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la Franc Maçonnerie au Coeur

la Franc Maçonnerie au Coeur

Un blog d'information, de conversations sur le thème de la Franc Maçonnerie, des textes en rapport avec la Franc Maçonnerie, comptes rendus et conseils de lectures.

Publié le
SPINOZA

SPINOZA

SPINOZA : LE PROBLÈME DE LA CONNAISSANCE

 

 

Le problème de la Connaissance est souvent débattu en Franc-Maçonnerie, souvent en opposant le savoir ou les savoirs à la connaissance. Le savoir se décline alors avec un petit s et la connaissance avec un grand C. Ce n’est pas si simple, la recherche intellectuelle, l’acquisition des savoirs, l’effort pour les connaître, ne peuvent être opposés, comme une facilité, une propension a refusé tout travail en loge, toutes les études des traditions, en soumettant à sa seule intuition sa progression initiatique, ce serait une forme d’horizontalité, la spirale ou l’échelle montent toutes deux comme l’encens.

Avant le siècle des Lumières, le peuple était contenu par la religion dans l’obscurantisme religieux. La religion avait opéré un rapt sur le miracle grec, à son profit. De nombreux clercs étaient instruits, ‘savants’, les sciences et les techniques étaient réservées à un cénacle. Dès la renaissance en réalité dès l’extension de l’imprimerie, les idées se diffusent, les sciences se développent.

Les francs-maçons comme tous les autres hommes sortent des ténèbres pour aller vers les lumières du savoir. Ils se libèrent du carcan des dogmes, des certitudes. Si la franc-maçonnerie dans sa forme spéculative et dès sa naissance, rejette les ‘athées stupides’, elle se garde aussi des intégristes religieux, et le mot athée reste inséparable du mot stupide. La franc-maçonnerie  ne renonce pas pour autant à la spiritualité. Elle accompagne, encourage, participe à l’expansion des sciences et des techniques. Le franc-maçon est nourri par la raison, l’intuition, le désir de spiritualité, c’est une spécificité de l’initiation maçonnique.

 

 

Le processus engage la totalité de l’être, ‘il faut réunir ce qui est épars’. Ne pas récuser la raison, les sciences et leur progrès pour peu qu’ils soient au service de l’homme. Il n’y a pas de contradiction entre la science, la philosophie, la religion et la franc-maçonnerie, il n’y a pas non plus de confusion à faire mais plutôt complémentarité, le contraire serait une négation de la tolérance et de l’esprit d’ouverture. Les savoirs ne sont donc pas les ennemis de la Connaissance, de la recherche de spiritualité.

L’initiation maçonnique processus d’élévation spirituelle individuelle dans le cadre d’un collectif, appelle à sortir d’une vision trop sécularisée, trop laïque de la société, elle donne un sens différent à la vie. La franc-maçonnerie ne rejette ni les lumières, ni les techniques comme celles actuelles du numérique, mais refuse de s’y soumettre, elle vise une autre recherche : la réconciliation avec le divin, en mettant plus de sacré dans notre vie et dans la cité, là est l’un de ses secrets. Cette réconciliation doit s’effectuer sans contrainte, de la libre volonté de chacun de ses membres, sans dogmes, en dehors de toutes dictatures fussent-telles pseudo spirituelles.

 

Parvenu au ‘Nec plus ultra’ le franc-maçon redescend humblement, comme un chevalier de l’esprit pour partager la connaissance, pour faire régner la justice, contre toutes les dictatures et les oppressions de toutes sortes. Lutter contre toutes les tyrannies, pour défendre la dignité de l’homme, sa liberté dans la société en recherchant constamment la vérité.

 

C’est sous cet éclairage que je vous propose de relire le deuxième livre de l’Éthique de Spinoza.

Spinoza ne remet pas en cause la faculté de raisonnement de l’homme, qui a bien sûr des idées, des pensées, mais cela ne suffit pas pour Spinoza, à faire de l’homme une substance, une essence indépendante contrairement à ce que pense Descartes toujours avec son cogito ergo sum.

Pour Spinoza seul Dieu a des idées, et l’homme accède en fonction de ses limites consubstantielles à sa qualité d’humain à ses idées des idées de Dieu.

