TRAVAIL DE L’INCONSCIENT
Le travail de l’inconscient est une pratique sur la voie initiatique, pour essayer d’accéder à un état de conscience plus élevé. Quand on parle d’inconscient l’on pense immédiatement à Carl Gustav Jung et l’on met en rapport sa théorie de l’individuation avec l’initiation maçonnique.
Jung a eu un rapport intéressant avec les arts, son « Musée Imaginaire », selon Christian Gaillard un des spécialistes de Jung, est un parcours passionné à la recherche des connaissances de toutes les traditions, qu’il a misent en correspondance avec « toutes les chambres de son esprit ».
Ce psychanalyste des profondeurs, s’est promené dans tous les arts de l’antiquité, des arts primitifs, des traditions orientales, des arts chrétiens, à l’alchimie occidentale, avec le regard d’un analyste et la pratique d’un clinicien, faisant des expériences sur lui-même.
Il a revisité tous ces héritages, sans préjugés, ni limites. Cela a donné une forme originale de fécondité à son esprit, un élan renouvelé à ses recherches sur l’homme, une modernité appuyée sur les traditions. En se gardant de tout syncrétisme, assimilation mélange, conservant son jugement propre, il y a des parallèles qui ne se rejoignent pas, mais il y aussi des cercles qui partent d’un même point et qui ont un centre commun.
L’orthodoxie familiale traditionnaliste de la mère de Jung ne laissait pas pourtant présager cette ouverture d’esprit. Ce chercheur parfois rebelle au monde moderne, fût en même temps un aventurier au sens propre par ses nombreux voyages et au sens figuré par l’ouverture du compas de son esprit.
Curieux des mœurs, des langues, qui lui étaient étrangères, déchiffreurs des manuscrits parfois inconnus et insolites, comme certains manuscrits alchimiques, recherches sans doute guidées par son intériorité profonde. C’est souvent sur lui-même qu’il expérimentait ses recherches, conscient de la force de l’intuition et de la sienne en particulier.
Homme décrit comme ayant une double face, tel un Janus. Voltaire était bien présent dans sa bibliothèque et en même temps à l’entrée de sa demeure l’on pouvait lire l’adage d’Érasme :
« VOCATUS ATQUE NON VOCATUS, DEUS ADERIT. » (Qu’on l’appelle ou non Dieu sera là.) Cela nous rappelle l’oracle de Delphes.
Jung homme des lumières extérieures et de la lumière intérieure, réalise ainsi en lui une totalité de l’être.
Son approche des arts, témoigne à la fois de son intérêt pour l’alchimie, mais aussi de son désir de faire trace.
Adepte du religere, non pas du religare des pères de l’Église, de ce religere de Cicéron, c’est-à-dire du cueillir, réfléchir et considérer, c’est son côté scientifique qui a mon sens apparaît dans son choix étymologique. Mais en même temps une recherche de sacralité. Unifier les deux termes c’est résister à l’altérité absolue, comme le fit Saint-Augustin. Jung est dans la recherche d’un chemin extérieur qui mène à l’intérieur.
Jung s’ouvre ainsi aux Mythes, aux Archétypes de l’antiquité, il s’intéresse à la vie des symboles, mais avec son regard d’analyste.
Grand voyageur, en Inde alors qu’il était à Bombay il resta dans le bateau, il a écrit dans Ma vie :
« Tellement subjugué par mes impressions de voyage, je ne descendis pas à terre à Bombay et me plongeais dans mes textes alchimiques latins.. »
Il précisera plus tard :
« Cependant les Indes ne sont pas restés sans laisser en moi des traces, au contraire, elles en ont laissé qui vont d’un infini vers un autre infini. »
J’avoue avoir moi-même ressenti de telles choses lors de mes voyages en Inde, dans l’Inde hors des chemins trop balisés, mais aussi en Amérique centrale au Guatemala près des temples Mayas par exemple.
Nous sommes fortement impressionnés par des cultures, des arts qui nous sont inconnus, mais aussi proches à la fois car ils véhiculent des concepts communs à ceux dont nous sommes imprégnés. Il y a comme une remontée de notre mémoire profonde, c’est sans doute ce que Jung appelle l’inconscient collectif. L’on peut alors se sentir chez soi à des milliers de kilomètres de notre environnement habituel.
On touche là à l’universel, comme si nous avions participé il y a longtemps à ces constructions mythiques. C’est un bien commun de l’humanité que nous partageons. L’empathie naît alors avec les gardiens locaux de ces traditions mères ou filles peu importe, elles sont de la famille.
Mais d’un autre côté le presque pareil demeure nous rappelant nos traditions plus intimes, plus proches, c’est pourquoi on hésite à mettre le pied-à-terre, descendre de notre bateau, les marins savent qu’ils ont un port d’attache. C’est dans ce port qu’ils ont construit leur temple intérieur.
Si l’expérience de Jung enrichit notre inconscient collectif par la découverte de celui-ci dans les régions inconnues de notre esprit. Elle révèle aussi que celui-ci est indissociable de notre inconscient particulier, les deux renforçant notre conscience du particulier à l’universel.
C’est cette impression qui fait que nous ne sommes des étrangers nulle part, si nous pouvons nous connaître nous-mêmes, nous connaissons les autres.
Jean-François Guerry.
PS : Après tout ce ne sont sans doute que des divagations intellectuelles, mais je ressens cela, c’est tout.
NOTE ÉDITEUR
La psychanalyse, depuis ses origines, est fascinée par l'Art. L'interprétation des oeuvres, les réflexions sur la vie des artistes et sur les processus de création lui donnent l'occasion de renouveler son approche des formes mises en jeu par le travail inconscient.
Si les textes de Sigmund Freud sur la peinture sont bien connus, en revanche, les rapports passionnants de Carl Gustav Jung avec l'Art restent à découvrir.
Des arts de l'Antiquité aux traditions orientales, des arts et rites primitifs à la création contemporaine, des arts chrétiens à l'alchimie occidentale, Jung s'est retrouvé aux prises avec un héritage qu'il a revisité sans cesse pour en retrouver l'élan le plus vrai et en éprouver la fécondité pour le monde moderne.
A la suite de toutes les oeuvres marquantes qui permettent de retracer ce parcours impressionnant, des réalisations de Jung lui-même sont reproduites dans cet ouvrage. C'est, en effet, une de ses originalités que de s'être livré au dessin, à la peinture et à la sculpture dans le secret de sa bibliothèque ou dans le jardin de sa maison de Bollingen, au bord du lac de Zurich.
Le musée imaginaire de Carl Gustav Jung, fait de découvertes inattendues et de retrouvailles intimes, est un livre indispensable pour comprendre la dynamique même de l'oeuvre de ce pionnier de la psychanalyse.