DROITS ET DEVOIRS Part IV.
Plus nous avançons dans la réflexion, plus notre opinion peut varier, c’est notre faculté à combattre nos préjugés, il s’agit pas de nager toujours dans le sens du courant, pas plus que de nager à contre sens, ce qui serait aussi dommageable, nous devons essayer de n’être ni « bisounours » ni « réac », ce qui ne veut pas non plus dire que nous devons être dans la mode du en même temps, de la déification de la tolérance, cette tolérance qui rend supportable la vie en société et qui se situe entre la justice et l’amour avec sa compagne l’équité, les trois formant un triangle dont l’amour est pour moi le sommet, et si cela forme un cercle les deux cercles sont la justice et l’équité et l’amour est au centre. Je dois toujours me défier de l’équité qui est un ajustement de la justice à ma nature humaine, mais aussi au corps social, comme de la tolérance qui peut devenir une sorte de mépris, voir d’indifférence. Cela ne signifie pas par excès qu’il faille tolérer l’intolérance, se serait la porte ouverte à la haine. Si l’on admet que personne ne détient la vérité, car elle n’est pas une certitude on ne peut qu’être tolérant et à l’écoute de l’autre, c’est la reconnaissance du droit des autres, de l’autre. Peut-on pour autant infliger aux autres nos devoirs ? Peut-on aussi adopter toutes les opinions des autres, par principe, s’habiller des apparences, être d’accord avec toutes les opinions, c’est finalement n’en n’avoir aucune, c’est la pratique continuelle du en même temps, qui paralyse l’action, empêche toute vision. Tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute.
Tolérer c’est aussi reconnaître les droits des autres, c’est prendre conscience de l’universel, les droits de l’homme sont alors sans limites, pourvu que l’homme vise la beauté du bon et du juste, même s’il est sûr de ne jamais l’atteindre ce qui compte c’est le chemin. À propos de la tolérance Vladimir Jankélévitch a écrit :
« La conscience du fondement métaphysique de la tolérance est d’abord conscience de la vérité de l’autre, conscience de la vérité de tous les autres, conscience - que l’autre quel qu’il soit – et même si son message est très balbutiant (je ne sais ni lire ni écrire…), même s’il est maintenant mon ennemi – représente une humble parole de cette vérité. (…) Cette conscience de la vérité de l’autre quel nom pourrait lui convenir sinon celui de modestie. »
Qui suis-je donc pour juger si les autres font leur devoir ? Il ne s’agit pas encore une fois de tolérer, tous les vices, les caprices, les mensonges, de l’autre, des autres, mais d’écouter son message personnel, qui est la liberté de l’autre, son droit individuel, alors que les devoirs sont de l’ordre du collectif, certes essentiel à la vie sociale.
C’est l’observation des droits naturels de l’homme qui fait naître en nous volonté de faire notre devoir. Les droits sont à la naissance des devoirs et non l’inverse, les devoirs sont les bornes, soumises à la loi de chaque groupe, de chaque pays, les droits sont universels. Les droits sont des principes, les devoirs sont du domaine du contrat. Les droits sont naturels, universels, les devoirs la conséquence sur le plan social des droits, les devoirs expriment une volonté générale, instituée par la loi.
Les écueils des devoirs :
Les devoirs peuvent devenir des étocs, ces têtes de roche que connaissent bien les marins. Ils surgissent sous l’influence du vent des marées. Suivant les époques surtout quand l’insécurité règne, quand le bras de l’état tremble, qu’il est incapable de protéger les citoyens. Les étocs apparaissent, ils sont moralisateurs, arbitraires, liberticides, ou de simples platitudes auxquelles tous nous souscrivons si nous sommes de bonne foi :
« Ne pas faire à autrui ce qu’on ne voudrait pas qu’il nous fasse. » (morale religieuse, puis laïque et reprise par les Francs-Maçons, qui semble si évidente)
« Etre un bon fils, un bon père, un bon ami, un bon époux. »
(Cela sent le travail, famille, patrie !)
« C’est sur le maintien des propriétés que reposent la culture des terres, toutes les productions, tout moyen de travail, et d’ordre social. »
Il n’y a rien d’obscène dans ces déclarations, rien non plus qui soit enthousiasmant.
En 1948 exit de la Déclaration Universelle le mot de Devoir. L’on ne parle que de droits sociaux, économiques et culturels. L’on voit cependant une allusion du devoir envers la Communauté nationale.
