RECENSION : CAHIER DE L’ALLIANCE – Du travail à l’œuvre Part V- Irène Mainguy.
Pour cet épilogue, avant dernier article de ces recensions qui seront clôturées par le Post-Scriptum de Jean Dumonteil Directeur de la rédaction des Cahiers de l’Alliance, il sera question de l’Essai de Irène Mainguy convoquée pour participer à l’œuvre de ce 12èmeCahier de l’Alliance. On ne présente pas Irène Mainguy, on rappelle simplement qu’elle est Présidente de la société d’Études et de Recherche sur l’Écossisme (S F E R E), et auteure de nombreux livres sur le symbolisme et la spiritualité. Sa plume alerte, vivante, ces mots précis et précieux, ses définitions concises touchent avec justesse les thèmes quelle soumet à nos réflexions. Ses écrits, sont à lire et relire, ils peuvent constituer pour le Franc-maçon éternel chercheur de la Vérité, des outils pour son travail quotidien et éclairer son chemin pour l’acquisition des savoirs dans le labyrinthe parfois obscur de son initiation c’est à chaque fois, un peu plus de lumière pour éclairer les idées cachées derrière les mots des rituels maçonniques. Ainsi l’ouvrier s’approprie progressivement ses rituels, ses règles, ses outils pour construire l’œuvre de sa vie. Irène Mainguy, forme et éveille plus qu’elle informe ou affirme.
Elle a intitulé son essai dans ce Cahier de l’Alliance : « La glorification du métier une utopie de notre temps ? »
La forme interrogative introduit d’emblée le doute sur la valeur du métier dans notre société en perpétuel mutation, et ou l’on entend comme une obligation il faudra changer plusieurs fois de métier dans notre vie. Que deviennent dès lors les savoirs acquis dans ces métiers abandonnés en cours de vie, et si l’important, était non pas les savoirs mais la Connaissance et les valeurs morales qui demeurent, qui sont transversales à tous les métiers. La forme interrogative, est toujours celle préférée des Francs-maçons qui n’hésitent pas à poser des questions, même en sachant qu’ils n’auront pas de réponses définitives, mais que le questionnement, le doute constructif est le chemin vers la lumière et la vérité.
Peut-on parler de glorification du métier, dans une société plus préoccupée du dire que du faire ? I. Mainguy parle d’utopie, pense t’elle que les utopies d’aujourd’hui sont réalités de demain ? Ce qui justifierait sa persévérance à glorifier le travail en général et le travail maçonnique en particulier dans sa forme actuelle c’est-à-dire spéculative, le travail de l’esprit.
Le début de son essai parle du « Craft » mot anglais désignant le métier, l’initiation par le métier. La prise en main des outils est primordiale, on met le maillet et le ciseau dans les mains de l’apprenti maçon pour son premier travail, le travail est donc fondateur de l’initiation. La construction des temples de pierre annonce la construction des temples de l’esprit. I.Mainguy cite Schwaler de Lubicz (Her bak -Pois Chiche Éditions Flammarion- 1955- Page 136) : « L’ouvrage qu’on a créé avec son âme, qu’on a conçu avec son cœur, qu’on a gesté avec son corps, depuis la peau jusqu’aux entrailles (…) qu’on a vécu, qu’on a porté jusqu’au temps où, comme un fruit mûr, il est mis au jour, par les doigts. »
Le rapport est déjà fait entre le travail du métier et l’œuvre. Avec une interrogation « faut-il être manuel pour être Franc-maçon ? » Personnellement, j’ai pu constater, que cela n’était pas indispensable, mais que les manuels, en particulier les compagnons de métier ceux du Devoir ou de l’Union Compagnonnique avaient une meilleure intuition du travail bien fait, c’est-à-dire de l’œuvre.
L’art de bâtir, mène-t-il à l’art de se bâtir ? I. Mainguy écrit à propos de la Franc-maçonnerie spéculative : « La Franc-maçonnerie est fondée sur une spiritualité qui provient du métier… il n’est pas nécessaire d’être « un manuel » il est fait appel ici, par analogie, à l’homme du métier… »
Le paragraphe suivant est consacré à « l’outil prolongation de la main ». On comprendra l’importance de la gestuelle en Franc-maçonnerie, de l’exécution précise des gestes, de la main qui trace…
Règle et gestuelle maçonnique sont expliqués dans les deux paragraphes suivants, tant sur le plan physique que moral. Ainsi se glorifie le travail par l’homme du métier.
