LA FIN DU BANQUET
La postmodernité célèbre la fin du banquet, de ce banquet de Platon où chacun s’assemble autour de la table fraternelle pour aller de son discours sur l’amour, sur toutes les formes d’amour. Aujourd’hui les repas consacrés aux affaires fraternelles sont remplacés par des vidéos conférence au mieux, au pire par quelques mails.
On ne se réunit plus on se désunit, les lumières qui jaillissaient de la confrontation des esprits, ont été abolies au profit du culte du Dieu numérique.
On ne partage plus le pain nourriture spirituelle qui fait notre force, ni le vin symbole de la connaissance qui élève notre esprit, au mieux l’on se transmet une clé USB, au pire un fichier. La mémoire vive, brute remplace la mémoire humaine, la transmission se fait sans partage.
Les lumières qui devaient libérer l’homme de l’obscurantisme par leurs excès, leurs soumissions aux techniques et aux sciences et la relégation de la spiritualité à la croyance, nous ont plongés dans une autre soumission, une dépendance, une addiction aux robots.
La main, la voix sont devenues virtuelles, crée et gérées par des algorithmes.
On a bien plus que l’on est, l’on devient aussi totalement transparent en livrant gratuitement nos données personnelles, intimes, pour bénéficier de l’improbable sécurité d’un risque zéro, l’exemplarité même se négocie sur le marché des GAFAM.
Marc Dugain dans son dernier roman de 2019 Transparence, édité chez Gallimard a écrit :
« La confusion entre l’être et l’avoir nous a confrontés au cours des années à des individus qui avaient de plus en plus tout en étant de moins en moins (…) Être pour avoir sans rien faire est devenu le triptyque de la révolution numérique qui a succédé sans difficulté au fameux travail-famille-patrie ou liberté-égalité-fraternité. »
Nous avons perdu à la fois le symbole et le sens profond du banquet fraternel, le sens de la nouvelle alliance, celle de l’amour entre les hommes au-delà de la raison. Il ne nous en reste qu’une forme dégradée : la mièvrerie du vivre ensemble ! Cette mièvrerie artificiellement, hypocritement entretenue par une morale sociale de plus en plus contraignante suppléante à notre absence de responsabilité et d’exemplarité, diluées par la montée de notre individualisme et notre incapacité à l’amour d’autrui.
Nous renonçons de plus en plus à nos libertés, issues des lumières.
Avant les lumières nous étions soumis aux dogmes religieux et à d’obscurs despotes, aujourd’hui ils sont remplacés par le Dieu numérique et ses élites hors de contrôle. C’est sans doute pourquoi, les agapes maçonniques qui suivent les travaux, et symbolisent l’amour Agapae, restent un temps précieux indispensable, de rencontre de l’autre, un lieu ou le triangle, esprit âme et cœur est bien vivant, un lieu d’amour fraternel quand l’obscurité de la nuit envahit le monde.
Jean-François.