Si pour Descartes, comme pour Platon l’homme est le pilote de son esprit indépendamment de son corps. Pour Spinoza il y a union entre corps et esprit, entre ‘corps et âme’. Dieu, le Grand Architecte, le Principe même, unifie notre corps et notre esprit. Il y a simultanéité, fusion, unification, cristallisation corps esprit, comme la réalisation d’un chef-d’œuvre. Si le corps par sa nature est situé dans un espace- temps limité, les idées de l’esprit, les idées divines elles n’ont pas de limites, elles sont éternelles dans l’entendement divin. Notre désir est alors de rejoindre l’entendement divin, de nous libérer des contraintes de notre corps autant que faire se peut.

 

La Vérité sur la Connaissance de Spinoza :

Il distingue trois genres de connaissance, au travers desquels nous devons progresser pour avoir une idée adéquate de la Connaissance. Il existe donc des idées inadéquates de la Connaissance, ou plutôt je dirais une échelle de la Connaissance. Pour atteindre le sommet de la Connaissance, il nous faut travailler à se libérer des idées inadéquates dont notre conscience est la victime. C’est le chemin vers la Vérité, le chemin du vrai. Il nous faut rechercher, les idées communes, par nature elles seront issues de l’un, pour aller vers le multiple et faire un retour à l’un au principe, au Grand Architecte de l’Univers qui suivant la formule maçonnique : est l’auteur de tout ce qui est.

 

D’où la théorie de Spinoza des trois genres de connaissance et d’un quatrième qui serait l’aboutissement, l’ultime degré.

Sommairement : le premier genre, est celui auquel nous sommes immédiatement, émotionnellement soumis, il est inhérent à notre nature corporelle, ce genre est celui perçut par nos sens. Il est donc constitué par nos sensations personnelles, il est totalement individuel donc subjectif, variable de l’un à l’autre. Cette perception que l’on prend souvent pour certaine, est insuffisante pour appréhender la globalité de la nature qui nous entoure. Personnellement je pense que ce genre de connaissance est indispensable, les sens sont des outils, nous devons nous en servir, mais ils ne doivent pas nous aveugler. C’est un ‘passage’ indispensable. L’étude des cinq sens est proposée au franc-maçon au deuxième degré de sa progression initiatique. L’appropriation de ses sens, la connaissance de ses sens, fait partie de l’étude de son soi, du passage vers la Connaissance et la Vérité, préalable à la connaissance du monde. Le compas de l’esprit est entrelacé avec l’équerre de la matérialité. Mais en réalité le premier genre de la connaissance de Spinoza peut aussi être mis en rapport avec le premier degré de la franc-maçonnerie celui de l’apprenti franc-maçon entièrement plongé dans le vase alchimique de sa loge, au cœur de son introspection. À noter, qu’à ses débuts, la franc-maçonnerie spéculative ne comportait que deux grades, celui d’apprenti et de compagnon.

 

Le deuxième genre de la Connaissance selon Spinoza est un mélange entre le sensible et l’intellect, là on retrouve véritablement le deuxième degré maçonnique, celui de compagnon ; où se mêle, la connaissance des sens, des arts, de la nature, le voyage entre les deux sphères. Mais aussi le début du voyage vers la spiritualité avec le symbole de l’étoile flamboyante et de son centre lumineux, seul symbole du deuxième grade qui diffère des autres symboles qui sont des outils propices à la découverte des seuls petits mystères artisanaux. À noter que le symbole de l’étoile est le symbole central du grade. Mais là encore ce genre de connaissance varie d’un homme à l’autre.

 

Le troisième genre de la Connaissance selon Spinoza, fait appel à la causalité, la déduction d’une idée d’une autre. C’est une logique rationnelle, ce qui fait dire que Spinoza est un philosophe de la rationalité. Sauf que le complément si j’ose dire du troisième genre de Connaissance est une déduction qui naît de l’essence de la chose.  Correspondant à ce qu’elle est dans sa nature.

Nous arrivons là, à la Connaissance de l’essence de Dieu, une forme de félicité de joie par rapport à la tristesse. Un travail de construction dirait le franc-maçon pour passer de la tristesse à la joie.

 

Une maîtrise avec le compas de l’esprit largement ouvert, une joie éternelle de l’esprit, un affaiblissement de la matière temporelle, face à l’esprit d’une joie éternelle, c’est la flamme qui brille constamment à l’Orient, repère du caractère sacré et divin des travaux.

Pour Spinoza, il faut atteindre cette félicité joyeuse, que les francs-maçons appellent de leurs vœux dans l’expression : « Que la joie soit dans les cœurs. »

Gilles Deleuze

On ne peut pas quitter Spinoza sans évoquer les travaux de Gilles Deleuze à son sujet. Pour Deleuze, Spinoza était le ‘Prince des Philosophes’. Il s’est donc penché sur les genres de Connaissance de Spinoza.

Dans la Connaissance du premier genre, Deleuze relie les affects, les passions aux idées inadéquates, aux idées extérieures. Il constate que nous sommes sans cesse soumis à ces perceptions extérieures auxquelles nous réagissons individuellement. Nous sommes soumis aux rapports, aux chocs entre les parties extérieures entre elles, celles qui composent notre propre corps et celles extérieures des autres corps.

Dans son explication du deuxième genre de la Connaissance Deleuze étudie les rapports avec les autres et la composition de ces rapports. Je cite un extrait de son cours:

 

« Là vous atteignez (il s’adresse à ses élèves) un domaine beaucoup plus profond qui est la composition des rapports caractéristiques d’un corps avec les rapports caractéristiques d’un autre corps. Et cette espèce de souplesse  ou de rythme qui fait que quand vous pressentez votre corps, et dès lors votre âme aussi, vous pressentez votre âme ou votre corps , sous le rapport qui se compose le plus directement avec le rapport de l’autre.

Vous sentez bien que c’est un étrange bonheur. Voilà, c’est le second genre de connaissance. »

 

Ce rapport intime entre les corps, ce partage de la Connaissance, cette complicité spirituelle est peut-être à mettre en rapport avec le ressenti perçu lors des chaînes fraternelles, sublimées par l’indéfinissable égrégore maçonnique. Cela peut suffire pour être heureux et en harmonie, dans une loge et aussi dans la cité. Mais ce ne sont que des moments extatiques éphémères, mais qui se renouvellent de plus en plus avec la force et la persévérance dans les travaux maçonniques, ils sont piliers de la construction d’une cité plus fraternelle.

 

Pourtant il y a le troisième genre de la Connaissance, celui des essences.

C’est celui de la tension vers le désir de la Connaissance du sacré, du Divin, de la remontée vers l’un. Le deuxième genre traitait des rapports, mais les rapports ne sont pas les essences nous dit Deleuze. Il explique Spinoza pense que ce troisième genre comme la Connaissance intuitive, elle atteint l’essence, cette essence qui s’exprime dans les rapports, ces rapports dépendent donc de l’essence. Mes rapports personnels expriment mon essence, qui est un degré de puissance. Le deuxième genre et le troisième genre de Connaissance sont parfaitement adéquats.

 

La recherche au sujet de la Connaissance est infinie, inépuisable. On peut établir un rapport avec la progression maçonnique scalaire, l’initiation sans fin, l’éternel apprentissage, le désir et la volonté de perfectionnement, ‘j’ai toujours à me perfectionner’. L’on sort du labyrinthe des erreurs, comme Icare pour s’élever dans la spirale, il ne nous faut pas succomber dans l’erreur de l’ego, en étant volontaire, mais humble.

 

Spinoza à écrit son Éthique suivant le mode des architectes, des géomètres, des mathématiciens, ce qui rend ardue sa compréhension. En simplifiant l’on peut oser dire que les genres de connaissance sont comparables à des genres de vie, des modes de vie, d’existences. Le franc-maçon à la recherche de la Connaissance, par son initiation véritable métamorphose de son être intérieur, par la conversion de son regard sur toutes les choses de la vie, a une aspiration à la spiritualité, il ne peut donc être insensible à l’Éthique selon Spinoza, qui n’est après tout peut-être simplement que le désir, d’une vie bonne, meilleure, en harmonie avec les autres, la cité et l’univers.

 

Jean-François Guerry.

 

 

A SUIVRE….

 

Sources : Éthique de Spinoza  par Vincent Delègue et Extraits du Cours de Gilles Deleuze sur Spinoza à Vincennes en 1981.

  

Sénèque

Sénèque

Voir aussi : L'Éthique de la Connaissance article lafrancmaconnerieaucoeur.com 

 

Le 09/09/2017:
http://www.lafrancmaconnerieaucoeur.com/
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