L’IMPOSSIBILITÉ D’ÊTRE SOI ? Part I-
On peut donc considérer que s’accomplir c’est parvenir à la pleine expression de ce qu’il y a la fois de plus universel et de plus singulier en nous.
Inès Weber – Être soi- Une quête essentielle au service du monde.
Comment « Être soi » dans une société mondialisée et normalisée jusqu’à l’outrance ? Comme nous l’avons déjà esquissé il reste dans notre monde quelques havres de paix et sérénité, les loges maçonniques en font partie.
La mondialisation de l’économie a atteint aussi les pensées, les cultures, les traditions, il faut lisser, normaliser, les choses, la nature, et les êtres. Il est de bon ton sous couvert de l’Universel de renier les différences entre les cultures pour les intégrer dans un moule commun. Au plus haut sommet de l’état on s’ingénie à l’assimilation totale des individus, sous couvert d’une pseudo intégration et de la lutte contre les communautarismes en les confondant avec les communautés. L’illusion qu’il y aurait une culture unique toujours sous prétexte de l’universel, niant les singularités. Pour ma part je pense que le singulier et le pluriel forme ensemble l’universel. Si l’on peut concevoir l’existence d’une Tradition Primordiale, elle est le sommet de la pyramide des traditions particulières, chaque tradition à sa place dans une religion universelle. La force de l’homme est sa singularité, son unicité unique, chacun son esprit et son âme. Le rassemblement, l’union des contraires, n’est pas la dissolution de ceux-ci, mais la fraternité du partage du vivre ensemble avec nos différences dans une tolérance sans compromission. S’il y a une chaîne universelle même d’Or pur, elle est constituée de plusieurs maillons différents. En résumé, refuser ou niveler les différences sous le prétexte d’une normalisation heureuse nécessaire à notre sécurité est en fait une agression à notre liberté de vivre et de penser.
Le travail spirituel qui élève l’homme est d’abord individuel. Mais ne société semble vouloir entraver cette élévation spirituelle, s’opposer à notre volonté « d’être soi », nous masquant la réalité sous les apparences et le conformisme. Est reconnu seul celui qui fait du buzz, qui est célèbre, elle surprise quand une femme ou un homme sort du rang soit fait preuve de sagesse contre ses intérêts, soit vient au secours des autres sans contrepartie ; en s’opposant à une agression physique comme notre Frère Arnaud Beltrame par exemple dans le cadre de son métier ou encore récemment comme le jeune Henry diplômé de philosophie et de management à Annecy qui s’est opposé au tueur tentant d’assassiner des jeunes enfants, il passait par là, par hasard faisant le tour de France des cathédrales, nous l’élevons au rang des héros alors que lui a considérer que porter secours était son devoir. Alors que les hommes ordinaires sont sommés de respecter la norme c’est-à-dire de prévenir la police, les autres surtout de ne pas s’interposer. On pourrait parler aussi de la passivité des hommes normaux qui ne bougent pas quand une femme est harcelée et même agressée. Ces hommes passifs sont conformes à la norme, pourtant une autre norme nous dit qu’il faut porter assistance à toute personne en danger !
Il faut être comme tout le monde, nous dit encore Inès Weber, le conformisme tue le processus d’individuation dans l’œuf, craignant de ne pas être dans la normalité, d’être désuni, voire rejeté par son groupe socioprofessionnel l’homme normé soufre et s’isole dans un ersatz de réalité, ses seuls amis sont ceux des réseaux sociaux, il a peur d’être reconnu comme différend. Plus le processus s’accélère, s’amplifie, moins, l’homme s’élève grâce à sa liberté spirituelle, il en vient à sous- estimer sa force individuelle intérieure.
