UTILE, L’HOMME OBJET, Lundi reprise des travaux
Dans le texte Hannah Arendt = H A.
Si sans aucun doute une des motivations des fondateurs de la Franc-maçonnerie spéculative a été de faire de cette noble institution un centre d’union fraternel dans le droit fil de l’esprit du siècle des lumières, libérer l’homme de l’obscurantisme, de sa soumission aux dogmes. Les membres devaient être libres de toutes les contraintes et non soumis à maître, capable de quitter leur travail pour participer aux réunions de l’ordre.
Qu’en est-il aujourd’hui plus de trois siècles plus tard ? Après l’ère industrielle, nous sommes au cœur de l’ère du numérique, et bientôt dans l’ère de l’intelligence artificielle, du trans humanisme.
Notre conception de l’homme a évolué, de l’homme barbare avant que Thémis l’incarnation de la justice ne soit venue s’asseoir à côté de Zeus, à l’homme dont le primat de la vie sur l’être est à l’origine de l’homme animal, l’homo laborans dont le travail est labeur, puis l’homme fabricant créateur, l’homo faber, l’homme dont le travail est l’œuvre. La Franc-maçonnerie proclame « la Gloire au travail » comment pourrait-il en être autrement le travail étant consubstantiel à l’homme, il se défini par rapport au travail. Le mépris du travail, le refus de l’action étant le mépris de la vie et le refus de s’éterniser dans l’œuvre, si les compagnons bâtisseurs avaient renoncés à construire les cathédrales et leur cathédrale que nous auraient t’ils légués ?
Ce n’est pourtant pas si simple, dans l’antiquité et avant les lumières les travaux subalternes ont été accomplis par des femmes et des hommes rendus esclaves par d’autres hommes. Il aura fallu attendre Tocqueville, Broglie, Lamartine et surtout le Frère Victor Schœlcher pour mettre fin à cette horreur. Comme l’écrit le poète de la négritude Aimé Césaire à propos de Schœlcher : « (…) évoquer Schœlcher, c’est rappeler à sa vraie fonction un homme dont chaque mot est encore une balle explosive. Que son œuvre soit incomplète, il n’est que trop évident. Mais ce serait puérilité et ingratitude que de la sous-estimer ».
D’autres hommes aujourd’hui qui se consacrent à de nobles tâches, n’hésitent pas pour quelques euros ou dollars a recourir à d’autres femmes ou hommes pour des travaux qu’ils refuseraient de faire. La Franc-maçonnerie nous enjoint pourtant de faire tout le bien que l’on voudrait que l’on nous fasse.
L’observation de notre société nous fait voir les homo laborans proches de la nature, travaillant la terre, tandis que l’homo faber lui fait violence à la nature. Progressivement l’homo faber s’isole, s’individualise, fabrique des machines communique avec elles et ne communique plus avec les autres. Le succès du statut de l’autoentrepreneur le démontre, s’il répond à un impératif économique suppléant au chômage de masse, il signifie aussi le besoin de liberté. Les jeunes coursiers de chez Uber ne parlent plus aux hommes, ils parlent à un logiciel dont l’intelligence est un algorithme. L’homo faber en s’individualisant quitte progressivement quitte la sphère sociale et politique.
Il ne reste à l’homo faber que le monde de l’art, la création artistique, l’homo faber dans cette création ajoute quelque chose de lui, de son soi et tente de rompre son isolement.
La pandémie qui nous frappe et sa conséquence le confinement accentue naturellement l’isolement, je suis coupé, séparé de mes Sœurs, de mes Frères. La pandémie a mis aussi en exergue ce que nous savons, nous vivons dans une société de consommation, de l’utile ! Ainsi dans la détresse nous avons glorifié ceux que maladroitement ont été qualifiés d’utiles : les soignants, nos caissières, etc…Parallèlement ont été rejetés les non essentiels comme nos libraires, nos artistes etc…. Tous ceux qui peuvent nous faire sortir de l’individualité.
Rien de neuf, Hésiode le poète grec distinguait le travail et l’œuvre ponos etergon. L’homo faber fabricant se conduit en maître de la terre, il ne parle plus travail mais production ou de travail productif. L’abondance saine de l’homo laborans à été sacrifiée par l’homo faber, faut-il loué l’homo faber, ou est-il instrumentalisé comme le pense Hannah Arendt : « Les outils de l’homo faber, qui ont donné lieu à l’expérience la plus fondamentale de l’instrumentalité, déterminent toute œuvre, toute fabrication. C’est ici que la fin justifie les moyens ; … » (H A).