I.Mainguy souligne ce que nous avons déjà vu précédemment, la désarticulation du travail. Qui devient : « Une mission professionnelle », terme employé dans les sociétés d’Intérim. Même si les intérimaires sont parfois qualifiés, ils effectuent des missions de remplacement, ce sont je dirais souvent des bouches trous. I. Mainguy écrit : « Les salariés sont de plus en plus considérés comme interchangeables alors que des savoir-faire, et des qualifications précises, basées sur un apprentissage, et une expérience vécue, sont valorisées et inscrits dans la durée par l’expérience acquise. Le fait de le dénier génère la précarité, la dépersonnalisation et l’exclusion. » La preuve quelqu’un qui se présente pour un emploi avec un CV relatant de multiples et courtes missions, ne se valorise pas.
Pour apporter de l’eau au moulin de cette réflexion, j’ouvre une parenthèse avec trois exemples. (Le premier qui m’a été rapporté par un ami proche ingénieur dans le nucléaire, concepteur et constructeur de centrales, anecdote qui pourrait être transposée à tout autre métier. Il m’indiquait qu’au gré de politiques différentes sans aucune vision d’avenir, on a détruit les savoirs, la formation, la compétence et donc l’expérience des ingénieurs, des techniciens, des ouvriers spécialisés dans la filière du nucléaire, allant jusqu’à fermer les écoles de formation dont les élèves travaillaient en étroite relation avec les constructeurs à l’œuvre. Si bien qu’aujourd’hui nous avons perdu notre compétence autrefois reconnue dans ce domaine dans le monde entier. On voit où un tel gâchis nous as conduit. Nous sommes dans l’incapacité d’entretenir normalement nos centrales et d’en construire d’autres dans les délais habituels. (Je signale que je ne suis pas un inconditionnel du nucléaire.) Autre exemple plus personnel subissant depuis plus de 7 ans une infiltration d’eau dans un logement, après les échecs successifs de recherche de la cause effectués par des « sociétés à mission », par des personnes différentes à chaque fois, pseudo techniciens spécialisés, chargés d’intervenir le plus rapidement possible et pour une mission facturée au forfait donc rapide. Au bout de 7 et plus enfin un homme du métier expert en bâtiment, ingénieur est intervenu, grâce à sa formation son savoir faire la solution a été trouvée. Las l’affaire n’est pas encore close, il ne faudra pas moins de trois entreprises différentes non coordonnées entre elles pour effectuer les réparations. Le seul peut être le dernier intervenant verra la réalisation définitive du travail, les autres ne seront pas mis au courant du résultat, d’où une perte des savoirs et des expériences, c’est comparable à une tour de Babel.
Autre et dernier exemple : subissant les pannes récurrentes d’un ascenseur, après de multiples interventions de techniciens jamais les mêmes, dont les « missions » devaient être de courtes durées, la panne non résolue à même suscité l’interrogation sur l’opportunité de remplacer l’ascenseur. Puis un homme du métier, d’un âge respectable avec de l’expérience est intervenu pendant un temps plus long et a résolu définitivement le problème, nous n’avons plus de pannes depuis 6 ans ! Ce technicien compétent s’est vu reprocher par sa société d’avoir passé trop de temps sur cette intervention Cqfd.) Avec mes excuses pour cette parenthèse un peu longue.
