demain.
JF.
PAROLES DE SCULPTEURS, DE TAILLEURS DE PIERRE, DE LA VALLÉE DES SAINTS.
« Je n’ai pas l’impression d’avoir vraiment choisi la pierre. Ni la sculpture d’ailleurs… Les choses se sont faites d’elles-mêmes, comme une évidence. Chaque fois que j’ai exploré un autre chemin, la vie m’a ramené sur cette voie qui finalement est la mienne.
Je crois que la pierre porte en elle quelque chose d’ancestral et magnétique qui réveille les mémoires secrètes terrées en nous depuis la nuit des temps. Ceci est encore plus vrai pour le granite et le basalte car se sont des roches issues des profondeurs, du cœur même de notre planète.
D’ailleurs, aujourd’hui, en pleine ère de l’informatique, ne fixons-nous pas nos données, notre mémoire dans le silicium…
Aussi lorsque je travaille le granite, que je rentre dans la matière, je me sens porté par quelque chose qui me dépasse, si bien qu’au final, lorsque la pièce est terminée et que l’on peut la regarder avec un certain recul, je me demande toujours s’il s’agit bien de mon œuvre ou si je n’ai pas été, finalement qu’un canal…
Didier Hardellet (Le Huelgoat 29)
Email : hardelletdidier@hotmail.fr
Tél : 06 49 70 41 07
Il a réalisé à la Vallée des Saints :
EODEZ – HAUDE
KOULMAN – COLOMBAN
NOLWENN ( en tant qu’assistant le maître est Patrice LEGUEN)