Ainsi c’est le produit final qui va organiser le processus d’œuvre. Tout finira par se juger uniquement en termes d’utilité. On finira par classer les activités et les productions en utiles et inutiles et pourquoi pas les hommes ! C’est ce qu’on fait les politiques pendant le confinement, sans réelle contestation. On a admis de se rendre nombreux dans les grandes surfaces et accepté de nos pas aller en nombre restreint dans les librairies !
La vie n’aura plus aucun sens, si ce n’est celui de l’utile. Les termes employés seront alors « afin de » ou en « raison de ». L’idéal de vie sera progressivement remplacé par un idéal d’acquisition, de consommation. On ne s’interrogera plus même à terme sur l’utilité. Elle n’aura donc plus aucun sens, elle sera non-sens.
Parvenu à ce stade il serait curieux de lire le testament philosophique de l’homo faber mis dans un cabinet de réflexion.
Dans ce monde de l’homo faber où tout doit servir à quelque chose le sens n’a plus de permanence. Il n’y a plus de direction, de voie pour une vie bonne désintéressée. Pas de place pour les arts, la poésie etc…Pas d’essence, d’essentiel une confusion entre l’essentiel et l’utile voire une opposition.
Ce qui fait dire à Hannah Arendt : « Le sens, au contraire, doit être permanent et ne rien perdre de son caractère, qu’il soit atteint, ou plutôt trouvé, par l’homme, ou qu’il échappe à l’homme ». (H A).
Il nous faut sans doute admettre et reconnaître que nous ne pouvons pas être soumis totalement à l’objectivité utilitariste et revenir à une subjectivité inhérente à l’homme, tout en étant conscient que : « c’est seulement en un monde anthropocentrique, où l’usager, c’est-à-dire l’homme devient la fin dernière mettant un terme à la chaîne des moyens et des fins, que l’utilité en tant que telle s’élève à la dignité du sens ». (H A)
Hannah Arendt encore nous rappelle la formulation de Emmanuel Kant : « L’homme ne peut servir de moyen en vue d’une fin, tout être humain est une fin en soi ». (H A et E Kant)
On ne peut pas seulement penser en fin et en moyens, en utile ou non. Peut-on justifier surtout en politique les moyens pour arriver à ses fins ?
C’est là toute la difficulté et la perplexité de la fin en soi, devons-nous exercer tous nos pouvoirs sur la nature et les hommes. Il y a tant de questions qui surgissent devons-nous en homo faber instrumentaliser la terre, sommes-nous les seigneurs et maîtres de toutes choses !
Au-delà de l’instrumentalité de quels moyens devons-nous user pour améliorer le monde en vue d’une finalité qui reste à définir. Quelle place faut-il faire à l’utilité ?
Je convoque encore les philosophes grecs au secours, déjà ils redoutaient la destruction et la dégradation du monde, de la nature. Certains d’entre eux comme Aristote rejetaient l’idée : « de l’homme être suprême et que tout est soumis aux exigences de la vie humaine ». Pour Aristote donc pas d’utilitarisme militant.
Je vous laisse réfléchir, non pas, à ce que n’a pas dit Protogoras et qui souvent rapporté à savoir : « L’homme est la mesure de toutes choses ». Mais qui aurait plus probablement dit :« L’homme est la mesure de tous les objets, de l’existence de ceux qui existent, et de la non-existence de ceux qui ne sont pas ». Cela correspond bien à l’homo faber.
Cette affirmation de Protogoras n’a pas reçu l’assentiment de Platon qui dans les Lois remplace le mot homme par « dieu » qui est la mesure même des objets d’usage, Platon ayant remplacé anthrôpos par ho theos.
L’homme, sera peut-être un jour la mesure de toutes choses s’il renonce à ses arrogances vis à vis de la nature et des autres hommes, si, il se met au travail pour faire de la terre, une terre ou la fraternité sera plus qu’un mot placé dans un discours pour séduire. Qu’il cesse de catégoriser et se met en quête de sa propre unité et de l’unité des hommes. Platon incarne le monde des idées, le dieu de Platon est donc proche du concept du principe du G A D L U, de l’idée d’un principe, de la sensation, de l’intention d’un principe transcendant.
Toute cette réflexion est-elle utile ?
Jean-François Guerry.
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