L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET LE POUVOIR DE DIRE NON.
L’intelligence artificielle est selon moi, un pur produit de la dictature de la technologie, c’est la force de l’imagination asservie au service de la science et potentiellement l’impossibilité de dire Non !
C’est à la renaissance que commence l’aventure si j’ose dire, Léonard de Vinci pose la première pierre de l’intelligence artificielle, l’artiste imaginatif avant d’être un homme des sciences, touché par le sens de l’universel, nous a légués plus que le sourire immortel de Mona Lisa, sa Joconde, il a imaginé de libérer l’homme grâce à la machine, plus loin, plus haut de le faire rêver. Son codex Leicester, particulièrement éclectique donne une idée des ses investigations en particulier de ses études sur l’anatomie du corps humain, son homme de Vitruve, il espérait sans doute pénétrer les mystères du cerveau.
Il fut pour Jules Verne un précurseur, un autre artiste qui a imaginé des voyages insolites, en particulier celui « au centre de la terre », puis celui sur la lune qui devient pour lui une source d’imagination, d’inspiration infinie, cet homme-là, comme Léonard de Vinci, allia la poésie à ses connaissances, et aux progrès techniques, il a sans doute eu une sorte de fascination pour les machines. Que cherchait-il au centre de la terre, la porte d’entrée cachée vers lui-même ? Etait-il franc-maçon, les avis divergent, il est certain qu’à certaines périodes de sa vie, il a fréquenté des francs-maçons sans doute comme beaucoup de ses contemporains, il a eu également des comportements et des idées proches de la franc-maçonnerie.
Un autre artiste actuellement s’intéresse à l’intelligence artificielle héritière des lointaines machines imaginées par Vinci et Verne, il s’agit de Ian Cheng, lui aussi semble fasciné par les robots, on peut voir ses œuvres à l’exposition « Au diapason du monde » en ce moment à la fondation Vuitton à Paris. Robots, automates, réalité virtuelle, intelligence artificielle, ces artistes évoquent la possibilité de donner du sens à ces réalisations, plus fort encore ils pensent que l’intelligence artificielle pourrait produire du sens.
Ian Cheng dit à propos de son robot : « Bob est limité par ses croyances, mais en même temps, il peut précisément tirer du sens des choses, à cause de ses limites. A peu près, comme nous humains. » (Article du Journal le Monde du 11/08/18 L’intelligence artificielle selon Ian Cheng.)
Ian Cheng voit dans ces performances de la machine qui pourrait bientôt « croire des choses pour nous » une augmentation de notre liberté, nous pourrions à travers cette machine choisir nos mondes et nos croyances !
Je ne peux pas manquer de rapprocher cette vision idyllique optimiste, de l’intelligence artificielle de l’article paru le même jour également dans le journal Le Monde du philosophe Vincent Delecroix, sous le titre : « Dire Non ! Est un mouvement vital. »
Article inspiré par son dernier livre : Non ! De l’esprit de révolte. (Autrement -288 Pages)
Notre philosophe met à mal partiellement nos certitudes concernant le connaît-toi toi-même, formule inscrite au fronton du temple de Delphes, chère aux francs-maçons, il précise l’importance du soi par rapport au moi. Il regrette la récupération commerciale, marchande de cette maxime, par les vendeurs de bien-être bradé à la sauvette. Le toi écrase l’individu et méprise le soi. Il y a un malentendu à propos de cette formule, notre philosophe souligne que pour Épictète et Sénèque être soi est d’abord une exigence éthique.
Je dirais en tant que franc-maçon que plutôt que de discourir du bien, c’est au pied du mur que l’on voit les vrais maçons, c’est donc par le travail sur soi et l’exemplarité que l’on peut s’accomplir et transmettre.
Le siècle des lumières si vanté encore de nos jours sous prétexte de nous libérer de l’obscurantisme a livré notre soi, notre individualité au progrès et aux technologies, l’homme s’est matérialisé de plus en plus en oubliant le sens du sacré. Il y a eu comme une marchandisation, une uniformisation de notre soi, qui sous prétexte de libérer notre individualité, nous ne nous en donné qu’un masque, qui se traduit par une forme d’élitisme, propice si l’on n’y prend garde au développement d’un ego surdimensionné. Sous quel prétexte par exemple celui qui ne veut pas manipuler l’informatique serait un sous-homme ?
La volonté de devenir soi-même grâce à la méthode initiatique maçonnique, ne doit pas se réduire si j’ose dire à une forme capacité intellectuelle à comprendre une société de l’uniformité, ou à gravir les barreaux d’une échelle de spirituelle, sans avoir la force, le courage, de redescendre, de reprendre sa juste place dans le cosmos, en toute humilité et de porter un message d’amour fraternel à ses sœurs et frères en particulier et aux hommes en général. Il faut avoir la force de redescendre pour être un, mais un parmi les autres, dépouillé du moi, là est la véritable révélation.
Vincent Delecroix dit : « Et si le courage d’être soi vise le salut de l’âme, alors il commence par cette évidence, on ne se sauve pas tout seul. »
Cette constatation va bien aux hommes et aux francs-maçons en particulier, qui apprennent dans les loges, qu’ils sont à la fois un et multiples, que seuls sans le secours de leurs frères, ils ne peuvent rien faire. L’horizontalité précède la verticalité, nous ne sommes pas seuls au monde.
Vincent Delecroix nous encourage à dire non, à prendre du recul, de la distance, voire à pratiquer l’ironie, cela bouscule nos manières de concevoir notre perfectionnement, c’est peut-être un chemin singulier, pour être vrai, être soi, pour juger par soi-même. Il nous incite en quelque sorte à faire un pas de côté en compagnon, à parcourir le monde, à réaliser notre chef-d’œuvre seul, à « penser par soi-même » pour être, réapprendre à dire Non ! Avant de revenir au centre humblement parmi les autres.
Il me semble que l’on est loin de l’intelligence artificielle, et vous qu’en pensez-vous ?
JF.
NOTES : Ian Cheng est un artiste contemporain Américain. Il est connu pour ses simulations en direct ses « Écosystèmes virtuels ». Il explore la nature des mutations et du comportement humain.
Vincent Delecroix est un philosophe Français, écrivain Diplômé de l’ENS, agrégé de philosophie spécialiste de Soeren Kierkegard. Il enseigne la philosophie de la religion. Il a été honoré du Grand Prix de Littérature de l’Académie Française en 2009.