AMBIVALENCE
Terme d’hésitation, cette tendance à éprouver, où manifester en même temps, une hésitation entre deux sentiments, deux attitudes, envers une personne où un événement. Éluder, rechercher sans cesse un compromis, ne pas savoir se déterminer, si cette attitude de doute est raisonnable, elle apparaît souvent aux plus radicaux comme une faiblesse. Il y a pourtant plus à craindre de ceux qui ne doutent de rien, et surtout pas d’eux-mêmes !
Ce qui est ressentit comme une danse, un tango sans fin, une sacralisation de l’hésitation, alors que le temps exige des réponses immédiates à des questions complexes, à vouloir être empathique avec tout le monde on aboutit à une exacerbation des clivages, auquel s’ajoute une apparence de confusion mentale. Ce qui est néfaste dans notre société hyper médiatisée, c’est de changer d’avis rapidement, et pourtant il n’y a que les imbéciles qui ne se trompent pas. Mais l’on ne supporte plus la lenteur.
L’affaire de la lycéenne Mila qui a envahit notre sphère médiatique, démontre cette ambivalence ambiante, les mots sortis précipitamment, je dirais sans avoir tourné sept fois sa langue, sans être à l’ordre et en ordre, comme :
« L’insulte à la religion, est une atteinte à la liberté de conscience. » S’apparente au retour du « délit de blasphème. »
Si le langage employé par cette lycéenne pose problème c’est vrai, ce langage doit d’abord nous interroger sur notre capacité à l’accepter, ce langage est après tout celui de nos enfants, éduqués dans notre république, par nos maîtres et leurs parents.
Les réseaux sociaux d’aujourd’hui, subissent les mêmes critiques que la diffusion des livres lors de l’expansion de l’imprimerie, avec certes une intensité plus rapide. L’ambivalence du siècle des lumières revient dans notre monde contemporain.
Il faut donc se garder de se prévaloir de « l’esprit du siècle des lumières », si par ailleurs par une sorte d’autodafé l’on prétend bruler les messages des réseaux sociaux.
Certes Mila n’a pas le langage de Voltaire loin s’en faut, mais sur le fond ? Doit-on renoncer au combat des lumières comme le firent en leur temps Voltaire en s’éloignant des lieux de pouvoir pour continuer son combat contre la religion, où Rousseau en s’exilant à Genève ?
C’est pourquoi, Francs-Maçons nous luttons pour une éthique universelle, porteuse de valeurs, contenue dans toutes les religions, en se gardant bien de se soumettre à leurs dogmes. Ce fut le message de l’encyclopédiste Diderot. Mais il nous faut aussi œuvrer pour l’indispensable combat contre l’ignorance, pour l’éducation, la transmission des savoirs au plus grand nombre, pour que chacun et tous puissent sortir de l’obscurantisme et atteindre en toute liberté la Connaissance. C’est bien donc dans la sphère des lumières, avec l’esprit des lumières que seront vaincus l’intolérance, le radicalisme et l’intégrisme.
Il nous faut rejeter toutes les formes de censure, le délit de blasphème lui-même a été exclu par l’église catholique, les autres religions seraient bien inspirées de suivre cette voie. Ce qui devrait susciter aussi chez tous les laïques un combat incessant pour défendre la liberté de culte, un des fondements de la laïcité.
S’il y a une guerre à mener c’est bien celle de la pensée contre la matière, celle de la raison contre les préjugés. Comment y parvenir autrement que par l’éducation, par la connaissance, apprendre l’histoire des religions, ce n’est pas adhéré à une religion, les religions font parties des traditions universelles, comme les écoles de pensée philosophique, elles ont leurs valeurs.
Un peuple plus éclairé, est peuple plus tolérant, plus bienveillant. Condorcet, qui avait foi, en la perfectibilité de l’homme disait :
« Les hommes ne naissent ni stupides, ni fous, ils le deviennent. (…) Il est donc à la fois possible et nécessaire d’instruire le peuple à condition de lui parler raison. »
Plus y aura de personnes éclairées, plus les lumières se répandront, diffusons donc ces lumières en dehors de nos temples !
Pour cela il nous faut renoncer à la farce de la célébrité, de l’image, des apparences qui envahissent tous les nouveaux médias, qui manipulent les hommes sincères, mais peu enclins à se faire par eux-mêmes leur opinion.
La Franc-Maçonnerie propose de construire des femmes et des hommes éclairés par leur propre conscience, des hommes libres, indépendants. Elle propose à l’homme de penser par lui-même, d’en cultiver la volonté, d’avoir la force et le courage : c’est le Sapere Aude de Horace, repris par Kant « aie le courage de penser.» Je dirais que c’est le prix à payer pour acheter sa précieuse liberté, et se défaire des préjugés.
Comment y parvenir, et peut-on y parvenir seul ? Nous ne sommes pour la plupart d’entre nous que hommes, avec nos faiblesses, nos limites, mais aussi nos richesses, qui ne demandent qu’à êtres développées. La Franc-Maçonnerie propose un chemin initiatique pour faire grandir l’homme intérieur, favoriser ce qu’il y a de mieux en lui, c’est un parcours individuel, dans un cadre collectif, une aide aux premiers pas, une aide pour pousser les portes, les anciens sont des tuteurs qui aspirent à ce que nous les dépassions, s’ils sont nos exemples, ils ont le devoir d’êtres Humblement exemplaires.
Les philosophes, les Savants, les Scientifiques doivent accomplir ce devoir dans la cité, seuls nous ne pouvons rien, c’est cette aide fraternelle, qui nous donnera l’accès aux lumières.
Encore une ambivalence, il y a urgence au retour de l’esprit des lumières, face à la montée de tous les ismes. Il faut réunir les îles de l’Archipel Français de Jérôme Fourquet dans une communauté éclairée. Il y a urgence et en même temps, nous avons besoin de temps long, conscients que les lumières du savoir, et la Lumière de la Connaissance ne pénètrent en nous que lentement, un des grands défis de notre société, est la patience, sans le relâchement de l’action, le besoin d’une vision, pour faire taire la colère et la violence.
Il faut je crois avec beaucoup de naïveté, mais pourquoi pas ? Faire l’éloge de la lenteur, de la douceur, de la beauté, de l’amour des hommes en général, et prétendre à une sorte de verticalité personnelle et collective, un projet d’ascension de la conscience et de la spiritualité sans dogmes.
Cette ascension est réalisable par la rigueur de l’équerre, l’ouverture du compas, posés ensemble sur le volume de la loi sacrée, formant un triangle de lumière, de grande Lumière.
Jean-François Guerry.