I.Mainguy, s’interroge sur le fait que la « pratique » du métier, de son métier facilite ou non la connaissance de soi et la réalisation de sa vie. C’est-à-dire se connaître, acquérir des savoirs, comprendre et agir, se transformer, s’améliorer et porter enfin un autre regard sur le monde et les hommes. Si cela est le cas, il est juste alors que nous glorifions le travail, car il ennoblit l’homme, le rend plus digne, plus humain. Ce qui fait dire à I Mainguy : « Tout métier exercé, bien compris, permet de devenir un être accompli dont les paroles et les actes sont en adéquation. » Une réflexion que beaucoup de nos hommes politiques qui se prétendent au service du peuple, de la cité devraient méditer chaque jour, comme le faisait Marc Aurèle (cf Les Pensées pour moi-même.) Ainsi, nous éviterions, les mensonges, les trahisons, les spéculations mercantiles, et tous les maux qui nous accablent et font souffrir notre société, empêchent que « la joie soit dans les cœurs ». Faire son travail, son métier dans un bon esprit. I Mainguy faire en sorte de spiritualiser de sanctifier son métier c’est passer : « Du travail à l’œuvre. » Cela requiert : « Un état d’esprit constructif ». C’est le titre du paragraphe suivant, où elle fait une analogie avec la progression initiatique, scalaire du Franc-maçon qui doit peu à peu apprendre à manier les outils tant sur le plan physique que moral. Elle enchaine avec : « L’utilisation spirituelle des outils », par une série de correspondances mettant en lien les outils et les vertus qu’ils représentent : Niveau= justice, Perpendiculaire= justesse et droiture, Ciseau=discernement, Équerre= équité et droiture etc…
La joie du Franc-maçon, croît de plus en plus quand il avance sur le chemin du travail, quand il comprend la valeur morale de celui-ci, cette joie se transforme en une succession de petits bonheurs quotidiens. Dans le monde profane, la pratique professionnelle individuelle réalisée dans le but de servir la collectivité élève l’homme et c’est ainsi que le travail devient une œuvre, à chacun sa cathédrale. Les grandes œuvres n'ont pu voir le jour que grâce à la solidarité, c’est souvent ce que l’on entend. C’est Léon Bourgeois qui a voulu sacraliser la solidarité, s’apercevant sans doute déjà du déclin de la Fraternité, qui se confirme aujourd’hui dans la société. La solidarité, se pratique le plus souvent entre communautés d’intérêt, elle est en quelque monétarisée, elle prépare la naissance des communautarismes, elle est pour moi, un signal faible, un courant faible de l’humanisme. Alors que la Fraternité est universelle au-delà, au-dessus des communautés et bien sûr des communautarismes.
I Mainguy clôture son essai par un paragraphe en forme d’affirmation : « La glorification du métier est une recherche de perfection ». Elle décrit dans ces derniers propos la correspondance entre le travail opératif et le travail spéculatif. Règles de métier et règles de vie, cette allégeance au travail qui permet de faire grandir notre esprit.
À ceux qui ignorent l’initiation, à ceux qui n’y voient qu’une pratique surannée tombée en désuétude, ceux qui ricanent en se vautrant dans la paresse, dans l’errance spirituelle, ceux qui sont gagnés par l’acédie. La lecture de cet essai, plein d’espérance peu leur donner Force et Courage dans leur vie ici et maintenant.
À ceux qui ne respectent pas toujours les règles, leur rite initiatique, la gestuelle maçonnique elle dit : « Une pratique opérative de réalisation qui correspond à une volonté de se mettre en accord avec les rythmes cosmiques, à l’aide des signes, des tracés géométriques dans l’espace qui s’effectuent selon l’Équerre, le Niveau et la Perpendiculaire, ainsi que les marches, selon la Règle l’Équerre et le Compas. »
Dès qu’il a le genou à terre, le Ciseau et le Maillet entre ses mains, l’apprenti maçon, au premier coup porté sur sa pierre brute prends conscience de l’importance de son travail, de ce travail qui va être le point d’Archimède pour son élévation spirituelle tout au long de son chemin initiatique. Sans en avoir encore pleinement conscience il est déjà frappé les trois premiers coups à la porte de son cœur. Il entrain de passé du travail à l’œuvre.
Jean-François Guerry.
À SUIVRE : En fin ! le Post-Scriptum de Jean Dumonteil le Directeur de la Rédaction des Cahiers de l’Alliance.
À LIRE : Le douzième CAHIER DE L’ALLIANCE – Du travail à l’œuvre. Éditions Numérilivre. www.numerilivre.
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