LA SOLIDARITÉ À L’ÉPREUVE
Puisqu’il faut souscrire à la tendance, surfer sur la vague, qui veut séparer le monde d’avant du monde d’après, l’ancien monde du nouveau monde, en tant que baby boomer je dis ok chiche !
Les francs-maçons dès leur initiation sont invités à tuer le vieil homme, pour devenir un homme tout beau, tout neuf, plus fraternel, plus solidaire. Sont-ils dès lors différents, pas si sûr car le chemin est long de la métamorphose de l’être, de la conversion du regard, sur nous-mêmes, les autres et toutes les choses de la vie.
On parle beaucoup dans les loges et en dehors de la fraternité indispensable à la survie de l’espèce humaine, la fraternité se cultive c’est une belle plante, mais elle exige des soins attentifs et quotidiens, pour espérer la voir fleurir et plus encore donner des fruits, ces fruits sont la solidarité, ils sont l’aboutissement concret de la fraternité.
J’ai en mémoire un épisode de ma vie maçonnique où j’ai participé avec mes frères à la construction d’un temple matériel. À cette occasion j’ai pu mesurer avec la règle la solidarité à l’œuvre, et aussi l’ouverture du compas du cœur. J’ai vu Loïc l’architecte, Pierre le maître d’œuvre, les artistes décorateurs Claude et Firmin, les généreux donateurs comme Yves, sans oublier tous ceux qui venaient pendant leurs week-ends des orients les plus éloignés pour prêter main-forte, j’ai vu des chefs d’entreprise surbookés revêtir la tenue de leurs ouvriers comme Christian. J’ai vu aussi la patience des épouses sacrifier les week-ends en famille. J’ai vu les plus anciens, parfois les plus actifs sur le chantier comme Raymond. Tous mettaient du cœur à l’ouvrage, tous étaient solidaires.
Et puis il y avait les autres, les éternels excusés, ces frères que nous avons du mal à reconnaître comme tels. Ils ne ménageaient, pas leurs remarques, leurs critiques, leurs conseils avisés, leurs prétextes pour se soustraire à leur devoir de fraternité et de solidarité. Les réflexions allaient bon train, la meilleure d’entre elles, qui me reste en mémoire est celle d’un groupe de frères enjambant les matériaux du chantier pour se rendre à une réunion dans un bureau que nous leur avions aménagé. Ces frères s’interrogeaient sur l’identité des ouvriers capables de travailler pendant le week-end. J’étais alors avec mon Grand Maître Provincial les genoux à terre en train d’effectuer la pose du carrelage dans la salle des agapes ! Ils ne nous avaient pas reconnus comme tels, cela nous as bien fait rire. Nous étions redevenus des maçons opératifs, nous étions heureux.
Je formule le souhait que dans le monde d’après, il y ait plus d’ouvriers que de cadres. Un de mes frères Yannick passé à l’orient éternel, avait développé la charcuterie familiale jusqu’à en faire une grande entreprise de salaison. Il m’expliquait un jour à son grand regret que dans son entreprise il y aurait bientôt trois cadres pour surveiller et organiser le travail d’un ouvrier sur la tête duquel repose la production, il ne forçait pas le trait. Il me disait encore que le pire était que tous ces cadres étaient solidaires pour faire que le travail de leur ouvrier soi de plus en plus performant et rentable.
Yannick avait aussi des rapports tendus et déséquilibrés avec les centrales d’achat de la grande distribution, qui attendaient la parution des bilans annuels de son entreprise, pour voir si son bénéfice avait augmenté, pour faire pression sur lui, afin d’acheter moins cher ses produits. Déclenchant ainsi indirectement une pression sur ses ouvriers et sur les éleveurs, belle chaine de solidarité !
Le monde d’après a donc beaucoup à faire en matière de solidarité, pour ne pas s’arrêter simplement à des discours pavés de bonnes intentions, des formules creuses, vident de sens et d’actes concrets.
Nous sommes collectivement concernés par cette épreuve de solidarité.
Jean-François Guerry.
Sélection de Citations :
Françoise Dolto.
Kofi Annan ,Discours à l'Assemblée générale de l'ONU, 24 septembre 2001
La fraternité n’est qu’une idée humaine, la solidarité est une idée universelle.
Victor Hugo.
Antoine de Saint-Exupéry.
Riccardo Petrella