Sur la deuxième page de garde de la Revue de la Grande Loge de France : Points de Vue Initiatiques qui est en vente libre, l’on peut lire un extrait du chapitre I de la constitution de la Grande Loge de France – La Franc-Maçonnerie est un ordre initiatique traditionnel et universel fondé sur le fraternité. Elle constitue une alliance d’hommes libres et de bonnes mœurs, de toutes origines, de toutes nationalités et de toutes croyances.
Dans la recherche constante de la vérité et de la justice, les francs-maçons n’acceptent aucune entrave et ne s’assignent aucune limite. Ils respectent la pensée d’autrui et sa libre expression. Ils recherchent la conciliation des contraires et veulent unir les hommes dans la pratique d’une morale universelle et dans le respect de la personnalité de chacun.
C’est à la Lumière de ces mots que le frère Philippe Jouvert nous offre ce travail.
JF.
« La F.°. M.°. N’impose aucune limite à la recherche de la Vérité » (Et c’est pour garantir à tous cette liberté qu’elle exige de tous la tolérance) », et c’est pour ce noble et ambitieux dessein que « je suis en chemin »…
MAIS Attention…ne pas se méprendre et entendre par « aucune limite » que TOUT est possible…Non bien sûr que non, la torture par exemple pour arracher un aveu est à proscrire avec la dernière énergie…, d’ailleurs « patience et longueur de temps font plus que force ni que rage… »…N’est-ce pas mes BAFF.°. ?
Donc…Je tenterai de vous dire ma Vérité ce soir, mais pas « la Vérité », non pas que je craigne d’être exécuté comme le chante Guy BEART, mais tout simplement parce que je suis en chemin, je la cherche, je la veux de tout mon cœur et de toute mon âme. Un ami m’a dit un jour : « La vérité n’existe pas… », mais s’il avait raison ce serait alors un fieffé menteur, car affirmer qu’une chose n’existe pas (la vérité), revient à mentir, à déclarer qu’elle existe…Ainsi donc j’essaierai de vous dire « ma » vérité, celle qui me construit, celle qui m’indique un chemin mal balisé et sinueux pour avancer et me dresser un jour prochain, pour tenter, en me tordant le cou, d’entrapercevoir le faîte de mon temple où siège l’espérance. D’ailleurs devant l’apparente complexité du sujet, il m’est apparu plus naturel de vous le conter plutôt que de vous le dire…ainsi…
Il était une fois…par une nuit noire, très noire, un homme hagard déambulant, passif, cauchemardant, suivant des traces de pas et de sueur…
Les ténèbres avaient envahi les lieux, les arbres frissonnaient sous la baguette d’un vent hivernal, froid. La forêt toute entière geignait.
L’homme remonte la fermeture éclair de sa parka ; il fait si froid !
Il s’est retourné tout à l’heure, une fois, une seule fois, mais sans rien apercevoir, d’ailleurs qui cherchait il ? Quelle aide opportune ? Il semble si seul !
Une lune pâlichonne troue parfois les cimes des arbres alentour, révélant des strates de brume sale. Il avance à vive allure, cadencée.
Il sait déjà qu’il ne les rattrapera pas, d’ailleurs pour quoi faire ? En plus Ils sont sûrement déjà loin. Il refoule ses larmes. Elles viendront plus tard. Sans doute. « Ils » lui avaient révélé l’existence du livre. Alors Il s’est mis en route à sa recherche. Ils lui avaient dit qu’IL était unique ; qu’il lui révèlerait tout, enfin, presque tout. La température a chuté brutalement. Il voudrait rebrousser chemin tant il redoute sa lecture, et en même temps il a envie de courir pour savoir, vite. La nuit est tombée brutalement. Une nuit d’hiver glacée épaisse qui vous pénètre par tous les pores de la peau. Il distingue à peine le chemin ; un chemin sinueux et boueux. Tout semble calme alentour hormis ce vent qui bruyamment glapit à fendre l’âme jusqu’à faire vaciller la plus profonde résolution.
Il est seul au milieu de la nuit guettant un signe, un indice une réponse.
Au cadran de sa montre il est déjà minuit 30. Au fait combien de temps cela fait-t-il qu’il marche ? Cinq, dix heures peut être davantage, peut être depuis des jours, des années… ?
Il sait confusément qu’il ne s’en retournera pas. C’est un voyage sans retour. En tout cas tant qu’il ne saura pas, tant qu’il n’aura pas assouvi sa curiosité, sa soif de savoir, enfin, alors il ne s’en retournera pas. Qu’importe le temps, le froid, la faim qui le tenaille à présent et ce sentiment d’une insondable solitude qui l’oppresse sur le chemin. Non Il ne renoncera pas.