Si l’on observe l’évolution du monde et de la pensée, on ne peut que constater que la philosophie, la vraie philosophie telle quelle était dans l’antiquité c’est-à-dire Theoria et Praxis, à céder la place à des cours magistraux de philosophie dispensés par des professeurs de philosophie à des élèves voulant eux-mêmes faire le métier de professeurs de philosophie. Mais qu’il n’y a presque plus de philosophes c’est-à-dire d’hommes à la recherche de la sagesse et qui pratiquent ce qu’ils enseignent. On observe aussi, que les religions en particulier celle du livre se sécularisent de plus en plus, que les fidèles désertent les églises, que la moyenne d’âge des fidèles est de plus en plus élevée, il suffit de regarder une sortie de messe un dimanche pour les chrétiens par exemple. La société se déspiritualise, se désacralise et laisse place aux intégrismes, pire si j’ose dire en contrepoids elle ne s’humanise pas. Il semble que le fait d’avoir combattu les dogmes et l’obscurantisme n’a pas aboutit à une évolution spirituelle parallèle de l’homme. Après la philosophie antique, le rapt des religions sur la spiritualité, les lumières sensées mettre l’homme au centre de l’univers, le libérer, ont été les prémisses des sciences humaines, de la compréhension de la psychologie humaine, puis la technique s’est amplifiée face à l’intelligence humaine, quelle veut remplacer maintenant par l’intelligence artificielle et le transhumanisme. André Malraux se serait-il hélas trompé en affirmant que le XXIème siècle serait spirituel. Inès Weber observe en creux, que les vertus fondamentales qu’elles soient cardinales, théologales, ou plus petites pratiquées dans l’antiquité sont remplacées par cette hubris que craignait tant les grecs, que la raison même céderait la place à une mains invisible derrière laquelle se cache « la loi des marchés ». Nous sommes passés de la barbarie du « Je » au « Nous » spirituel, religieux, humaniste au « On » qui est la doxa des marchés de l’économie que l’on doit respecter pour être dans la norme, les hommes pour la loi des marchés, sont devenus des chiffres, des statistiques, des normes. Ainsi, l’on parle de valeurs, en référence sans doute au CAC 40 ou au NASDAQ 100 et non pas de Valeurs morales ou de Vertus. Nous refusons parfois sans en être conscient « d’Être soi ». Nous sommes absorbés par les préjugés, les prêts à penser, et en guise de remède on nous propose des Kits de bien-être. Comme le dit Inès Weber : « Ne pourrions-nous pas aller jusqu’à parler comme Heidegger de dictature du On ? » Notre addiction au On, nous plonge nous dans une vérité spoliée, qui s’impose comme une indispensable sécurité. Comment sortir de cet engrenage social, activer par la carotte matérialiste et le bâton de la liberté sécurité, transformant tout en utilité. En qualité de Franc-maçon, il nous faut replacer la spiritualité et l’humanisme au centre de notre vie, apprendre les savoirs dans le but de rechercher la Connaissance, faire appel à notre imagination, pratiquer les vertus pour s’élever spirituellement c’est notre devoir. Nous devons nous affranchir de cette pathologie de la normalité et des dogmes qui nous culpabilise, nous fait souffrir. Comment en exploitant mieux et tout le temps notre potentiel spirituel humain qui est infini. C’est la voie de l’individuation de Carl Gustav Jung que nous suggère Inès Weber : « Cette voie de l’individuation signifie : tendre à devenir un être réellement individuel et dans la mesure où nous entendons par individualité la forme de notre unicité la plus intime, notre unicité dernière et irrévocable, il s’agit de la réalisation de son soi, dans ce qu’il y a de plus rebelle à toute comparaison. » (1)
N'est-ce pas aussi quelque part la voie de l’initiation maçonnique, devenir soi, intimement soi, irrévocablement soi. N’est-ce pas concrétiser son soi, son être intérieur, par un travail scalaire d’élévation spirituelle, en s’initiant chaque jour un peu plus, même si c’est peu. Sachant que nous ne sommes pas seuls dans cette démarche, que nos Sœurs et nos Frères nous tendent la main. Ce processus de spiritualisation est aussi un processus d’humanisation, car l’on a compris qu’on ne nait pas femme ou homme mais que l’on devient femme ou homme par la réalisation de son soi.