Le 30 juillet 2010 Nicolas Sarkozy au milieu de son mandat prononce le discours de Grenoble pour l’investiture du nouveau préfet Eric Le Douaron, suite aux violences dans les quartiers de cette ville et à l’attaque de policiers. Les devoirs font leur réapparition en même temps que les droits. Les observateurs de la vie politique font remarquer qu’à l’aube de chaque élection présidentielle la sécurité redeviens le thème préféré des candidats. Il faut parler de sécurité et des devoirs.
Les slogans ressortent : les droits ne vont pas sans les devoirs ; vous nous parlez des droits mais vous oubliez les devoirs etc….
Extraits du discours de Grenoble le 30 juillet 2010, c’est-à-dire il y a bientôt 11 ans et deux présidents plus tard…
« Les forces de l'ordre ont été prises à partie par des assaillants qui se sont permis de leur tirer dessus à balles réelles avec l'intention de tuer.
C'est inacceptable.
L'homme qui est tombé sous le tir d'un policier venait de commettre un braquage. Non content d'avoir commis un braquage, il a ouvert le feu avec une arme automatique, une arme de guerre, contre les policiers. Ceux-ci ont riposté en état de légitime défense. En tant que chef de l'État, je veux dire que les policiers n'ont fait que leur devoir.
Si on ne veut pas d'ennui avec la police, on ne tire pas à l'arme de guerre sur la police dans un pays qui est un Etat de droit comme la France.
C'est donc une guerre que nous avons décidé d'engager contre les trafiquants et les délinquants.
…aucune cité, aucune rue, aucune cage d'escalier, aucune barre d'immeubles ne doit échapper dans ce département et dans cette ville à l'ordre républicain. C'est votre devoir.
Simplement face à certaines situations, il est de mon devoir de trouver la meilleure personne à la meilleure place.
Mais réfléchissez, si j'étais venu ici pour vous dire: on a tiré à balle réelle sur des policiers, j'organise un colloque, qui m'aurait pris au sérieux.
Je laisserai ceux qui le veulent crier à l'atteinte aux libertés individuelles. Moi je pense que la liberté individuelle est gravement atteinte lorsque que les voyous font régner la terreur devant des immeubles d'habitation.
De même nous allons réévaluer les motifs pouvant donner lieu à la déchéance de la nationalité française. Je prends mes responsabilités. La nationalité française doit pouvoir être retirée à toute personne d'origine étrangère qui aurait volontairement porté atteinte à la vie d'un fonctionnaire de police ou d'un militaire de la gendarmerie ou de toute autre personne dépositaire de l'autorité publique. La nationalité française se mérite et il faut pouvoir s'en montrer digne.
La question de la responsabilité des parents est clairement posée. Je souhaite que la responsabilité des parents soit mise en cause lorsque des mineurs commettent des infractions. Les parents manifestement négligents pourront voir leur responsabilité engagée sur le plan pénal.
Est-ce que cette famille peut continuer à aller au bureau de la Caisse d'Allocations Familiales pour percevoir les allocations, comme s'il ne s'était rien passé?
Parallèlement, je souhaite que nous engagions une importante réforme pour améliorer la lutte contre l'immigration irrégulière. Chaque année, une dizaine de milliers de migrants en situation irrégulière, dont des Roms, repartent volontairement avec une aide de l'Etat. Et l'année suivante, après avoir quitté le territoire avec une aide de l'Etat, ils reviennent en toute illégalité pour demander une autre aide de l'Etat pour repartir. Cela s'appelle « un abus du droit à la libre circulation ».
Je vous laisse libre de faire un état des lieux 11 ans après ces déclarations.
Personne d’honnête n’a jamais dit que les citoyens n’avaient pas de devoirs envers la société, ces devoirs sont en reflets avec les droits accordés de longue lutte par nos anciens, ne pas respecter les devoirs qui y sont liés c’est bafouer les droits. Mais nous ne pouvons inverser la hiérarchie droits devoirs en devoirs droits ce serait anti démocratique à mon sens, et même dangereux imaginons que nous subissions une dictature !
J’aborderais maintenant les devoirs du citoyen français, européen, du monde, y-a-t-il des devoirs universels ? Qu’en est-il des devoirs en général.
Les devoirs du citoyen est un thème récurrent de l’éducation civique, qui a peu de succès et surtout tient peu de place dans l’éducation nationale, je ne suis pas enseignant, mais je pense que nous pourrions associer cette prise de conscience des devoirs avec les libertés et la liberté en général au lieu d’opposer liberté et devoir, ce serait certainement plus attractif.
