Pourquoi cet impératif d’agir au plus vite, sans attendre ? Rien n’est urgent sauf le secours au prochain dans la détresse, au frère à secourir. En dehors de cela, rien n’est urgent sauf à dire qu’il est urgent de vivre pleinement le présent, sereinement. Car c’est bien notre rapport au temps, à la vie, à la mort qui se joue dans ces urgences déclarées. N'est-il pas symptomatique que l’embolie de notre système de santé se concentrent aux « Urgences », ces services hospitaliers qui accueillent les angoisses et les malheurs du monde ?
L’urgence est un mot qui sied à notre modernité impatiente. Il y a dans l’urgence une fuite de soi, une précipitation au sens où l’on parle en chimie d’un précipité. On se perd dans l’urgence mais, peut-être, veut-on y oublier l’essentiel ! Cette urgence s’exprime par une boulimie à vouloir tout voir, tout faire comme si la vie réussie consistait à stocker, emmagasiner la plus grande quantité d’impressions – car dans ce cas on n’ose pas parler d’expériences vécues – : les cent lieux qu’il faut avoir visités, les cent livres qu’il faut avoir lus. Illusion consumériste. Règne de la quantité.
L’urgence est généralement grégaire, un emballement collectif, le plus souvent velléitaire. Nous choisissons nos urgences comme les sorties de secours de toutes nos angoisses. Vite, avant qu’il ne soit trop tard. Quel est ce trop tard ? C’est d’oublier de vivre. Simplement, pleinement, en discernant l’essentiel, àl’écoute du monde.