LE LIVRE DE LA SAGESSE DU DON.
Un livre qui parle du don, dans une société de l’individualisme cela mérite que l’on s’y arrête. Alain Caillé promoteur de l’ethnologue Marcel Mauss, nous propose de construire une société du don, avec son livre paru chez Actes Sud :
« Extensions du domaine du don », une utopie bien réelle.
Dans le premier livre des Rois -3-5 le roi Salomon se rend à Gabaon le plus haut lieu des sacrifices, le plus haut lieu de la bienveillance, Salomon demande à son Dieu un cœur plein de jugement pour gouverner son peuple :
« Dieu lui dit parce que tu n’a pas demandé pour toi de longs jours, ni la richesse, ni la vie de tes ennemis, mais que tu as demandé pour toi le discernement du jugement (…) Je te donne un cœur sage et intelligent… »
Mathieu dans son évangile 7-11 à propos de l’efficacité de la prière :
« Demandez et l’on vous donnera ; cherchez et vous trouverez ; frappez et l’on vous ouvrira. »
Cela tend à démontrer que l’on peut trouver du bénéfice dans une société du don, une manière de lutter contre l’individualisme. La société de marché est une oppression pour l’individu. Antoine Reverchon, journaliste au quotidien le Monde écrit : « Aux yeux des utilitaristes les échanges économiques, mais aussi les institutions, les sentiments, les créations humaines, seraient les instruments de la lutte entre les individus pour se faire une place au soleil. »
Alain Caillé prône pour une société du don, critiquant la société de l’intérêt. Il prône pour un nouveau rapport entre les hommes, basé sur le : « Demander, donner, recevoir et rendre. » Ce n’est pas pour lui faire preuve de naïveté, il ne parle pas de charité ou de sacrifice, mais d’échanges et de liberté. Il s’agit de ne pas confondre avec une société du care. Mais de créer une société de confiance.
C’est une nouvelle lecture de la société qui serait plus humaine, où les femmes et les hommes seraient mieux reconnus pour ce qu’ils sont. Il veut démontrer que :
« Ce qui anime les êtres humains, c’est à la fois d’être reconnus comme de bons joueurs dans le cycle du demander-recevoir-donner-rendre, et celui de s’adonner à des activités qui le fassent accéder à des moment de grâce (…)
L’objectif en ligne de mire :
« Nous aider à imaginer les conditions de possibilité d’un monde plus humain. »
Pourquoi pas concevoir de transmettre, de rendre ce que l’on a reçu, pas seulement sur le plan de l’esprit, mais dans la vie courante. Le troc peut ne pas être réservé à des sociétés primitives, il peut être vertueux dans une société de gaspillage. Un espoir face à la collapsologie décrite par Yves Cochet.
Jean-François.
A LIRE : « Extensions du domaine du don » de Alain Caillé éditions Actes Sud 336 Pages 22,80 €
NOTE EDITEUR. Extensions du domaine du don.
Extensions du domaine du don rassemble et synthétise la plupart des fils patiemment tissés par Alain Caillé et ses amis du Mouvement anti-utilitariste en science sociale (MAUSS) depuis près de quarante ans. Longtemps le MAUSS s'est limité à critiquer la montée en puissance de l'économisme et à lui opposer les leçons qu'il est possible de tirer d'un paradigme puissant - celui du don -, issu d'un ouvrage méconnu du grand public qui a nourri la réflexion de nombreux intellectuels et chercheurs, l'Essai sur le don de l'anthropologue Marcel Mauss (1925). Oeuvre extraordinairement pertinente qui montre que l'homme n'a pas toujours été "un animal économique doublé d'une machine à calculer" : les sociétés premières ne s'organisaient pas selon les principes du marché, mais selon la "triple obligation de donner, recevoir et rendre". Ce paradigme n'a rien à voir avec ce qu'on entend le plus souvent par "don" - geste désintéressé, proche de la charité ou du sacrifice. "Le don, explique Alain Caillé, est un acte chargé d'ambivalence, désintéressé en un sens, mais tout autant intéressé, à la fois libre et obligé." Cette triple obligation régit en réalité l'essentiel de nos rapports aux autres. Et il faut dès à présent l'universaliser pour jeter les bases d'une véritable philosophie politique alternative, qui permettra de dépasser le néolibéralisme et la vision économiciste des sujets humains. Extensions du domaine du don montre à quel point il est éclairant d'étendre l'approche par le don à tous les secteurs de la vie sociale : le jeu, le care, le rapport à la nature, les relations internationales, le sport, l'art, la consommation, les psychothérapies, la religion, la question du pouvoir, etc.