DROITS ET DEVOIRS – PART -VIII- Épilogue.
« Ne nous faisons point justice, et la Philautie est un vice. Dont le plus sage est entaché, fût-il sans tout autre
Péché. » Scarron- Poèsie.
J’arrive au terme provisoire de ma réflexion sur les Droits et les Devoirs. Un chemin qui m’a mené sans trop de difficultés à la connaissance des droits de l’homme et du citoyen, ils sont universels. La liberté qui nous as mené à la tolérance à la tempérance, la bienveillance, qui ne sont pas sans exigence de sincérité et protection de l’ordre pour la vie en commun, liberté sans sécurité n’est que chaos.
Le droit, à la justice humaine opposé de la barbarie, chemin vers la justesse, la sagesse ; justice, avec son aristocratique éthique qui est le compromis acceptable, pour une vie ajustée, éthique nécessaire au vivre ensemble, même si cette éthique est spatiotemporelle, chez nous on ne lapide pas, l’on ne coupe pas la main aux voleurs, on juge, on inflige une peine et l’on pardonne, la vie est espérance du meilleur. L’éthique, c’est l’écoute des sages, de ceux qui sont humains membres de notre société, elle a d’ailleurs ses comités de plus en plus nécessaires, au maintien de la démocratie, des pratiques raisonnables.
L’éthique n’est qu’une adaptation de la morale universelle, qui fait appel à la conscience individuelle et collective. Elle un lien entre l’individuel et le collectif, elle est soumise à notre tribunal intérieur.
André Comte-Sponville, dans Le Plaisir de Penser, écrit à propos de la morale qui est le thème introductif de son livre :
« On se trompe sur la morale. Elle n’est pas là d’abord pour punir, pour réprimer, pour conditionner. Il y a des tribunaux pour ça, des policiers, des prisons et nul n’y verrait une morale. Socrate est mort prisonnier et plus libre pourtant, que ses juges et ses geôliers. C’est où la philosophie commence peut-être : dans la conscience lorsque qu’elle ne se soumet qu’au vrai ou qu’à elle-même. C’est là où la morale commence pour chacun, et toujours recommence : là où aucune punition n’est possible, là où aucune répression n’est efficace, là où aucune condamnation, en tout cas extérieure n’est nécessaire. La morale commence où nous sommes libres : elle est cette liberté même, lorsqu’elle se juge et se commande. »
Emmanuel Lévinas, quant lui allait jusqu’à affirmer : « Que la morale n’est pas une branche de la philosophie, mais la philosophie première. »
C’est pourquoi l’initiation maçonnique, s’adresse d’abord à l’homme et ensuite à la société. L’homme qui aura combattu ses vices et pratiqué la vertu, sera à même d’aller dans le monde, il deviendra un levier de la morale universelle, c’est ce que le Franc-Maçon appelle mettre sa pierre dans l’édifice.
La question essentielle n’est donc pas de jouir de ses droits, mais de comment remplir ses devoirs.
Baruch Spinoza, lui appelle moralité, le désir de faire le bien. C’est motivé par ce désir que le Franc-Maçon sincère entreprend la construction de son temple intérieur, c’est son devoir d’ajusté chaque pierre à sa place, en rapport avec sa destination. Cet ajustement, est la justice qui le guide, cette justice qu’il s’est engagé par serment à défendre, cette justice au visage universel, elle ne connaît pas de frontières. La justice libère l’homme.
René Descartes lui va mettre en exergue, notre libre arbitre, avec son cogito ergo sum, il fait appel à notre responsabilité, notre Devoir, notre conscience. Dans cette conscience individuelle, il voit la trace, la lumière divine. Il considère que notre libre arbitre est un don de Dieu, ou du principe, du Grand Architecte, selon ce que l’on pense. C’est ce libre arbitre qui nous responsabilise pour l’accomplissement de notre Devoir.
Jean-Jacques Rousseau, plus humaniste croit en l’homme, plus que dans la société, il déifie notre instinct humain, notre conscience est céleste, elle nous rend infaillible puisque nous la tenons de Dieu, qui n’est que bien.
Les révolutionnaires ont voulu proclamer la mort de Dieu, comme le fit bien plus tard Friedrich Nietzsche avec son Gott ist tot , Dieu est mort. Sauf qu’ils se sont empressés d ‘édifier la Déesse Raison, comme nouvelle idole. Le Franc-Maçon lui s’engage à ne pas forger d’idoles humaines.
Nous voilà à la citation en début de cet article qui fait référence à la philautie.
Le bien étant Dieu, il nous faut idolâtrer Dieu. Sauf que comme le souligne Vladimir Jankélévitch, celui qui n’est pas sincère dans son amour de Dieu, commet une sublime philautie, c’est-à-dire un sublime amour de soi, un égoïsme exacerbé, un auto-centrisme, en voulant être Dieu. C’est une monstruosité de l’ego, une complaisance vicieuse pour soi-même, un amour inconditionnel de soi. C’est ce qui guette celui qui s’étant élevé spirituellement est incapable de frôler l’humilité et de redescendre vers ses frères. L’enfer est pavé de bonnes intentions. Sauf que là c’est l’ambition qui précède l’intégrisme et le fanatisme, c’est la chute d’Icare. Notre Devoir est à notre hauteur, être un homme pas un Dieu, c’est déjà difficile.
