DERRIÈRE LA BEAUTÉ – BAUDELAIRE - I
L’es francs-maçons ne se contentent pas de la contemplation de la beauté, comme une fin en soi, ils ne sont pas des parnassiens, le lyrisme impersonnel, n’est pas le but de leur recherche. Ils sont plus proches de la poésie symboliste de Charles Baudelaire, porte ouverte vers l’univers spirituel, chemin vers un monde idéal, une utopie du bien en toutes choses. Arthur Rimbaud cherchait lui une nouvelle « Aube » un monde neuf, au travers du dérèglement des sens et Stéphane Mallarmé jouait avec le monde mystérieux des symboles, tous les trois ont écrit des partitions qui résonnent en nous, pénètrent notre esprit et touche notre cœur.

Baudelaire était à la recherche d’un Éden, d’un paradis perdu. Il était dans un état de langueur, de spleen, comme accablé par l’ennui de la vie ordinaire matérielle, sans relief, d’où sans doute son besoin d’exotisme jusqu’au mysticisme.
Un besoin de grandeur, de choses qui le dépasse, le surpasse. Tous les symboles chez lui prennent de la puissance : la lumière d’ordinaire devient intense, l’onde se transforme en une force des flots, les parfums deviennent volupté.
Il met en scène des cérémonies mystiques, divines, quasi religieuses, dans le sens où elles le relient avec une beauté sortie de son imagination et pourtant surnaturelle. Sa mémoire du paradis perdu le mène vers de vastes portiques comparables aux colonnes du temple. Il marche entre les colonnettes force, sagesse et beauté. Il passe des ténèbres de la crypte à la lumière de l’Orient.
La beauté, le symbolisme de ses espaces sacrés, sont ses leviers vers sa verticalité.

« La nature est un temple où de vivants piliers. Laissent parfois sortir de confuses paroles. »
Les francs-maçons cherchent leur place dans cette nature, ils sont saisis par la grandeur de ce qu’ils découvrent derrière les symboles, étourdis, submergés par l’émotion, jusqu’à être incapables d’exprimer ce qu’ils voient, ce qu’ils ressentent. Leur intellect, leurs connaissances sont alors inutiles, leur assurance que l’on croyait naturelle les abandonne. Incapables de parler, ils ne savent qu’épeler, balbutier comme des enfants, la veuve, leurs frères, viennent à leur aide.
Ils viennent d’entrevoir une réalité spirituelle cachée sous les apparences du sensible et du matériel. Une sorte de feu, de chaleur les envahit, régénérés ils prennent leur juste place avec humilité dans l’univers. Ils mesurent toute la force derrière la beauté et c’est plus sage qu’ils reviennent dans le monde, les pieds sur terre, au pied du mur, mais fous d’amour de ces étoiles qui flamboient dans la pureté du ciel.
Jean-François.
La vie antérieure
J'ai longtemps habité sous de vastes portiques
Que les soleils marins teignaient de mille feux,
Et que leurs grands piliers, droits et majestueux,
Rendaient pareils, le soir, aux grottes basaltiques.
Les houles, en roulant les images des cieux,
Mêlaient d'une façon solennelle et mystique
Les tout-puissants accords de leur riche musique
Aux couleurs du couchant reflété par mes yeux.
C'est là que j'ai vécu dans les voluptés calmes,
Au milieu de l'azur, des vagues, des splendeurs
Et des esclaves nus, tout imprégnés d'odeurs,
Qui me rafraîchissaient le front avec des palmes,
Et dont l'unique soin était d'approfondir
Le secret douloureux qui me faisait languir.
Charles Baudelaire, Les fleurs du mal
Correspondances
La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
L'homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l'observent avec des regards familiers.
Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.
II est des parfums frais comme des chairs d'enfants,
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
- Et d'autres, corrompus, riches et triomphants,
Ayant l'expansion des choses infinies,
Comme l'ambre, le musc, le benjoin et l'encens,
Qui chantent les transports de l'esprit et des sens.
Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal