POÈTE HOMME DU PEU DE MOTS
Homme du peu de mots, c’est ce qu’écrit Jean-Pierre Siméon, là peut-être à contrario dans sa longue préface de : Pour plus de lumière – Anthologie personnelle Charles Juliet. Poète non pas de l’obscur mais du rare, de l’essence. D’abord se taire pour comprendre. C’est aussi l’obligation de silence faite à l’apprenti franc-maçon. Comme une incongruité dans un monde de surabondance médiatique. Le jeûne des mots prend l’allure d’une disette médiévale, et s’accommode mal à la dictature de l’immédiateté.
Il faut noyer le peuple dans une logorrhée verbale, occuper l’espace médiatique pour être célèbre, ne pas tomber dans l’oubli.
Je n’échappe pas moi-même à ce travers de l’abondance, j’essaye de me soigner, j’ai encore beaucoup à faire ! La concision m’apparaît souvent comme une douleur, pourtant elle est mère de l’essentiel.
Jean-Pierre Siméon écrit encore : « Il faut donner au terme sa valeur d’épreuve, que chaque mot engage, que la surabondance du verbe encombre, obstrue le chemin qui permet la rencontre, laisse la vie en surface, bref perd le sens. »
C’est sans doute pourquoi aussi, les francs-maçons ont des mots de passe, des mots sacrés, simples courts, des mots de reconnaissance c’est-à-dire qui permettent d’aller vers l’autre.
La lecture attentive des rituels maçonniques étonne d’abord les jeunes francs-maçons et encore plus les profanes par leur simplicité, s’est ignoré leur puissance, leur potentialité. Les plus anciens francs-maçons reviennent à leurs rituels, c’est souvent l’essence qui leur reste après s’être débarrassés des pelures inutiles. Combien de fois à des interrogations j’ai entendu la réponse simple, as-tu regarder dans le rituel, dans ton rituel, relis ton rituel etc…Les rituels sont aussi des véritables mandalas, des missels initiatiques qui doivent êtres associés à la pratique.
Je vais essayer de faire court. C’est pourquoi, je m’efforce, de vous proposer la lecture de poèmes. Car je sais qu’ils sont le suc de leurs auteurs. Les poètes ont cette faculté de faire résonner en nous les mots les plus simples, de leur donner une dimension incommensurable, c’est l’espérance que chantait Jean Ferrat :
« Le poète a toujours raison, qui voit plus haut que l’horizon et le futur est son royaume. »
Jean-François Guerry.
- Je suis blanc bordé de noir
Je suis blanc bordé de noir indissociable
Complémentaire du blanc, sans lui inconcevable.
Selon le langage de l’hermétisme, l’initié
Accomplit « l’œuvre au noir » avant de commencer
D’aborder « l’œuvre au blanc » mystère de toute substance.
Il s’agit de l'alternance vie mort renaissance.
De même le TAO fait descendre le cherchant,
Dans les noirceurs de l’abîme en cheminant,
Pour remonter vers l’éclosion de la fleur d’or,
Et découvrir le blanc, connaître le trésor.
Je suis de l’alternance Yin Yang le synthème !
je suis ni noir ni blanc évitant l'anathème.
De passer de l'opposition des contraires
Au réel concept de complémentarité.
Réitération des rituels et assiduité,
Je provoque ainsi réflexion entre les frères.
Je suis blanc bordé de noir pour donner envie
D'écouter et enrichir librement les esprits
Par l'alternance de l’un à l’autre des avis
Puis du retour de l’autre à l’un sans conflit.
Tout au long de sa vie, celui qui me porte,
Trouvera, sur son chemin multiples cohortes
D'apparentes oppositions des contraires,
Homologues parce que complémentaires.
noir blanc
vice vertu
non manifesté manifesté
immanence transcendance
Jean-Pierre Rousseau.
La parole vive
J’habite au cœur d’un cercle bleu
Où j’ai perdu mes pauvres mots
Sa circonférence est nulle part
Et son centre demeure partout
Tracé à la pointe du compas
Où plonge un puits profond d’eaux
Vives d’où la voix et le corps
S’animent du souffle et geste
Puits où se mire une étoile
J’entends le son sourd de mon sang
Qui épèle dans les ténèbres
Cherchant le lieu de la parole
Qui est la sève du savoir
Et sera la saveur des jours
La vie la vie souffle dans les mots
Vers les quatre points cardinaux.
Jacques Viallebesset.
sont extraits du recueil CE QUI EST EPARS paru chez Recours au poème éditeurs.
La parole vive est inédit.