Jean-François Guerry.
Développements maçonniques de l’eschatologie
Si l’on force le trait, nous pourrions considérer que le fait maçonnique, celui que nous sommes capables de mettre en branle à tout moment, fait de bienveillance, de recul, d’humilité et d’action raisonnée, ce fait pourrait être dans l’absolu l’effet immédiat d’une sorte, excusez le terme, d’« Apocalypse permanente », dans laquelle l’homme de bien inviterait les oppositions qui germent en lui à se colleter à s’agréger, avec l’objectif espéré d’instaurer un équilibre constant et régulier. Dans la réalité, je crois que les deux testaments et l’Apocalypse réalisent subtilement les orientations que nous prenons en permanence afin d’avancer. Dans cet esprit-là, le sacrificiel, dominant l’Ancien Testament, qui tend à cloisonner, séparer et distinguer et la miséricorde, dominant le Nouveau Testament qui tend à réunir, à globaliser et à fondre ne seraient rien sans l’instant où ces deux versants peuvent se colleter s’apprécier, et finalement exister l’un par rapport à l’autre Et finalement, pourquoi le dernier, dans cette lutte ontologique apparaît-il comme quelque chose d’à la fois pugnace, mystérieux et irréversible ? Pour plusieurs raisons : sur le plan moral tout d’abord, où il convient mieux d’une façon générale d’être en tête que d’être en queue. La position de l’Apocalypse de Jean de Patmos, situé à la fin de la Bible, concourt grandement à cette impression de fin, alors que l’on pourrait plutôt y voir l’existence d’un sas entre lesdits deux testaments. Le discours néotestamentaire, même s’il prétend tordre le cou à la dictature du rang, a beau jeu de surfer sur cette préséance sémantique que porte le dernier par rapport au premier. Car retourner les choses n’est pas les modifier : ce à quoi fait allusion le Christ porte plus sur une notion où la relativité serait maîtresse : inverser les termes n’est pas en bousculer le sens et la portée. Retourner le sens premier d’une phrase ne permet aucunement d’en dissiper l’impact : tout au plus une morale quelque peu simpliste permet au cherchant de ne pas s’y perdre. Ce qui est évident, c’est que l’homme ne peut concevoir la réalité supposée de ce qui l’entoure qu’au travers d’une perception binaire de choses : La raison désigne à cet égard étymologiquement ce repère, cette mesure, ce rapport.
/image%2F1752520%2F20231130%2Fob_ddf7d1_unknown-1.jpeg)
Or il faut avoir à l’esprit que tout ce qui est intelligible dans ce bas monde, l’est sous forme de repères par rapport à un milieu : par exemple, lorsque nous regardons une chose quelconque, celle-ci n’est visible parce que nous la distinguons de son environnement. L’intelligibilité de toutes choses est ainsi annexée à l’impérieuse obligation de considérer lesdites choses deux par deux : or l’eschatologie est un abord qui, à la fois souscrit, dans son mécanisme, à cette logique binaire, car il est le dialogue avec le dernier, mais en même temps il travaille le segment spatiotemporel qui meuble cet intervalle entre le maintenant et le dernier. La puissance de cette liaison symbolique tient dans la disparité du premier et du dernier Ce qui transforme sera la prise en compte progressive des éléments contradictoires et conflictuels qui naissent de cette disparité. Un peu comme le symbole de la R+C, prendre conscience des extrémités affranchit le cœur, et en retour prendre conscience du cœur libère du même coup les extrémités.
Il s’agit ici au contraire de mêler en temps réel le temps présent à celui supposé d’une extrémité : toute la nuance réside dans la façon de synthétiser ces deux valeurs : il ressort de ce mécanisme que le Temps du Parfait Maçon n’est pas seulement le temps réel et maintenant, apprécié par la vive conscience de l’immédiat. C’est aussi la perception simultanée de ce que je suis, de ce que je fais, de ce que je sens, de ce que je pense, avec la frontière, la limite de cette appréhension des choses. En effet, la simple prise en compte morale, intellectuelle ou intuitive d’une borne suppose que l’on en a dépassé le stade, ou tout du moins qu’on en a circonscrit l’obstacle. Le C+RC doit donc être capable de 3 choses : considérer le moment présent, intégrer dans ce moment présent ce que l’on pourrait qualifier de fin, et le Temps du Parfait Maçon. Pourtant, l’énoncé qu’en fait Jean de Patmos est plus nuancé, car n’appelant le monde et l’Univers qu’à une destruction partielle : une partie de l’humanité survivra de toute façon.
Il faut voir dans ce reste non pas l’ultime « bonté » d’un mécanisme dévastateur, qui plairait d’emblée à celui qui a cessé de vouloir comprendre, mais plutôt l’impérieuse obligation pour l’esprit de se ménager une sortie, synonyme de survivance. Ce mécanisme qui conduit à la nouvelle occurrence est fatalement douloureux, car remettant en cause une forme d’acquis avec laquelle on devra forcément composer, car tout sacrifice appelle à terme à une forme de miséricorde, qui n’est pas une bonté gratuite, mais la seule façon pour l’humain de continuer à exister. Le qualificatif de dernier le rend dépendant de l’autre, qui est tout sauf dernier, mais qui est relié malgré tout à celui-ci. Le dernier est une valeur graduée, sériée, consubstantielle, inhérente, qui possède donc les mêmes valeurs que celui qui discourt.