Il doit trouver rapidement un refuge pour y passer la nuit, chasser les ténèbres, se restaurer, dormir, ou en tout cas se reposer, ne plus penser quelques heures, oublier le livre et ce qu’il renferme, fermer les yeux et tenter d’écarter ce sentiment d’impuissance, d’abattement, qui freine son impossible quête.
La vue d’un possible refuge se découpe à la croisée d’un chemin, tout proche ; il s’agit d’une maisonnée du toit de laquelle s’échappe une fumée prometteuse. C’est une très vieille bâtisse ; tout en bois, défraîchie, vermoulue, et cependant resplendissante ; mémoire du temps jadis, et gardienne des lieux. Tout semble à l’abandon alentour ; jardin envahit d’herbes et de plantes sauvages, véranda effondrée…Le temps a fait son œuvre ; il a signé son forfait avec outrance, tout n’est plus que désolation, mémoire déchiquetée, absence…
Il s’élance à grand pas vers l’entrée salvatrice.
Il frappe à coups répétés la lourde porte de chêne.
Un vieil homme vient lui ouvrir. Il sourit. Il ne prononce aucun mot mais s’efface pour le laisser entrer. Il lui désigne une table où s’entasse pèle mêle, pain, charcuterie, fromages et vin. Le voyageur reste interdit fixant avec une certaine avidité la table si bien garnie. Il fait un pas, puis un second, et fini par s’attabler comme son hôte l’y avait invité.
Le vieil homme qui le fixe avec un regard doux et bienveillant parle enfin. Il lui apprend qu’il l’attendait. Qu’il est en retard, mais, n’est-ce pas, ajoute-t-il, « le temps ne compte pas. Le temps ne suspend pas son vol, ni les heures propices leurs cours, comme le déclarait l’illustre poète. C’est déplorable, vraiment, mais c’est ainsi ! Il faut du temps pour que la maturité fasse son œuvre, et l’amour est le maître mot. Il détermine et enracine nos choix. Il rend, au fil du temps, le cherchant plus fort et conquérant, pour de nobles desseins et de justes causes. Tout passe par la générosité, la justesse, et la maîtrise de nos sentiments. C’est un lent processus en perpétuel accomplissement, visant la perfection, et c’est cela « de la bonne gouvernance » pour que s’accomplissent nos destins, et que finalement (et symboliquement) nous devenions « Maîtres » de nos vies ».
Il lui dit encore qu’il a écrit la première des mille et une étapes du livre. Qu’il trouvera, jour après jour, des portes qui s’ouvriront, pour le restaurer, pour sustenter son corps et son esprit pour le nourrir d’un idéal salvateur et glorieux. Il lui apprend également que le livre est inachevé, qu’il en écrirait lui-même les plus belles pages à la condition qu’il persévère, qu’il en sera toujours ainsi, que la fin est sans fin.
Le voyageur est resté coi. Il dîne goulûment, puis, rassasié, s’apprête à sortir pour se remettre en chemin. Mais le vieil homme lui barre la route et lui indique une couche où il pourra se reposer. Puis il prend congé de son invité.
Le sommeil ne viendra pas cette nuit. Il repense aux paroles du vieil homme. Il est dans le livre, il en a déjà écrit la première page, d’autres viendront... Qu’est-ce que tout cela signifie, et où, puis jusqu’où aller ?
Le lendemain matin il ne trouve pas le vieil homme à son réveil. Mais une courte lettre ainsi rédigée.
« Bonjour mon cher ami. J’espère que la nuit fut réparatrice, dans toute l’acception du terme. Restaurez-vous à nouveau. Puis reprenez votre route. Sans hâte. Apprenez à écouter et à voir, le chemin est tout autant devant vous que derrière vous, en haut en en bas. Il n’y a pas d’itinéraire privilégié sinon celui que vous dictera votre cœur. Sachez l’écouter. Apprenez et restituez l’enseignement que vous aurez reçu, alors un jour prochain, qui est encore loin, on vous qualifiera de sage, ou mieux encore d’homme VRAI. Votre ami V…… »
Il se remit alors en chemin, l’esprit plus alerte, la démarche plus assurée, et, tandis que les questions se bousculent encore, si nombreuses, si dérangeantes parfois, il sent quand même, imperceptiblement, que sa résolution toute neuve, si soudaine qu’il ne parvient pas encore à la définir ni même à la nommer, a chassé une partie de ses doutes, il entreprend alors de raisonner, de faire preuve de discernement. Il commence par retracer les quarante premières années de sa vie, les personnes qu’il a connues, aimées, haïes, blessées, les pays qu’il a foulés, ainsi que toutes les occasions qu’il a manquées, et bientôt, à force de penser, à force de se maudire, se profile un dessein, une issue, un possible destin.
