LE SYMBOLE SELON PAUL RICOEUR…
Le philosophe de la volonté, phénoménologue, praticien de l’analyse réflexive, Paul Ricoeur dans son livre Philosophie de la Volonté –II, propose une théorie de la signification des symboles.
À propos du mal, il évoque la symbolique de la culpabilité, le mal est une tache qui affecte du dehors et infecte l’intérieur de l’homme. Il prend pour exemple la vision du temple du prophète Isaïe :
« Malheur à moi ! Car je suis un homme aux lèvres impures et j’habite parmi un peuple aux lèvres impures. »
Dans un autre symbole du mal humain, celui de l’insurrection, de l’errance, et de la perdition apparut dans l’alliance hébraïque, mais aussi dans l’hybris (l’orgueil, la démesure de grecs). Ou encore dans les phénomènes d’exil, d’exode, de captivité, qui symboliseront ensuite le retour, la délivrance.
Pour lui ces symbolismes sont révélant originaires, le symbole devient connaissance Logos. Paul Ricoeur voit là des symboles primaires universels. Symboles qui s’articulent, se développent en quelque sorte en des symboles qu’il qualifie de secondaires et qui sont les mythes, les légendes, des récits élaborés à partir de ses symboles primaires. Comme par exemple le mythe du chaos, celui de la chute. Ces symboles secondaires permettent d’idéaliser un prototype d’homme exemplaire, sans tâche, originel, comme l’Adam Kadmon celui du premier monde spirituel, repris dans la Kabbale.
Pour moi donc, ainsi se tissent des énigmes universelles, et le cheminement initiatique aurait pour but de découvrir ces énigmes et le valeurs qu’elles contiennent.
Le symbole devient alors un commencement et une fin, une déchéance, une chute et un salut, un exil et un retour. Une démarche initiatique active en quelque sorte, un désir de vie, de bien.
Paul Ricoeur, le symbole devient un outil détecteur de la réalité. Le symbole n’allégorise pas, mais sert a déchiffrer l’homme à partir des grands mythes, comme le chaos. C’est la démarche de Kant dans son Essai sur le mal radical. Nous ne sommes pas responsables du mal, mais seulement de notre penchant au mal.
Le mythe de la chute révèle les passions de l’homme, instrument de la radicalisation de la conscience de soi. C’est donc une méthodologie pour une réflexion aiguillonnée par le mythe. Je cite Paul Ricoeur :
« Sans ravitaillement en sous-main de la pensée par le mythe, le thème réflexif s’effondre et pourtant il ne s’insère pas dans la philosophie comme une idée. »
« Le symbole donne à penser. »
Je dirais, si je comprends bien la pensée de Paul Ricoeur, que le symbole nourrit la réflexion, il est donc une nourriture spirituelle, il nourrit seulement notre esprit, qui prend de la force, pour pouvoir ouvrir la porte qui est en dedans, l’œil du cœur, pour pouvoir tourner son regard vers le bien et le beau.
Paul Ricoeur souligne que l’opposition entre expliquer et comprendre, édifie la distinction entre sciences de la nature et celles de l’esprit, que cela cesse de valoir pour l’interprétation. L’interprétation comporte elle-même une phase d’explication. En conséquence une herméneutique qui se règle sur le sens, qui cherche le sens, nécessite des procédures objectivantes, une analyse. Je cite :
« Il faudrait donc redistribuer de la façon suivante les trois termes comprendre, interpréter, expliquer ; au lieu de subordonner interpréter à comprendre et d’opposer comprendre à expliquer, il faut intégrer comprendre et expliquer à interpréter, comme deux phases enchainées, comme deux procès alternés, comme le sont dans le discours l’événement et le sens. »
L’interprétation des symboles agrandit l’être et son champ de vision, ouvre son esprit, je cite encore :
« (…) il faut plutôt dire que l’interprétation donne au sujet une nouvelle capacité de se comprendre lui-même en offrant un nouvel être au monde dont il est agrandi.
L’appropriation cesse alors d’apparaître comme une prise de possession ; elle implique plutôt un moment de désappropriation du moi avare et narcissique ; c’est ce que nous avons voulu signifier en parlant d’universalité du sens ouvert… »
Pour conclure sur une vision qui pourrait être reliée à la devise des lumières le Sapere aude de Kant, que la franc-maçonnerie a fait aussi sienne, ou encore sur le processus de recherche, de découvert, de dévoilement, des idées cachées derrière les symboles, ce qui donne du sens à la quête initiatique personnelle, dans un cadre collectif qui touche à l’universel. Je cite à nouveau et enfin Paul Ricoeur :
« Seule l’interprétation qui obéit à l’injonction du sens, qui suit la flèche du sens et s’efforce de penser-selon engendre une nouvelle compréhension de soi. Et dans cette expression : compréhension de soi, j’opposerai le soi qui résulte de la compréhension au moi qui prétend la précéder. »
Jean-François Guerry.
Sources : Michel Philibert IN RICOEUR Éditions Seghers.
Philosophie de la Volonté II- Paul Ricoeur Éditions Aubier.
Image-Symbole : Paul Ricoeur a laissé des traces de son passage à Rennes au Lycée Emile Zola et à l’Université. Le temple protestant du boulevard de la Liberté porte son nom, ainsi que la récente Cité Internationale des étudiants située dans sur le même boulevard de la Liberté.