LES PLANCHES DU TEMPLE
Il faut des milliers de planches, taillées dans l’arbre de vie, l’arbre cosmique, pour faire un temple. Il paraît d’ailleurs que la franc-maçonnerie avant d’être celle de la pierre, fût celle du bois, dans lequel Noé tailla son arche, des fendeurs remplissent toujours les forêts, ils communient avec la nature ces pourfendeurs du vice, leurs planches sont parfois trop longues, ou trop courtes, mais elles trouvent toujours une place dans l’édifice qui monte vers le ciel. Toutes ces planches, grincent parfois, mais elles chantent aussi, je sens qu’elles vont bientôt reverdir, elles bourgeonnent déjà, l’arbre de vie pousse à nouveau, nous allons pouvoir y tailler un bâton pour partir sur le chemin de la sagesse.
Philippe nous invite à un voyage sur sa planche, sur ses planches.
JF.
Le salut de la Planche
La planche que j’ai l’honneur de vous présenter ce soir …»
Et c’est parti ! Pour 20, 15 …non 10 minutes au plus…Au pire ?
La diction est lente, mal assurée, hésitante…l’émotion domine chez le déclamant il a les yeux rivés sur ses feuillets qu’il triture nerveusement…un, deux jours, des heures de lecture, de réflexion, d’extractions, et de rédaction, et puis ce soir c’est le grand oral…alors on est plus très sûr de la qualité de son travail, on oublie un peu qu’ici on ne juge pas ! on est seul, dramatiquement seul, et les mots résonnent dans le temple, creux, comme un soufflé raté, ça monte péniblement, et ça redescend à une vitesse vertigineuse…on craint de passer à côté du sujet, casser, briser l’Egrégore, cette succession d’instants magiques, intenses, que notre rituel ordonne, cette harmonie parfaite, symbiose des lieux et des cœurs, ce sens du Sacré qui ne se décrète point, et qui, à n’y prendre garde, peut disparaître, s’envoler subitement, comme ça, à cause peut être d’une fichue Planche, mal faite, mal dite ; s’il s’agissait d ‘un texte mal su dans une mauvaise pièce de théâtre, on s’exposerait, à tous les coups, aux critiques, sifflements, quolibets…la honte quoi ! Mais nous ne sommes pas au théâtre, quoiqu’on veuille toucher, interpeller un auditoire, encore muet, encore clément…auront ils la patience d’attendre, d’entendre, la fin ? L’attention des FF. sera-t-elle soutenue jusqu’au bout ? Comment, si ce n’est déjà fait, par quel artifice, capter, saisir l’attention, mieux que ces peu louables intentions, les « dodelinements » de la tête, les doigts songeurs sur le front ou les lèvres, une esquisse de sourire, un œil qu’on frotte énergiquement comme pour rappeler, au bien cher F qui s’époumone là-haut que l’on suit, que l’on est attentif, mais il ne faudrait pas que ça dure encore trop longtemps … « …J’ai dit V.M. et V.T.M.FF. en V.G. et Q. »…
Ca y est …ouf ! C’est fini ! Allons-y pour les enrichissements maintenant, voyons à côté de quoi je suis passé…
Qui d’entre nous mes FF n’a connu telle frayeur, telle angoisse ? Peur complètement irrationnelle, surtout en ces lieux, mais peur de ne pas plaire, d’être jugé …
Alors quand arrive le tour d’un autre, repensons à notre propre panique, et écoutons, observons et écoutons !
Oui ! écoutons ! ! car on n’écoute même plus ce que racontent les yeux de nos anciens, de ceux qui, las d’entendre pour la cent et unième fois le même couplet d’architecture, font encore semblant (grâce leur soit rendue pour leur patience), posant encore et toujours les mêmes questions, se satisfaisant de réponses partielles, enrichissant parfois (enrichissant encore ! !), et tandis que leurs regards disent non, leurs lèvres prononcent quand même (car « tout travail mérite salaire » ? !) remerciements et congratulations. Ces anciens pour qui, à n’en pas douter, ces tenues, quelque fois trop longues, sont un havre, une planche de salut, un immense réconfort qui les rive encore à la proue de leurs rêves autrefois enfiévrés, autrefois si palpables, si vrais, si authentiques !…La fièvre est tombée, l’horizon n’est plus loin, un horizon comme une fin, comme un renoncement, comme un autre départ ; las de rêves de conquêtes, ils ne réclament plus qu’un peu de chaleur, un peu d’amour, le sentiment fragile de leur appartenance à cette communauté d’hommes éclairés .
Et nous ne sommes ni référence, ni indifférence ! …
Peut-être, mais alors peut être seulement, chacun à notre manière, quelques fois, un outil, un révélateur, le découvreur d’un point de rouille sur la chaîne, d’un point de gêne dans le cœur, un point de haine qu’il faut frotter, astiquer, jusqu’à ce qu’il disparaisse.
Mais disparaîtra-t-il jamais si nous restons muets, si nous nous complaisons, si nous nous enfermons dans notre Temple pareil à la tour d’ivoire de la fable ?
de la fable ?
L’autocritique, l’autodérision n’est-t-elle pas un autre chemin, une voie possible pour poursuivre notre idéal ? Pour ne pas nous renier ? Ne pas nous trahir nous-même ? Et rester …lucides et finalement attentifs ?
Ne sommes-nous pas tous des FF Hospitaliers chargés de veiller et d’éveiller ?
Au tréfonds de nos cœurs l’étincelle brille-t-elle encore ?
Si, comme j’en suis sûr, la réponse est OUI, alors hâtons-nous un peu, alors ouvrons la chaîne résignés à élever nos actes au niveau de nos vœux …
Est-ce présomptueux ? Pouvons-nous toujours, sans se voir accoler l’étiquette de donneur de leçons ou de « fichu râleur », dire notre esquisse de vérité ? Car c’est réclamer aussi des réponses… car c’est chercher encore, et c’est polir un peu.
J’attends donc mes FF le feu nourri de vos éclaircissements, de vos enrichissements ; fébrilement j’attends ; dites-moi, et au-delà des mots, apprenez-moi, pour que je restitue, et pour que j’entreprenne.
Je n’ai pas tout dit, pas encore, et je l’espère jamais, mais j’ai dit V.M. et V.T.M.FF. en V.G. et Q. ! ! !
Philippe Jouvert.
Avec l'aimable autorisation de l'auteur.
" Il m'est difficile de vous narrer ma passion, il faut simplement la vivre de tout son coeur. J'ai commencer à sculpter à l'âge de quatre, cinq ans, le bois d'abord, puis la pierre à l'âge de douze ans, et depuis, j'éprouve toujours le même bonheur à la création. Chaque étincelle de départ provoque une aventure, une histoire à vivre intensément, et si on se sent seul au tout début, on ne le reste pas longtemps. Le bloc, inerte au départ, devient vite une présence; un dialogue naît peu à peu entre nous deux jusqu'à ce mot "au revoir". L'oeuvre a grandi, elle peut vivre par elle-même et n'a plus besoin de vous. C'est à la fois une grande joie et un pincement au coeur. Ainsi va la vie..."