LA CONTEMPLATION
La contemplation, l’observation attentive est en relation avec la nature pour tout ce qui est de l’extérieur et avec l’âme pour ce qui est de l’intérieur. Contempler un coucher de soleil, n’est pas un acte sans conséquence, il introduit une communication entre nos sens et notre esprit. Se mettre dans un état contemplatif permet de se mettre en relation avec la beauté sous toutes ses formes, cette beauté des phénomènes naturels et la beauté intérieure symbolisée par la flamme qui brille au fond de nous.
Les francs-maçons sont à la recherche de la force, de la sagesse et de la beauté qui résident en eux.
Aristote dans son Éthique à Nicomaque pense que la contemplation mène au bonheur. Plotin lui voit dans la contemplation ou plutôt dans l’état dans lequel nous met la contemplation, un état de réceptivité à la beauté, c’est l’état contemplatif. Cet état est ineffable, inintelligible, inexprimable, parce qu’il doit être vécu, comme l’initiation. Plotin le voit aussi comme un état originel précédant la pensée, un état d’être, une intuition de la connaissance du beau.
Platon dans sa République associe la Lumière et sa symbolique à la contemplation, quoi de plus beau en effet que l’apparition de la Lumière sous toutes ses formes. Les enfants de la Lumière sont donc naturellement attirés par la beauté qui leur apparaît dans le silence de la contemplation.
Tous les arts incitent à la contemplation, la peinture, la sculpture, la musique, l’architecture. La contemplation est consubstantielle à celui qui les rassemble tous l’Art Royal.
La répétition des mantras maçonniques, dans les rituels, mettent les francs-maçons dans un état contemplatif :
« Mes frères tournez-vous vers le centre de la loge. » La contemplation du tableau de loge tracé rituellement les plongent dans un état de méditation sur les symboles de la construction de leur temple intérieur.
La méditation mène à la contemplation, la contemplation mène à la méditation, à la méditation sur le divin selon les sages de l’Inde, c’est la voie ultime vers l’unité au-delà du bien et du mal, à l’harmonie des hommes avec la nature, à la paix intérieure.
La contemplation, la méditation font partie des exercices spirituels dans le christianisme : Thérèse d’Avila, Jean de la Croix, Ignace de Loyola ont vécus dans leurs méditations contemplatives des moments extatiques, sans doute semblables à ceux décrits par Plotin et rapportés par son disciple Porphyre, l’égrégore maçonnique est-il un moment extatique ?
La contemplation comme exercice spirituel a été étudiée par Pierre Hadot philosophe spécialiste de l’antiquité en la détachant de son aspect religieux, elle devient une expérience phénoménologique particulière qui mène à la beauté aboutissement de la philosophie. Elle est alors une expérience pratique de la joie.
Ce n’est pas un hasard que les rituels maçonniques en particulier de clôture des travaux évoquent l’ultime beauté et la joie qui habite les cœurs.
Spinoza dans son Éthique rapproche la liberté qui est sagesse et béatitude de l’exercice de contemplation.
Pour le franc-maçon l’accès à la contemplation passe par la pratique du silence, par la réalisation de son détachement du vulgaire, par la vacuité propice à l’ouverture de sa conscience prémisses du commencement, de l’initiation voie vers le sacré.
Je reviens à Plotin, qui exhorte le sage comme Ulysse à revenir vers sa patrie intérieure, intime, à se métamorphoser à devenir tout entier beauté. Il faut que le spectacle de la beauté ne soit plus extérieur à soi, mais à l’intérieur de soi. C’est la construction du temple intérieur maçonnique achevé.
C’est le Roi sagesse, le Roi Salomon qui contemplant le temple et le mausolée de l’architecte achevé qui s’exclame : « tout est parfait. » C’est l’expression maçonnique : « tout est juste et parfait. » C’est la conversion du regard, vers la contemplation du beau.
Le chemin de la contemplation passe non pas par la contemplation en priorité du monde extérieur, mais par la méditation sur soi, la construction de soi, le perfectionnement de soi, jusqu’à la porte de l’orient éternel. Il faut donc allier la « Théoria » de la contemplation et la « Praxis » de l’action pour vivre en harmonie.
Si les stoïciens passaient par le Portique, le franc-maçon passe entre les colonnes B et J pour entreprendre son voyage vers sa lumière intérieure, cette lumière éternelle qui brille à l’orient et en lui-même.
Le silence, la méditation, la contemplation ne sont pas des paresses, des passivités, mais des actes de pratique spirituelle.
La contemplation intérieure, c’est peut-être de cultiver en soi le beau avec simplicité et humilité. Exprimé autrement par Kant c’est de prendre conscience de la beauté extérieure et de cultiver la beauté intérieure : « Le ciel étoilé au-dessus de moi et la loi morale en moi. »
Dans un monde où l’obscur de la barbarie revient pour essayer de voiler la Lumière de la liberté et de l’esprit de justice. La méditation qui mène à la contemplation de la beauté est peut-être le remède pour retrouver l’harmonie. C’est-à-dire le partage de l’amour entre les hommes.
Pour prolonger ces réflexions dominicales, je vous recommande la lecture des Cinq méditations sur la beauté de notre académicien François Cheng le passeur de lumière entre Orient et Occident.
Jean-François Guerry.