DÉCADENCE, ESPÉRANCE : FICTION OU PAS ?
J’ai entrepris une relecture de la philosophie de Plotin, cet initié qui a conceptualisé l’ordre ascendant de l’expérience spirituelle, de purification par l’ascension et l’ordre descendant de la procession vers les autres. Pourquoi Plotin parce que les occurrences de son nom si elles n’apparaissent pas dans les rituels maçonniques, sont toujours en creux dans les réflexions des francs-maçons.
C’est donc naturellement que mon regard s’est porté sur un livre qui fait référence : La Philosophie de Plotin de Émile Bréhier. La lecture du Chapitre Premier sur: le IIIème siècle de notre ère, m’a inspiré cette fiction par analogie aux événements récents.
Il suffit parfois de modifier quelques mots pour dénaturer la nature d’un texte, ou pour que le passé resurgisse dans le présent, dans l’actualité.
Ce matin ou hier ou avant-hier, dans une petite ville paisible image de la douceur de notre France, protégée par les institutions de notre république, ses représentants réunis rendaient un hommage à une mère de famille, une épouse, une maman, une fonctionnaire de notre police, lâchement égorgée par un barbare hôte de notre France icône de la défense, du droit d’asile, des droits de l’homme, du droit de la liberté d’expression, du droit de la pratique religieuse, du droit à la liberté pour tous, dans le respect de tous. Stéphanie Monfermé fonctionnaire de police, armée de son dévouement, de sa bienveillance, a été assassinée pour la défense de notre liberté, de votre liberté, de la liberté du droit de vivre dignement que son assassin était venu chercher chez nous.
La liste macabre des innocents s’allonge de jour en jour, notre république est menacée par les barbares venus du sud, de l’orient d’où jadis venait la lumière. Notre république est déchirée par des crises intérieures de toutes espèce : un ébranlement moral, social, intellectuel, met sens dessus dessous les valeurs sur lesquelles a vécu notre vieux monde. Dans cette période, une des plus agitée que nous ayons connu, nous tentons de maintenir dans leur ampleur des traditions anciennes dont certains ignorent même l’existence, et aussi les valeurs de l’esprit des lumières dont ils ne veulent pas, non plus.
Notre civilisation marque le début d’une interminable série de guerres civiles à nos portes, que certains voudraient voir se propager dans notre maison commune, ils ont réussi à briser l’espérance des printemps sur les rives de la méditerranée. Des fléaux divers, qui ressemblent aux pestes d’antan, des famines commencent à dépeupler sournoisement les pays les plus développés, les associations caritatives doivent subvenir maintenant aux besoins élémentaires de nos enfants étudiants, quel regard porter sur une civilisation occidentale qui revendique sa richesse et est incapable de nourrir ses enfants, et d’aider ses anciens à finir leur vie dans la dignité, sinon le signe du début d’une décadence.
En détruisant peu à peu les élites qui nous ont gouverné, pacifié, civilisé, notre république pour satisfaire l’égalitarisme qui tire vers le bas, nos élites formées chez nous quittent nos centres de recherche, nos laboratoires d’idées, en conséquence nos usines se vident avant de fermer définitivement.
L’on distribue des subsides aux plus pauvres, mais aussi à nos agriculteurs, maintenant nos pêcheurs, notre pitié, tu leur dignité.
Les élites de nos arts, de notre culture, se dissolvent, dans les excès du numérique ou ils disparaissent. Le niveau de notre culture s’abaisse un peu partout, en philosophie, en droit, en littérature, la quantité submerge la qualité.
Les terroristes sont les bras armés de ceux qui veulent détruire notre culture, notre civilisation, nos libertés qu’ils méprisent ignorent, et utilisent à leurs fins mortifères.
Enfin les religions qui ont été à la base de la vie politique, sociale, intellectuelle, sont en train de mourir ; aveuglées par leurs dogmes incompréhensibles. Elles laissent la place aux intégrismes venus d’ailleurs, qui font irruption partout. Le cosmopolitisme, le mélange des races, des religions, des cultures, des mœurs qui promettaient par leurs différences un enrichissement global, ont amené la confusion, le mondialisme et la globalisation jusque dans notre langue. La démocratie qui faisait naître et encourageait les plus faibles, qui devrait être un formidable ascenseur social est en régression en panne, elle cède aux pressions de la foule, qui détruit le peuple.
De fait notre époque va vers la ruine définitive et sans rémission, les valeurs qui étaient depuis des siècles les guides moraux des gens cultivés, les idéaux sévères qui conduisent à la joie et suppriment la souffrance. Laissent leur place à des cyniques déguenillés pour qui la pensée philosophique ne compte plus. C’est l’âge des commentateurs, des exégètes des vieilles doctrines. Personne ne songe à restaurer la pratique des valeurs morales, à donner un sens à la vie, à réintroduire du sacré dans notre quotidien.
