De la fraternité à la solidarité Part VI.
Selon Levinas, la fraternité n’est en rien une question importante pour soi. « Car la fraternité excède toute réciprocité ou égalité ». Ce qui est le propre de la solidarité. C’est ce qui constitue par excellence son éminence et son irréductible à la persévérance des étants dans leur être. La fraternité est la dignité de l’être, comme manière de se tenir dans la trace de l’infini. La fraternité nous assigne à une responsabilité pour autrui, je suis définitivement le gardien de mon frère. Elle précède et surplombe ainsi le sens et les engagements de la liberté. Sa place dans la devise républicaine devrait donc être avant la liberté et l’égalité, puisque rattaché au commandement tu ne tueras point. « Elle témoigne de la bonté du bien au-delà de l’être en « dénudant » sous le mois de chacun, non pas comme un point commun, mais un point d’extrême vulnérabilité à la souffrance d’autrui, du frère donc, un point d’où sourd, sans se tarir, l’exigence de la responsabilité pour lui. » (E Levinas) Le travail de la fraternité nous apparaît comme le passage du Je au Nous. Acte de solidarité, mais est-ce assez fort pour parler de fraternité ? Levinas écrit « le ‘tu’ se pose devant ‘nous’. Être nous, ce n’est pas se bousculer ou se côtoyer autour d’une tâche commune », où nous serions solidaires, « la présence du visage l’infini de l’Autre est dénuement, présence du tiers entre parenthèses c’est-à-dire de toute humanité qui nous regarde). Plus loin il précise : « que tous les hommes soient frères ne s'explique pas par leur ressemblance, ni par une cause commune dont il serait l’effet comme des médailles qui renvoie au même coin qui les a frappées. » d’où provient ce mystère de la fraternité ? « C’est ma responsabilité en face d’un visage me regardant comme absolument étranger et l’épiphanie du visage… Qui constitue le fait originel de la fraternité. » nous en arrivons sur les traces de la pensée de Levinas, à penser, la fraternité, autrement que par les ressemblances entre les êtres humains, l’idée du genre humain regroupant les diverses familles. La fraternité de Levinas est plus individuelle, responsable, unique, singulière au-delà d’une communauté de genre. La fraternité n’est pas symétrie mais asymétrie elle est plus exigeante que la solidarité. « Autrui qui me domine dans sa transcendance est aussi l’étranger la veuve et l’orphelin envers qui je suis obligé. » Sans succomber dans un trop facile syncrétisme. Je constate que la franc-maçonnerie nous oblige à voler au secours c’est-à-dire à nous élever, pour aller vers la veuve et l’orphelin. Cette veuve-t-on nous sommes aussi les enfants. Enfin le stade ultime de l’initiation maçonnique, le nec plus ultra nous commande d’aller seul dans le monde comme un soldat de l’universel. D’aller vers l’autre, plein d’une fraternité comme séparé de notre ‘je’ et de notre ‘moi’ pour passer au ‘tu’ et au ‘nous’. Si l’on s’en réfère à ce qui a pu apparaître comme une fraternité collective lors des événements de 2001 à New-York et 2015 à Paris, ce n’était en fait qu’une solidarité contre les intégrismes et les fanatismes. Même Edgar Morin quand il nous propose des appels à la fraternité, nous indique la direction, le sens, pour l’atteindre alors que Levinas la place déjà au sommet de la montagne. La fraternité ne saurait être que des appels constants sans faits. Catherine Chalier spécialiste de Levinas illustre bien cette prépondérance de la fraternité dans notre devise républicaine quand elle écrit : « qu’est-ce que l’égalité qui n’est pas rachetée par la fraternité, sinon une nouvelle forme d’oppression ? Et qu’est-ce que la liberté, si elle induit la fortune autour de soi et s’accommode de l’indifférence au sort d’autrui, sinon l’alibi de la violence ? » En définitive la fraternité relève plus de la philosophie première, de la métaphysique que des sciences humaines et sociales. La science croit plus à la solidarité, plus concrète plus palpable, plus probable dirait Cicéron l’humaniste. La fraternité reste un mystère, elle a un lien avec l’originel. Nous avons sans doute souhaité associer la fraternité à la liberté et l’égalité pour donner un supplément d’âme à notre devise républicaine, ambition réduite au minimum au regard de ce qu’est réellement la fraternité. La fraternité est une véritable épreuve pour l’homme, puisqu’elle est amour inconditionnel et infini de l’autre. Épreuve parce qu’elle suppose que l’on doive aimer l’autre sans même le connaître, sans même se retrancher devant l’alibi de sa méconnaissance, de l’ignorance. Levinas ira encore plus loin avec son altérité préconisant la fraternité sans l’obligation d’humanité, qui induit sans amour une tolérance méprisante. Je vais conclure ces réflexions sur la fraternité et la solidarité qui laissent encore en suspension plus de questions que de réponses, je suppose pour vous comme pour moi.
Je conclus donc par un message d'espérance universelle auquel je crois encore, naïvement sans doute : qu’un jour tous les hommes seront frères. Comment y parvenir me direz-vous en reprenant peut-être les mots du poète Pindare (518 av. J.-C. 4 38 av. J.-C.) « Deviens ce que tu es, … quand tu l’auras appris. » plus fraternel.
Jean-François Guerry.
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