Il a ralenti son pas, et prend conscience des beautés qui l’entourent. Un soleil, encore timide favorise sa progression, et l’espoir affleure, enfin. Il s’imagine alors touchant au cœur de la raison inavouée de ce cheminement, à savoir la mise en œuvre et en forme de sa vie sociale, ignorant encore que s’engage une autre quête toute spirituelle, éternelle, qui le laissera, plus tard, beaucoup plus tard, frustré mais heureux. Il comprendra demain, plus tard, quand il sera prêt, les paroles du vieil homme, à savoir qu’il vivra encore plusieurs centaines de fois ces instants rédempteurs, lumineux, cette « résurrection » toujours recommencée, toujours inachevée, relayée par les maillons d’une chaîne immense ; elle garantira la tangibilité de sa quête, celle d’un universel bonheur ; elle lui dévoilera maints secrets, elle les réinventera, et les justifiera ; le doute subsistera bien sûr, mais, ce faisant, il se rapprochera de son parachèvement…Cependant le chemin est long, sans fin, à l’instar de l’incommensurable cosmos ; en plus il est parsemé d’embûches et de larmes, le défi est immense, mais la victoire ,en Vérité, est si belle…
Nous naissons, grandissons, et pour la plupart, nous épanouissons, au moins au sens des vérités qu’on nous a inculquées, dans un parfait anonymat. Nous nous fondons dans une masse d’individus soumis aux mêmes rites, aux mêmes règles du fameux « vivre ensemble », tout semble si juste et si parfait dans cet univers aseptisé qui nous sert de chaudron...Nos miroirs sont impuissants à nous dévoiler le tréfonds de notre âme, à nous révéler notre part de Vérité, d’authenticité, tout ce qui s’agite, ou devrait s’agiter, à l’intérieur, sous les couches soigneusement étalées de notre pudeur sociale.
Nos loges peuvent alors servir de révélateur. Elles peuvent réveiller le bâtisseur qui sommeille en chacun de nous, et le tirer vers la surface, le révéler à lui-même, lui apprendre, pour qu’il le décline à l’infini, à tous les modes et toutes les modes, le verbe penser, jusqu’à lui faire oublier l’autre verbe panser qu’il déclinait si souvent avant, quand il se sentait blessé, rejeté, haï, ou tout simplement oublié. Alors l’homme vrai pourra naître ; il sera en capacité de secouer ce monde endormi ; la vigilance restera de mise et le combat est permanent parce que tapi dans la pénombre de nos âmes, l’indignité sommeille… Je nous vois comme des ambassadeurs, les pionniers d’une nouvelle race d’hommes et de femmes qui aiment la vie, passionnément, et qui veulent humblement et patiemment partager cet amour-là jusqu’à l’avènement de la raison.
« En guise d’illustration de ce conte»
Le Voyage Véritable
Je veux partir ce soir vers où partent les rêves
Un ailleurs savoureux, de nouveaux paysages
Pour oublier l’histoire et ses mauvais présages
Et toutes ces années d’attente sur la grève.
Je voudrais d’autres yeux pour cerner l’univers,
Que l’on m’en prête cent, que l’on m’en prête mille,
Que je découvre ainsi, attentif et docile,
Des horizons nouveaux et la fin de l’hiver.
Ainsi donc je saurai l’infini de l’amour,
Je pourrai entrevoir sous la lumière des jours
Des trésors de piété pour me mettre debout ;
Le temps fera son œuvre, lentement, sûrement,
Afin que l’édifice aux contours encore flous,
S’érige un jour prochain sous le clair firmament.
« En guise d’astérisque dans la marge de notre livre pour ne pas oublier ceux qui sont restés en chemin las d’attendre une main secourable et à la manière de Sully Prud’homme»
Le cri perdu
Quelqu'un m’est apparu, très loin, dans le passé,
C'était un ouvrier des hautes pyramides
Adolescent perdu dans ces foules timide
qu'écrasait le granit, pour Chéops entassé.
Or ses genoux tremblaient, il pliait harassé
sous la pierre, surcroît au poids des cieux torrides
L'effort gonflait son front et le creusait de rides
Il cria tout à coup comme un arbre cassé,
Ce cri fit frémir l'air, ébranla l'éther sombre
Monta puis atteignit les étoiles sans nombre
Où l'astrologue lit les jeux tristes du sort
Il monte, il va, cherchant les dieux et la justice
Et depuis trois mille ans sous l'énorme bâtisse
Dans sa gloire, Chéops inaltérable dort"
Sully PRUD'HOMME
Par Philippe JOUVERT.
Avec l'aimable autorisation de l'auteur.