Ce qui nous manque aussi cruellement, c’est l’unité corps esprit, le désir des vertus, la maîtrise des passions, nous sommes passés du désir au plaisir souverain, ce qui nous manque surtout, c’est l’élévation spirituelle graduée et notre capacité à redescendre, à abandonner notre arrogance, à être plus humain avec les autres qui sont nos proches.
Bien sûr tout cela n’est qu’une vision hors du temps et pessimiste une fiction ! Quand tout est détruit quand les colonnes des temples de l’esprit sont brisées, il reste l’espérance, de l’ordre après le chao.
Jean-François Guerry.
Morceaux Choisis du Livre de Émile Bréhier La Philosophie de Plotin, partie d’un cours donné en 1921-1922 à la Sorbonne. Le texte de ce livre caractérise un idéalisme élevé, une utopie.
Chapitre Premier le IIIème siècle de notre ère.
Il est peu de périodes plus dramatiques que la fin du paganisme : l’Empire romain, menacé à l’extérieur par les Barbares au nord et par les Perses à l’est, est intérieurement déchiré par des crises intérieures de toute espèce : un ébranlement moral, social, intellectuel, met sens dessus dessous les valeurs sur lesquelles avait vécu le vieux monde (…) la pensée se laisse aisément séduire par la bigarrure des doctrines, et par les mélanges les plus bizarres et les plus inattendus des idées venues d’Orient et d’Asie Mineure avec la vieille philosophie grecque.
Dans cette période du IIIème siècle où vécut Plotin est certainement l’un des plus agités, et l’édification de sa philosophie, qui prétend maintenir dans toute son ampleur la pensée des vieux âges, coïncide précisément avec l’époque où, selon l’étude récente de M. Ferrero, s’est produite la ruine de la civilisation antique. « La révolte de Maximin », dit-il, marque le début d’une interminable série de guerres civiles, de guerres au-dehors, de fléaux, pestes, et famines qui durèrent sans interruption un demi-siècle et qui dépeuplèrent et appauvrirent l’Empire, détruisant les élites par lesquelles il avait été gouverné, pacifié et civilisé pendant le premier et le deuxième siècle, et, avec les élites, les arts de la paix et la meilleure partie de la culture grecque et latine…. Le niveau de culture s’abaisse partout ; en philosophie, en droit, en littérature, parce que les nouveaux dominateurs la méprisent et l’ignorent. La décadence s’étend à toutes les industries. Enfin, la religion, qui avait été la base de la vie politique, sociale et intellectuelle, le polythéisme païen, est en train de mourir. Les cultes d’Orient font irruption partout…Le cosmopolitisme de l’Empire, le mélange des races, des religions, des mœurs, des cultures, l’unification du gouvernement, les nouvelles doctrines religieuses et philosophiques avaient frappé à mort en même-temps, le polythéisme et l’esprit de tradition locale… La civilisation gréco-latine était aristocratique à un degré que nous avons peine à soupçonner ; sa force était dans des élites très restreintes.
De fait, cette époque a vu la ruine définitive et sans rémission des philosophies dogmatiques qui, depuis cinq siècles, étaient les guides moraux des gens cultivés : le stoïcisme et l’épicurisme. A la fin du IIème siècle, le scepticisme d’un Sextus Empiricus réunit contre elles tous les arguments possibles, et l’idéal sévère des stoïciens ne survit plus que chez des cyniques déguenillés pour qui la pensée philosophique ne compte plus.
C’est en revanche l’âge des commentateurs : on étudie Platon, Alexandre d’Aphrodite, peu avant Plotin, écrit des commentaires détaillés sur les ouvrages d’Aristote. Les philosophes ont le souci constant de se rattacher à une tradition et de ne pas présenter leurs pensées que comme l’exégèse des œuvres des vieux maîtres. Plotin lui-même ne fait pas exception : « nous devons croire que d’anciens et bienheureux philosophes, écrit-il d’un style dévot, ont découvert la vérité ; et il convient seulement de rechercher qui sont ceux qui l’ont trouvée, et comment nous en pouvons avoir l’intelligence.» « Nos théories proclame-t-il encore, n’ont rien de nouveau, et ne sont pas d’aujourd’hui ; elles ont été énoncées, il y a longtemps, mais sans être développées, et nous ne sommes que les exégètes de ces vieilles doctrines, dont l’antiquité nous est témoignée par les écrits de Platon.
(….) L’univers à une histoire véritable ; il comporte des crises qui se marquent par des transformations profondes ; création, chute, rédemption (que la création précède la chute, ou qu’elle la suive comme chez les gnostiques) sont dues à des initiatives imprévisibles, inattendues ; n’ayant pas leur raison dans l’essence même des choses, mais en des volontés bonnes ou mauvaises, elles ne produisent qu’un état passager : rien d’éternel, ni dans la création, ni dans les conséquences de la chute.
C’est pourquoi l’espérance demeure !