C’EST LE PARADIS….
Le grand projet de la ‘Divine Comédie’ de Dante, ce n’est pas l’Enfer, ni le Purgatoire, mais le Paradis, dernière partie de ce triptyque, sommet du triangle, finalité de cette trinité. Ce Paradis rêve du retour à l’harmonie première au jardin d’Eden. Retrouvailles de Dante avec sa bien-aimée Béatrice qui a rejoint l’Orient éternel.
Le Paradis est la danse des flammes, il est éblouissant de lumière, c’est la réalisation de son chef-d’œuvre. Le Purgatoire a servi de pont pour la descente de la Jérusalem céleste, venue écraser la Jérusalem terrestre, l’arbre de vie domine les ruines. On peut voir dans cette Comédie en trois actes la délivrance de l’âme qui était prisonnière de l’ignorance et de l’erreur, pour parvenir à la Vérité, jusqu’au troisième ciel. Au moyen des vertus théologales, alors qu’au Purgatoire il était question des vertus cardinales.
Mais le chemin est encore long pour parvenir jusqu’à la couronne de la montagne, Dante passe à travers les sept ciels des planètes, arrivé au septième ciel ! Il est au ciel des étoiles, puis le ciel cristallin qui régit, ordonne tous les ciels et tourne dans l’ultime et dixième ciel, le ciel qui est hors de la matière, qui est pure lumière.
On peut parler d’un véritable élan, puis essor mystique et initiatique, c’est un vol comparable à celui de la huppe du Cantique des Oiseaux. Ce voyage paradisiaque qui n’est pas sans danger, car qui peut si ce n’est l’homme orgueilleux prétendre affronter sans crainte la grande lumière, intense et éternelle. Sans avoir auparavant fait le parcours long et parsemé d’embuches, d’épreuves. Le Paradis ou son apparence est parfois insupportable à la nature humaine.
Digression : cela me rappelle un voyage en Autriche, j’étais passé par la Suisse qui faisait déjà transition dans la rigueur, la propreté et l’ordre, comparée à notre douce France. L’arrivée en Autriche surtout dans les montagnes m’a laissé, une impression de pureté à la fois belle et dérangeante. Une beauté monotone des paysages, associée à la rigueur des habitants. Une netteté en toutes choses, engendrant paradoxalement un manque d’humanité. La perfection devient parfois tellement angoissante, qu’elle retient jusqu’aux sourires. Cette immersion dans des eaux trop pures est presque irréelle. Il faut s’habituer, se métamorphoser pour entrer au Paradis. Je ressens aussi cette émotion à l’écoute d’une musique cristalline trop pure, comme une sorte de tristesse du beau. La naissance de ce monde a-t-elle eut lieu à Hallstatt le berceau des Celtes.
Fin de digression, le Paradis de Dante est initiation aux vertus théologales que sont la foi, l’espérance et la charité. L’alchimie est présente dans cette initiation avec les trois saints : Pierre de l’église exotérique, Jacques le patron de la voie alchimique et Jean celui de l’église ésotérique.
La lumière traverse le corps de l’homme et le transforme elle atteint son cœur et son âme. C’est une progression du terrestre au céleste, du profane au sacré, des ténèbres à la lumière, cette route vers le Paradis de Dante est une véritable cosmologie Céleste, un voyage dans la nuit lumineuse des étoiles. Nous chevauchons des constellations, nous sommes imprégnés de lumière, émerveillés, nous sommes dans une sorte d’allégresse, c’est comme le premier vol d’un jeune oiseau sorti de son nid, une découverte sans mémoire, on n’avait jamais vu quelque chose d’aussi beau, tout soudain est Paradis, il n’y a plus d’Enfer ou de Purgatoire.
Nous n’avions pas la mémoire de telles merveilles ou cette mémoire était cachée dans notre inconscient personnel, et elle a été révélée par l’inconscient collectif. Jacqueline Risset la traductrice de la ‘Divine Comédie’ a écrit à ce sujet :
« On peut comprendre le ‘Paradis’ et toute la Comédie comme un Art de la Mémoire composé sur le modèle de ceux qu’à décrit Frances Yates : comme une grande transposition spatiale des peines et des récompenses destinées a fixer dans l’esprit des mortels le différents modes de leur sort futur (….) Dante en écrivant la Comédie, fait œuvre utile, et la mémoire est pour lui faculté de l’âme, est non seulement l’ensemble des traces, des expériences passées, elle est aussi le dépôt pour l’inspiration, la réserve d’images sur laquelle l’imagination s’exerce.»
Digression ou pas : cela me rappelle le travail remarquable sur l’Art de la mémoire dans la fondation de la Franc-Maçonnerie spéculative réalisé par Charles-Bernard Jameux, voir ses deux livres L’Art de la Mémoire et la formation du symbolisme maçonnique et Franc-Maçonnerie : temps, mémoire, symboles, les deux parus cher Dervy Éditions.
Fin de digression ou pas, la lumière du Paradis n’est accessible que de manière indirecte par le symbolisme des images, cela rappelle la méthode maçonnique du symbolisme, de la découverte du sacré, derrière les secrets. Des idées derrière les symboles, la mise en contact de l’initié dans sa loge mère, celle qui le nourrit spirituellement, avec la représentation des symboles qui agissent sur son imagination, véritable maïeutique, discours entre les symboles et l’imagination du postulant à la connaissance.
Le poème de Dante est comme un vase rempli d’images symboliques, un récipient spirituel, il agit comme un guide vers la lumière. À l’instar du tableau de loge dévoilé, du bas vers le haut, des marches de l’entrée de la loge, jusqu’au delta lumineux. Ce tableau est comme le lait maternel de la loge mère donné au jeune initié qui a soif et faim. Suivant l’injonction : donnez à boire à ceux qui ont soif ! Et donnez à manger à ceux qui ont faim, le vin de la connaissance et le pain nourriture de l’esprit.
La nourriture du Paradis de Dante, comme dans les meilleurs contes initiatiques est l’amour.
CHANT- I – Le Paradis Extraits
« Dans le ciel qui prend le plus de sa lumière je fus, et vis des choses que ne sait ni ne peut redire qui descend de là-haut ; car en s’approchant de son désir notre intellect va si profond que la mémoire ne peut l’y suivre. Vraiment tout ce du Saint Royaume dont j’ai pu faire trésor dans mon âme sera désormais matière de mon chant. »
(*notes de Jacqueline Risset : qui prend le plus de lumière, l’empyrée, le ciel qui est étymologiquement, le feu)
(* Désir : Dieu est l’ultime désirable.)
Le mot étoile, est le dernier mot du 33ème chant du Paradis comme du Purgatoire et de l’Enfer. C’est la quête de l’inaccessible étoile qui met en marche l’initié au-delà de lui-même, plus loin, plus haut.
Jusqu’au bonheur de dire : j’ai vu l’étoile flamboyante ! Il lui reste à découvrir le secret de ce qui est au centre de l’étoile.
Jean-François Guerry.
Source : La Divine comédie Le Paradis de Dante.
Notes : avec * de Jacqueline Risset traductrice de l’œuvre.
À lire en poche GF FLAMMARION Texte original bilingue traduction de Jacqueline Risset 3 vol au Prix de 10 € chaque Vol.