Jean-François Guerry.
(1)- Inès Weber- Être soi- Page 67.
À SUIVRE…
Il y a ...10 ans (!), je publiai cette réflexion, et je la complète aujourd'hui en maintenant tous les commentaires antérieurs, car il m'apparait que dans tous les domaines, du microcosme au macrocosme, tout semble se dérégler, rien ne va plus...certains en resteront sur le domaine qui leur est cher, la politique, l'humanisme, etc...mais mon propos se veut beaucoup plus large et universel.
Nous assistons actuellement, partout et dans tous les domaines, à une véritable déstructuration. Jour après jour et parfois même heure après heure nous apprenons, nous voyons les dégâts causés par cela tant au point de vue individuel que collectif, du microcosme au macrocosme. Car cela touche aussi bien nos petites personnes que le monde entier.
Point n’est besoin de revenir sur des détails, chacun peut le constater autour de soi, quand ce n’est pas en soi, chacun peut le constater partout par la mondialisation des informations.
Ces dérèglements touchent bien des domaines, que ce soit la santé, la vie sociale, politique et économique, les religions, tout, dans les personnes et dans toutes les structures.
Cette déstructuration apparaît systématique, et cela sans toujours être voulue ni sollicitée ; on pourrait considérer que ce sont les faits ordinaires de la vie et de ses aléas, mais non. Il s’agit toujours d’évènements extra-ordinaires, souvent non prévisibles.
Tout ce qui est construit sur du sable, donc sur une illusion (la Maya de l'Inde, quoique ce terme recouvre bien d'autres choses), parfois permanente certes, mais cependant une illusion, s’écroule ; ce qui est construit sur des rochers reste dans son universalité. Peut-être trouvons-nous là un effet de l’opposition entre l’être et le paraître alors qu’ils devraient être complémentaires, être ce sont les rochers, et paraître, le sable. Que seraient devenues les pyramides d’Egypte si elles avaient été construites uniquement avec du stuc, sur le sable ?
Chaque jour, je constate en différents domaines, que beaucoup de gens vivent dans le paraître, le matérialisme et l'éphémère ; cela est parfois caché, il faut une grande habitude ou de la persévérance pour gratter le vernis et découvrir la vérité. Parfois le ramage se rapporte au plumage et ces gens-là se présentent en phénix.Ils vivent, pensent, s'expriment, partagent par procuration, pour leur image vue par les autres. Cela va même parfois plus loin et on découvre alors (nouvelle notion psychologique) que cela peut aller jusqu'au pervers narcissique (http://www.perversnarcissique.com/test-pervers-narcissique/) mais cela seulement dans les cas extrêmes ! Bien sûr on ne peut éliminer totalement le paraître, on ne peut tuer complètement l'égo (car selon la déclaration des Droits de l'Homme tous les Hommes naissent égos...). Et ce paraitre est forcément superficiel et matérialiste...cela permet d'occuper le terrain et et d'essayer de tromper les autres.
Il en est de même pour des informations souvent mondialisées à la vitesse de la lumière, avec la complicité des réseaux des cas sociaux, elles sont dans l'instant et, hélas, souvent incomplètes ou erronées. Des nouvelles sont assénées par les médias et qund elles peuvent apparitre fausses, elles sont démenties en petits caractères ou même pas du tout...
Nous pourrions discourir sur ces notions pendant des heures, d’ailleurs cela a déjà été l’objet de longues discussions philosophiques, parfois très passionnées et passionnantes. On nous parle même d'Apocalypse, rappelons que ce mot à l'origine sous entend une naissance, une renaissance ?
On pourrait même, à l’image du dualisme cher à la pensée Cathare (et autres) réfléchir que déjà en l’Etre est généré le non-Être, tout comme en la matière se trouve l’anti-matière…mais cela n’est qu’une indication, car de telles réflexions pourraient nous emmener très loin.