RECENSION : « Marcher » selon Bernard Rio.
Le dernier livre de Bernard Rio pas encore paru : « Marcher », est comme une marguerite, dont on tourne une à une délicatement les feuilles, qui sont autant de pétales, comme des promesses de découvertes, de chemins qui mènent tous au cœur. Un poème de la marche, un itinéraire initiatique, une ode à la nature, une respiration. À la fois Odyssée gigantesque, et simple sucre d’orge en forme de coquille Saint-Jacques a savouré lentement.
Derrière le verbe Marcher, il y a mille choses. Une généalogie de la marche, une histoire éternelle, universelle, mythique et réelle. La marche a inspiré les philosophes de l’antiquité, jusqu’à nos jours, les poètes, les théosophes chercheurs de sagesse de toutes les traditions.
Bernard Rio grâce à ses connaissances et son expérience de la marche, dans sa Bretagne natale, terre de légendes et dans les autres régions de France nous emmène loin de nos sentiers battus. Ses marches ne doivent rien au hasard, même si elles ressemblent parfois à celles des vagabonds, elles sont autant de pas de côté dans une société de la quantité. Il ne s’agit pas d’un guide pour un tourisme de masse.
Sa marche est avant tout un parcours individuel, silencieux pour un contact, un rapport privilégié avec la nature. C’est une marche thérapeutique comme celle vers la fontaine de Barenton en Brocéliande, dans le carré du temple dont l’eau soigne les plaies du corps et de l’esprit.
La marche est une véritable révélation de l’homme vertical, qui marche tête haute vers les étoiles. Pour Bernard Rio, l’homme de la ville ne marche pas il court, il n’a jamais le temps, le dimanche il marche de la périphérie au centre.
La marche Bretonne de Bernard Rio a l’odeur des crêpes des crêperies aux vitres embuées de son enfance. Elle s’étire parfois dans les villes mais à son allure.
Et puis il y a l’ivresse des grands départs, des grands chemins comme ceux de Stevenson, quand l’homme presse le pas pour échapper aux ténèbres, il est urgent de partir, de se hâter vers le beau. Et puis quand on ne peut pas marcher on écrit, les voyages forment les écrivains. Bernard Rio voit dans la marche une apologie des sens, l’on reçoit la chaleur du soleil, la pureté de l’eau du ciel.
Il y a tout un art de la marche, une mise en scène, une mise en condition de l’esprit. Le silence et la marche vont de pair, la marche est plus une écoute de la nature, que paroles inutiles.
Bernard Rio évoque dans un court paragraphe, l’intrusion de la politique dans la marche, la distanciation entre le centre et la périphérie des ronds points. La foule, n’est pas le peuple. Il est difficile de maîtriser la colère pour qu’elle ne devienne pas violence. La colère en marche n’est pas noire, mais jaune. Bernard Rio refuse d’être dans l’avoir et le ressentiment. Il aspire à la lumière à la liberté de penser par lui-même. Regarder derrière le miroir, se libérer des contraintes, conquérir la liberté de passer, de marcher.
Dans l’épilogue de son livre Marcher – Écrire « Parler beaucoup, c’est peu partir, c’est peu marcher. »
« Marcher c’est d’abord franchir le pas, consacrer son temps à composer avec la nature et approcher sa nature profonde. »
Marcher c’est donc suivre son chemin intérieur, il évoque Henri Vincenot l’auteur du Pape des Escargots, s’arrêter pour regarder un instant l’escargot dont la coquille donne le sens de la giration du monde. Marcher pour être en paix avec soi-même !
Voilà un guide bien particulier que le marcheur peut mettre dans son sac, pour le lire et le relire tout au long de sa marche. Et celui qui ne marche pas, après cette lecture n’aura qu’un désir marcher.
Jean-François Guerry.
Le Livre : « Marcher » selon Bernard Rio – Collection Paradisier – Museo Éditions. En cours de Parution.
Nationalité : France
Biographie :
Spécialiste de l’environnement et du patrimoine, Bernard Rio est l’auteur d’une quarantaine d’ouvrages chez différents éditeurs. Il a notamment contribué à la partie celtique du Dictionnaire critique de l’ésotérisme publié par les PUF sous la direction de l’ethnologue et universitaire Jean Servier. Il collabore aussi à la presse magazine.
Source Babelio Ouest-France.