Je sens venir l’objection et les grands mystiques, ils sont respectables comme le sont les pères du désert. Mais ils ne sont pas des gourous (terme galvaudé en occident). Les grands mystiques sont-ils la sublimation du Devoir ? Peut-être au regard de leur religion. La religion chrétienne met pourtant en garde, elle ne dit pas vous avez le pouvoir de devenir Dieu, mais enfants de Dieu, même si Dieu vous a fait à son image, il ne vous pas fait Dieu. Au mieux le croyant est le symbole de la création, ou une parcelle de cette création, un infime lumière et non le tout.
Aimer Dieu, si l’on considère que Dieu est le principe du bien, n’est pas un exploit. Vladimir Jankélévitch l’exprime ainsi :
« Il n’est que trop facile, trop naturel et trop raisonnable d’aimer un être parfait. »
Aimer son prochain, son semblable, l’aider est une autre gageure, un Devoir plus difficile. On ne peut s’arrêter à l’adage « si tu veux tu peux. » Mais c’est un bon début, comme disent les professeurs pour encourager leurs élèves en retard, car oui pour aimer et aider le temps presse.
Il s’établit une relation entre pouvoir et devoir, que pouvons-nous exactement faire pour accomplir notre Devoir.
Pouvons-nous quelque chose et sur quoi ? Tout est-il déterminé ?
« L’homme ne peut rien sur le produit de la création ; il ne peut rien sur le mouvement des corps célestes, sur les révolutions de ce globe qu’il habite, il ne peut rien sur les animaux, sur les végétaux, les minéraux en général, il ne peut que sur les individus. » Buffon.
Le temps passant, malheureusement nous nous apercevons que l’homme, n’a pas été exemplaire vis à vis de la nature et des autres êtres vivants, heureusement il y a une prise de conscience des dégâts.
Buffon, faisait le constat, comme le fit l’empereur philosophe Marc Aurèle avant lui, que l’homme à d’immenses pouvoirs sur lui-même, sur son être et son évolution, sur ce qu’il peut faire lors de son bref passage sur terre. Comme je l’ai dit le temps presse, Marc Aurèle recommandait d’écrire chaque soir ce que nous avions fait de bien dans notre journée. L’on est là dans la pratique des Exercices Spirituels de la philosophie antique, celle du miracle grec, cette philosophie qui allie Théoria et Praxis, magnifiquement décrite dans les ouvrages de Pierre Hadot. Ces exercices spirituels, sont comparables aux devoirs des Francs-Maçons, qui pratiquent dans leurs loges, en théorie et dans le monde en pratique.
Nous pouvons parce que nous avons des droits, mais nous avons aussi le pouvoir d’accomplir nos devoirs. Nos devoirs sont des obligations morales, vis à vis de nous-mêmes, de notre ordre, de notre obédience, de notre loge et du monde en général.
Celui qui revendique être Franc-Maçon, peut et doit être un chevalier de l’esprit, un homme vrai, humble et digne à la fois. Il est alors Emerek, c’est-à-dire un homme vrai.
Une fois que le Franc-maçon aura pris conscience de son pouvoir, il aura le devoir d’aller dans le monde propager la lumière. C’est-à-dire lutter contre tous les fanatismes, les intégrismes, les despotismes et de défendre la justice.
Il n’y a nulle prétention, il n’est pas un Dieu, ni même un demi- dieu, simplement un enfant de la veuve, un enfant de la lumière, un soldat de l’universel, un pauvre chevalier du christ, défenseur de la loi d’amour, à la disposition de sa loge et des autres.
Cela nous ramène au pouvoir décrit dans l’évangile ésotérique de Jean présent dans de nombreuses loges :
« Mais, à tous ceux qui l’ont reçue (La Lumière)
Il a donné (Dieu ou le principe, le Grand Architecte), le pouvoir de devenir enfants de Dieu. (De Dieu ou de la Lumière)
L’on pourrait pousser plus dans les détails, sur les devoirs qui sont naturels pour les Francs-Maçons et parfois considérés comme des actes d’héroïsme dans la société civile.
- Le devoir de travailler son être intérieur.
- Le devoir d’exemplarité, vis à vis de ses frères et des hommes en général.
- Le devoir de respecter les lois de son pays.
- Le devoir de transmission des valeurs morales qui sont universelles.
- Le devoir d’honneur, de dignité.
- Le devoir de connaissance.
Tous ces droits et ses devoirs, nous permettent d’espérer, atteindre un degré d’élévation spirituelle, après être passé par la porte basse, permettant peut-être un jour, proche de la mort physique, de dire que nous avons sentis un instant, le souffle de la sagesse remplir notre cœur. Ce dernier souffle avant de rejoindre les contrées inconnues où règnent, la beauté, la joie, et l’amour.
Jean-François Guerry.