Mais en même temps le dernier l’est par rapport à nous, impliquant donc l’application d’un repère, d’un lien et d’une frontière circonscrivant, et donc mettant le doigt sur notre relation à ce dernier. L’eschatologie devrait pourtant apparaître a priori comme quelque chose d’agréable, de positif, en ce sens qu’en s’appuyant en permanence sur une fin supposée, elle mettrait le doigt sur l’instant, sur un temps dont l’existence devrait suffire à générer du contentement. La puissance du mécanisme eschatologique permet néanmoins de créer une tension bénéfique entre soi, et une fin supposée, afin de mettre le doigt sur ici et maintenant, avec une force de conviction sans équivalent. L’homme est en effet une entité dont le besoin de liberté est à l’aune de son besoin de cadre, de limites et de repères : l’eschatologie offre les deux volets nécessaires, et pousse à définir ce que l’on est.
Ainsi, je le répète, Il y a dans l’eschatologie une triple notion, celle d’induction, de propagation, et de fin, ou de limite, fussent-elles transitoires. Dit autrement, moi, ma fin, et ce que j’en fais. C’est une façon d’étudier « en creux » le mécanisme de l’existence. Cet espace de développement d’une pensée voit la totalité de son occurrence contractée en un seul élan C’est peut-être pour cela que la vision de Jean de Patmos est à ce point allégorique, voire onirique : peut-être parce que la puissance de sa vision impose à son esprit et aux nôtres des « pare-feux » oblitérant sinon le sens, du moins la violence de la manifestation. C’est comme-ci le rapport au dernier, qui peut être une façon maçonnique d’envisager sa propre position dans un cadre quelconque, était une chose si terrible que seule l’insertion d’une image apocalyptique pourrait en arrondir les contours, en alléger la survenue, tout en maintenant une certaine puissance narrative. Il s’agit ici au contraire de mêler en temps réel le temps présent à celui supposé d’une extrémité : toute la nuance réside dans la façon de synthétiser ces 2 valeurs : il ressort de ce mécanisme que le Temps du Parfait Maçon n’est pas seulement le temps réel et maintenant, apprécié par la vive conscience de l’immédiat.
Le dernier, c’est une fin qui nous attire dans ses filets, puisque le dernier l’est fatalement par rapport à soi : c’est une contingence particulière qui met dans la balance la totalité de ce que l’on connaît, puisque son avènement induit la disparition totale, jusqu’à celui-là même qui s’en est approché. C’est ce qui fait de nous des êtres supportant leur existence, car enfin, il est plus facile de se colleter avec une fin supposée, que de vivre éternellement dans un rapport de compréhension limité à notre propre mécanisme voyez comme il est dangereux mentalement de s’approcher de la notion d’infini
/image%2F1752520%2F20231130%2Fob_112762_images-1.jpeg)
Conclusion
Á l’issue de cette petite étude, il apparaît clairement que si l’homme a décidé de fabriquer la fin des temps, c’est par volonté et par besoin de s’accaparer mentalement et philosophiquement un espace et un temps qui de toute façon nous échappe en permanence. Créer une extrémité permet de lui attribuer une garantie de bonne fin, le terme de « bon » étant plus là pour qualifier la réussite du projet eschatologique, que pour qualifier moralement ladite extrémité. L’homme doit se débrouiller avec les outils qui sont à sa disposition, suivant un contexte qui est toujours le même, et qui est celui du binaire : ainsi la fin des temps ne peut être que le résultat d’un combat ontologique lutte entre les deux appréciations de la Vie en général morale, à savoir le Bien et le Mal.
L’ère messianique qui s’en suivra, mais aussi la Parousie, le millénium, et finalement le salut de l’homme, ne passeront que par l’inébranlable foi en une victoire attendue du Bien sur le Mal, mais surtout sur le bénéfice moral que l’homme retirera d’avoir pu se rassurer.
Thierry Didier.
ABONNEZ-VOUS EN DÉPOSANT UNE ADRESSE MAIL DANS LA FENÈTRE S’INSCRIRE A LA NEWSLETTER. (Gratuit)
Pour les Abonnés : Il est possible de recevoir gratuitement les textes des articles au format Word en écrivant à l’adresse suivante :
Info : le blog respecte la loi RGPD
www.lafrancmaconnerieaucoeur.com
DÉSABONNEMENT SUR SIMPLE DEMANDE SUR LE SITE OU À L’ADRESSE MAIL : courrierlafmaucoeur@gmail.com
Astuce : cliquez sur les images pour les aggrandir.
FAITES CONNAÎTRE LE BLOG À VOS AMIS.