Les devoirs des citoyens par rapport à la loi, peuvent être qualifiés de juridique. Nul n’étant censé ignorer la loi, s’il l’enfreint il n’accomplit pas son devoir de respect des lois qui régissent et permettent la vie en société, pour autant que les lois résultent de la représentation nationale ce qui est le cas dans nos démocraties occidentales fussent t’elles imparfaites elles ne sont pas des dictatures, donc nous devons nous soumettre aux lois de notre pays. Les francs-maçons s’engagent par serment à ce respect et au respect de l’autorité de l’état et de sa représentation, ce respect est une dignité, la dignité du citoyen. Le franc-maçon fait allégeance à son corps maçonnique et à ses représentants pourvu qu’ils en soient dignes et ne fassent rien qui soit contraire aux lois de notre pays, et à la morale universelle.
Ainsi les devoirs juridiques se rejoignent avec les obligations morales. Ce n’est malheureusement pas présenté ainsi dans les cours d’éducation civique !
Le libellé même de la déclaration de 1789 contient cette affirmation, il est question des Droits de l’Homme et du Citoyen. C’est-à-dire de droits moraux naturels, universels et de droits du Citoyen par rapport à la société civile dans laquelle l’on vit. Le respect d’autrui ne peut pas être que juridique, il doit devenir naturel, ce qui veut dire qu’il doit être travaillé, entretenu, devenir une douce habitude, une vertu.
Cela n’est possible qu’au-delà de la simple tolérance ou du respect qui vont au vous, il faut que ces devoirs moraux aillent au toi. Le respect qui va au vous, incarne une avancée vers l’autre, mais il n’est qu’une étape, vers la fraternité et le mystère de l’amour, il est promesse de l’amour, mais pas amour. Le respect est l’admiration de la chose, de l’acte, de l’individu vénérable respectable, on s’agenouille avec respect devant la chose pour l’admirer comme un mystère, voir l’incarnation ce n’est pas encore l’aimer. Les sœurs et les frères ont parmi elles et eux des vénérables et des respectables sœurs et frères, qu’ils admirent et respectent, elles, ils, incarnent une hiérarchie spirituelle, elles, ils sont des portes ouvertes vers l’amour fraternel.
L’irrespect grandissant de notre société, empêche l’élévation de la conscience, ce que Léon Brunschvicg appelle : la conversion du respecté au respectable,dans son ouvrage Le progrès de la conscience dans la philosophie occidentale.
C’est plus qu’au respect du devoir qu’il faut parvenir, il faut parvenir à l’amour du Devoir, c’est un des secrets du maître maçon, cette propédeutique est proposée dans les rituels maçonniques aux francs-maçons zélés et fidèles. Ils s’engagent à aimer la justice et donc faire leurs devoirs. On ne peut aspirer aux droits sans en être digne, c’est-à-dire sans accomplir ses devoirs. Le devoir est inflexible, il s’impose à nous, dans la cité, comme dans la solitude du désert, il est impératif.
Alors l’instruction civique qui recommande de payer ses impôts, de servir la nation du mieux que l’on peut est bien le minimum de nos devoirs. Dans cette instruction civique l’on trouve des devoirs de nature morale, dont on se demande qui pourrait y être opposé comme :
« Etre loyal envers la communauté internationale, participer à la vie politique, voter, faire preuve de civilité et de solidarité, ne pas discriminer, porter assistance aux personnes en danger, ce qui est obligation (et ce qui est considéré aujourd’hui comme un acte d’héroïsme !),défendre l’environnement, cultiver sa pensée et son esprit critique etc.. »
L’ensemble de ces devoirs recommandés par l’instruction civique semble bien faible aux regards des droits qui sont octroyés aux citoyens !
En contrepartie de ces droits de devoirs de l’homme et du citoyen, l’état s’engage :
« A protéger, promouvoir les droits de l’homme, à faire prendre conscience aux citoyens des droits humains et les protéger, de prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger toute personne de violence, de menace, représailles, discriminations, de pression arbitraire »
Je ne vous parlerais pas des devoirs du citoyen européen car il n’existe aucun texte précis concernant ces devoirs, ils sont en clair identique aux devoirs des citoyens français. L’Europe semble moins exigeante sur ce problème, que sur celui des normes marchandes.
À suivre….
Jean-François Guerry.