LA VIE HEUREUSE
L’initiation maçonnique une conquête de soi, de son soi, une remise en ordre à l’ordre de son être intérieur ? Peut-on y trouver des analogies avec le stoïcisme de l’antiquité, qui revient dans notre société. Une philosophie qui s’attache à ce qui dépend de soi, à la réalisation de sa vie, à la recherche de la « Vie heureuse » selon Sénèque.
Sénèque dans la fin de sa vie écrit ses « Lettres à Lucilius » ouvrage testamentaire avant son suicide accepté pour ne pas renoncer au bien, une analogie avec le Maître Architecte Hiram figure emblématique du sage pour les francs-maçons.
Lucilius est le néophyte et Sénèque le transmetteur, le rituel. « Les Lettres à Lucilius » écrit Paul Veyne (Paul Veyne Sénèque. Avant-Propos Page 20 Éditions Texto.) : « offrent un cours savamment gradué de stoïcisme et une série d’exercices d’autopersuasion ; elles partent de l’intérêt qu’à le moi à se faire stoïcien et font sentir que le moi est tout puissant… »
Commencer à partir du moi, de l’interrogation sur le moi, dresser un état des lieux au midi de sa vie. Descendre jusqu’au fond de soi-même, se confronter à sa part d’ombre et distinguer par réflexion la lumière dans le miroir du cabinet noir. Effectuer en « en force » une remontée, une ascension spiralée. Non par égocentrisme réducteur, mais pour parcourir la périphérie du cercle, pointe du compas sur le cœur et marcher sur le rayon de lumière jusqu’au centre.
Le stoïcisme, comme la franc-maçonnerie seraient devenus un ultime rebond vers la vie intérieure, dans une société mondialisée où règne individualisme, l’égalitarisme, l’identique sans identité, le commun sans partage et sans amour de l’autre. Serait-ce un repli actif sur soi, une négation du monde absurde, un retrait de l’être qui peine à trouver sa singularité. Dans un monde de négation, sans dieu, sans traditions et incapable de se reconnaître dans une « Tradition primordiale », qui serait le siège social de l’amour universel entre les hommes, dans une société plus humaine, humaine tout simplement, faisant une part au sacré et à la spiritualité.
Dans ce monde de destruction de la nature, de dieu, des traditions, des valeurs, où l’impératif des lumières le « penser par soi-même » a été substitué par l’index et le pouce posés sur les applications numériques des smartphones. Dans cette société ou le dieu de la technologie laisse les hommes enchaînés et béats dans sa caverne, contempler la puissance des écrans et les progrès de l’intelligence artificielle, dans ce monde on ne regarde que son index et son pouce, on ne voit plus les merveilles de la nature et le cœur des hommes ne vibre plus d’amour.
Quand tout semble avoir disparu dans un mélange opaque, sans lumière, il reste un point d’appui, un seul point disait Médée : « moi face à face », il reste la lumière de la vie intérieure de ce moi toujours en quête de sagesse.
Quand tout est brisé parmi les ruines, se dresse encore la colonne indestructible de l’espérance. L’incroyable force de notre immunité personnelle et collective face aux maux et aux souffrances, il reste la vertu cardinale de l’amour fraternel, le seul appui pour une « Vie heureuse ». Cette vie proposée par Sénèque à son élève et ami Lucilius pour que la joie soit dans son cœur. Cette vie est celle de l’amour de la vertu et des hommes vertueux et justes.
Jean-François Guerry.