SAGESSE ANTIQUE POUR MIEUX VIVRE – PART -XXII- PARADOXE OU PAS
« Le christianisme est une religion doloriste, mais le paradoxe de cette religion doloriste, c’est qu’elle promeut la souffrance au nom d’un bonheur à venir. »
Pierre Vesperini Historien, Philosophe chargé de recherche au CNRS. Extrait d’entretien Magazine Sciences Humaines.
On a coutume de dire et de penser que le christianisme a fait un ‘rapt’ sur les valeurs et les idées du Miracle grec qui contiennent une maïeutique de formation de l’homme et des exercices d’applications des vertus, pour constituer un art de vivre, ou au moins de mieux vivre. Comment et pourquoi ce ‘rapt’ a-t-il obtenu un succès universel ?
Peut-être en rendant accessible au plus grand nombre la philosophie grecque et romaine, qui était un ensemble d’exercices spirituels réservé à une élite.
Les pensées de la philosophie antique, comme l’humanisme des lumières ouvrent une voie d’accès au bonheur en mettant fin à la souffrance, elles sont promesses de bonheur « Hic et Nunc » (ici et maintenant) pour la philosophie antique sans pour autant garantir la possibilité d’un au-delà, alors pourquoi attendre pour être heureux, si cela est possible tout de suite en menant une juste, bonne, sage en maitrisant ses passions et en pratiquant partout le bien, être le plus vertueux possible dans notre vie. Ainsi tous les hommes seraient Frères et la vie harmonieuse. Force est de constater que cela est difficile, l’homme ambitieux à besoin d’horizon, mais aussi de sacré, de plus grand que lui, il vit dans l’angoisse de la mort ; dont il a la certitude depuis son âge de raison. L’homme a besoin de plus, encore un jour, encore une nuit, juste un instant d’éternité. L’homme veut s’éterniser, vanité, égocentrisme, espérance vaine ! Nous savons que nous sommes mortels, c’est une certitude même si certains ont la tentation de se prendre pour des Dieux ou des demi-dieux, c’est folie ! Est-ce l’espérance ou la prise de conscience d’une parcelle de divinité présente en nous, enfouie dans notre mémoire, et dont nous espérons le retour. Parcelle dont la religion nous permettrait la révélation et l’espérance d’un monde meilleur, d’une plénitude dans l’au-delà. Ou alors cette minuscule étoile de lumière se met elle à nous illuminer quand nous pratiquons ici, tout de suite le bien, la charité c’est-à-dire l’amour de l’autre, des autres. Ce monde n’est pas parfait, nous le savons, faut-il croire au « Génie du Christianisme » comme Chateaubriand défenseur de la Sagesse et de la beauté de la religion en contrepoint de la philosophie des lumières ? Le génie de la religion, c’est de nous « vendre » un monde meilleur dans l’au-delà, dans le monde d’après, de nous vendre l’espérance de l’éternité. Comment par le don de soi, à l’exemple du prophète Jésus le plus humble de tous qui ira au-delà du don jusqu’au sacrifice de son corps pour tenter de mettre fin à la souffrance du monde, la religion nous demande de suivre son exemple. La récompense étant la fin de la souffrance engendrée par les excès de nos passions. C’est là que réside le paradoxe de cette religion doloriste ou non, car elle fait de la souffrance seulement un passage, vers un monde meilleur, à venir. Ces épreuves initiatiques de purification et de transformations au fur et mesure de leurs pratiques éclairent le chemin vers la spiritualité. Alors à nous de prendre le pari ou pas.
Blaise Pascal penseur de l’universel, mais aussi penseur, a voulu faire de la religion, une philosophie raisonnable avec son célèbre pari. Il a été un philosophe existentialiste précurseur de Kierkegaard, Heidegger et même Sartre.
Revenons à l’antiquité, il fallait à l’empire romain, pour asseoir sa suprématie sur tous ces sujets en faire des citoyens de Rome, une religion qui rassemble. L’empire hésita entre le mithraïsme et le christianisme, le mithraïsme ne fût pas choisi sans doute trop élitiste et ésotérique. Même Marc Aurèle qui persécuta les premiers chrétiens dans l’intérêt de l’empire, au nom du même intérêt leur rendit grâce et la religion chrétienne s’installa à Rome et dans l’empire comme religion officielle. Avec cette consécration le christianisme engloba la métaphysique mais aussi l’ensemble des sciences et des connaissances. Ce qui engendra un état de tension permanente, les dogmes et les progrès scientifiques ne font pas toujours bon ménage. Galilée et Giordano Bruno en firent les frais. La Renaissance, puis les lumières inversèrent le cours des pensées. L’homme replacé au centre, fût amener à penser par lui-même, se défaire des dogmes et de l’obscurantisme religieux. En quelque sorte les paroles d’évangiles de Marc, Mathieu et Luc furent appliquées : « Rendant à César, ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. » Ce ne fût bien sûr pas aussi simple il fallut attendre 1905 pour la sécularisation de l’État.
L’homme en revenant au centre, s’affirmait comme Maître de lui-même, il se plaçait entre l’équerre de la Raison et le Compas de l’ouverture d’esprit. L’homme n’abandonnait pas pour autant ses préoccupations métaphysiques et spirituelles symbolisées par le Volume de la Loi Sacrée dont les textes parfois différents sont porteurs de valeurs spirituelles communes universelles. Il n’y a donc à mon sens pas de distorsion entre la Raison et la Foi, comme il y a symboliquement une intrication entre les trois grandes lumières l’équerre, le compas et le volume de la loi sacrée. La Foi et la Raison sont toutes deux portées sur les ailes de l’espérance. Comme la spiritualité n’est pas uniquement religieuse ou laïque, elle est simplement universelle.
C’est peut-être le Miracle de la Franc-maçonnerie qui respecte les deux avec ses devises Deus meumque jus et Liberté, Égalité, Fraternité, ainsi elle encourage, guide et soutient les hommes de bonne volonté.
Jean-François Guerry