COHÉRENCE
Cela ne va pas plaire à tout le monde surtout à nous-mêmes. Amoureux du théâtre, des jongleurs des mots, de ces mots qui résonnent bien, mais qui ne sont pas toujours raison. Nous trouvons du plaisir à assister bien installés dans nos fauteuils, au spectacle. Plaisir même à revoir les mêmes pièces, avec les mêmes acteurs quand ceux-ci sont bons, bien formés, qu’ils ont répété leur texte à l’envi, ils possèdent leur art, jusqu’à devenir arrogants avec leurs certitudes passagères, cabotins. La mise en scène est souvent parfaite, irréelle.
Le spectacle fait recette, cohésion du moins pendant sa durée tout le monde applaudi, mais en même temps, quand les portes du théâtre se referment après toutes ces représentations, nous retournons dans le monde réel.
Les paroles, les mots entendus, mais surtout répétés se dégradent en l’absence d’action, ils sont des bouquets qui se fanent très vite, dans nos villes il n’y a presque que plus de fleuristes, les fleurs sont dans les supermarchés. Le désarroi et le doute s’installent.
Alors les vautours sortent de l’ombre, les cohortes de « Il y a qu’à, de ils faut qu’ont, de ont auraient du. » Tous ces « on » qui sont parfois nous-mêmes. Il y a les révolutionnaires qui combattent courageusement sur les plateaux de télévision, les experts en tout, ceux qui tirent à vue sur tout ce qui passe, les prédicateurs de malheurs, les censeurs assis dans leurs canapés, ceux qui voient des complots partout et tout le temps. Ils jouent aussi leur pièce de théâtre, ils font dans le drame permanent, leurs thèmes préférés : le krach boursier, la mondialisation, la fermeture de toutes les frontières, l’expulsion des étrangers, enfin surtout de ceux qui ne pensent pas comme eux, il y a aussi ceux prédisent les bonnes nouvelles comme l’effondrement total, imminent du monde.
Alors ! Alors me direz-vous ! Je me lance nous pourrions peut-être parler de l’ancien monde, oh là ! Ok boomer me disent mes petits- enfants, tu vois dans quel état est la planète !
Pourtant j’insiste : « C’est avec les lumières du passé que nous avançons dans le labyrinthe de l’avenir. » Tu nous demandes, de faire le travail que vous n’avez pas fait ! Ce n’est pas cohérent.
Nous ne pouvons pas céder à la pression de la faute originelle, à l’incontournable expiation. Après tout nous n’avions qu’à soutenir nos soignants, ils ne demandaient pas autre chose que la reconnaissance de leur rôle, de leur travail au service de tous, nous savions que réduire sans cesse les budgets finirait par poser des problèmes, donc ne nous plaignons pas de nos turpitudes, nous sommes punis c’est normal, ce n’est pas de l’autoflagellation, mais c’est factuel.
Avons le règne de la raison, nous subissions la colère des dieux, de Dieu, pour nos excès. Nous avons acquis par les lumières notre liberté de penser et donc d’agir, nous ne subissons plus sous les dogmes religieux, la colère des dieux a été remplacée par la colère de la nature.
Il nous reste donc les lumières du passé, qui sont porteuses d’espérance, quand on mesure les progrès de la science qui ont permis à des millions d’hommes d’échapper à la mort. Ceux qui hier par exemple mettaient en doute l’efficacité de la vaccination, sont les mêmes qui attendent avec impatience le vaccin qui permettra d’éradiqué la pandémie, qui sera éradiquée comme le furent les autres.
Les défenseurs de la rigueur financière qui refusaient d’augmenter les budgets des hôpitaux, les salaires des soignants, sont prêts aujourd’hui à dépenser sans limite. Quand il y a un trop béant dans une canalisation on arrête de discuter le coût horaire du plombier, fut-il Polonais.
Sans faire une comptabilité morbide nous avons été touchés par des fléaux bien plus graves, dans notre ancien monde, comme la grippe espagnole, la tuberculose, le paludisme, la grippe asiatique, le sida….
Nous sommes aujourd’hui tous concernés, j’ai été frappé de voir comment la carte mondiale de la pandémie, se juxtaposait exactement avec la carte de la circulation aérienne. Il semblerait que cela explique pourquoi l’Afrique et l’Amérique du Sud sont moins touchées.
Nous sortirons de cette épreuve, grâce à nos scientifiques et nos soignants, à eux seuls, notre vie quotidienne n’est plus gouvernée par nos politiques, mais par un comité scientifique, la pièce de théâtre arrive à son épilogue.
Quand la pandémie sera passée, les politiques reprendront la main, c’est alors sans doute la plus grande épreuve qui nous attend, faire preuve de cohérence. Cohérence des leçons a tiré, non plus répéter à l’envie que nous avons le meilleur système de santé au monde, mais en faire la preuve, sans user de somnifères que nous avons accepté jusqu’à présent sans rien dire, sans écouter et surtout sans agir, un peu moins débattre et agir un peu plus.
La plus grande cohérence est entre nos mains, accepter plus de collectif et moins d’individualisme, plus de solidarité, de fraternité. Il faudra faire des choix pour nous-mêmes, ne pas se contenter d’aller de nouveau au théâtre revoir la même pièce, même si la mise en scène est parfaite, les décors magnifiques et les acteurs formidables, un peu de cohérence.
Jean-François Guerry.