Connais-toi toi-même pour les autres en vers et pour tous
Bien ambitieux de ma part, pardon à l'avance,
De distiller en vous avec insolence,
Notre rôle et la prise de conscience
De notre Devoir à partir de la sentence :
« Connais-toi toi-même pour les autres »
A quoi sert de baver, docte et onctueux,
Épaules gesticulantes, verbe pompeux !
Auréolé de la plénitude du Maître,
Expliquant à l'apprenti qui vient de naître,
Qu'il sait et que lui, peut-être s'il travaille bien,
Saura, s'il est sage et que son travail convient,
Accéder à nouveau palier de l'escalier.
A quoi sert de vanter un cordon de tissus ?
Comme fait un ami sur qui je tombe dessus
Le félicitant pour son humilité.
Il n'a pas intégré que le vrai initié
Est un relais vivifiant de la tradition
Avec pour devoir d'assurer la transmission.
A quoi sert de vanter un chemin personnel ?
Incommunicable parcours en tant que tel,
A respectable interlocuteur déférent,
Ignorant d'initié la signification,
Voire de Maçonnerie ou initiation !
Ça nous fait une belle jambe de parler !
Si, afin de comprendre notre bavardage,
II ne dispose pas de la clé du langage,
Du pouvoir de la parole pour échanger !
II est vrai, ce déférent interlocuteur
A en commun avec nous l'eau qui désaltère,
L'air qu'il respire et notre terre nourricière,
Le feu vivifiant nécessaire et moteur.
A quoi servons nous donc si nous nous contentons,
Une ou deux fois par mois ! d'une bonne veillée,
La planche bien tracée nous tenant éveillé,
Dans un consensus proche de l'égrégore !
Agapes ayant repu frères carnivores.
A quoi peut nous conduire notre engagement ?
Ces valeurs de rassembler ce qui est épars
Et porter au dehors ce qui nous rend à part.
Si nous nous contentons d'étudier sans relâche,
Ce qui à nos yeux concerne notre tâche,
Certes avec beaucoup de zèle et d'opiniâtreté,
Se connaître soi-même afin d'avancer
Sur chemin de Connaissance et de Vérité ?
A quoi sert de tracer, une bonne planche ?
Si le but unique est avant tout de plaire,
Faire descendre sur nous auréole éphémère,
Satisfecit du péché avoué en confession,
Le but de nos échanges reste vraiment l'action.
Pourquoi vivre la Maçonnerie en Loge ?
En visiteur d'un salon philosophique !
D'un club révolutionnaire sans risque !
Où souffle avec prudence une douce bise !
En restant nuancé je dirais que ça frise,
Des frénétiques de l'onanisme, l'éloge.
A quoi sert d'être créé constitué et reçu ?
Maçon du Rite Écossais Ancien Accepté,
Libre et de bonne mœurs, parfait initié ?
Cela suffit-il à faire de nous un élu ?
Si nous ne faisons pas cet effort d'animer,
Par notre travail sur nous-mêmes, et, sublimer
Nos potentialités morales, spirituelles,
Éveillées par la pratique de nos rituels ?
Qu'est-ce que l'accomplissement du Franc-Maçon ?
Un travail sur soi réalisé sincèrement
Par la connaissance et le perfectionnement !
Cette connaissance a pour incidence
Que, même s'il n'agit sur rien en apparence,
Rien concernant l'humain ne lui est étranger.
Tout ce qui parle du divin l'intéresse.
S'il n'est pas philosophe il n'aura de cesse
D'étudier la philosophie de façon active.
S'il n'est pas membre d'une œuvre caritative,
Souffrance et désolation l'invectivent.
Sans vraiment exercer de rôle politique
Pour la lutte des droits de l'homme il s'implique ;
II est tolérant et connaît l'intolérable ;
En apparence bien loin des réalités,
Des préoccupations de l'humanité,
Dans silence de la Loge, en sérénité,
II pourra régénérer combativité.
Une action vers l'extérieur de soi, orientée,
De nos proches à l'entière humanité.
La réponse au « Connais-toi toi-même pour les autres »
Serait-elle un monde des idées appelé à guider ?
Celui des hommes vrais afin de les aider
A partager les valeurs que nous faisons nôtres !
Dont, franchise et sincérité maçonnique,
Socles et forces intangibles de notre éthique.
Vouloir imposer aux autres sa propre idée !
Par force de conviction ou sincérité,
Ne peut aboutir et se transforme en échec.
Je regrette d'avoir parfois été trop sec
Par souci de partager, en toute honnêteté,
Mon travail sur le chemin de 1a Vérité.
Toute idée exprimée, avec bienveillance,
Au frère qui la reçoit en cours de séance !
Ne peut devenir sienne, en pleine conscience,
Que s'il en a perçu, le bien fondé, l'essence.
Alors comment faire pour essayer de convaincre,
Aider l'impétueux qui se doit de se vaincre ?
Pour le Franc-Maçon dont le but est partager,
Semer autour de lui, comme dans un potager,
Les fondations exigeantes de l'humanisme,
Le moyen est de cheminer avec altruisme,
Sur la route chaotique de l'exemplarité,
Sublimer nos belles valeurs dans la société.
C'est peut-être de cela dont on a peur !
II est vrai qu'au niveau de l'exemplarité
La maçonnerie, avec un tout petit m,
Booste ventes d'hebdomadaires que l'on aime,
Hors élections, lors de la pause, avant l'été.
A ce moment on lit plus souvent dans la presse,
De pseudos « frères casseroles » les prouesses,
Confortant la rumeur et le vieil anathème «
Un pseudo Ordre pourri » ça les lecteurs aiment !
Par l'exemplarité de récits d'actes vertueux,
On pourrait peut-être sortir de ce cercle vicieux,
Mais le juste le beau le bon ne font pas vendre !
C'est pourquoi des médias il ne faut point attendre.
Je rêve tout haut d'une presse sans contraintes,
Libérée sans haine sans tabou,sans goupillon,
Qui écrirait à propos de toute belle action.
C'est vraiment beau et bon il doit être Franc-Maçon !
Le vrai défi, pour un vieil adepte initié,
Est donc celui du seul contre l'adversité.
Il a presque réussi à dominer ses passions,
II lutte contre ignorance fanatisme ambition,
II connaît moultes embûches sur le chemin,
Avec pour seule arme le fait de se connaître bien.
Se connaître soi-même ne signifie pas vouloir
Prôner les actions de la Franc-Maçonnerie,
Mais par un dur combat personnel, promouvoir,
A l'intérieur de la Loge et au fond de soi,
Idéaux par le travail de chacun mûris,
Par l'appropriation de rituels bien compris,
Sans bornes imposées, la découverte du soi.
Par une connaissance aiguë de nos propres limites,
Conscient, sans parti pris, du devoir d'exposer
Des idées afin d'éveiller, non imposer,
Des prises de conscience du cherchant en émoi,
On approche sens du connais-toi toi-même pour moi.
Participer à un échange, communiquer,
Entendre l'autre jusqu'au bout, l'écouter s'expliquer,
Dire tout simplement, sans être interrompu,
Denrée rarissime dont on est jamais repu.
N'est-il pas beau de surprendre notre entourage
Par l'exemplarité de notre écoute de l'autre !
Nous pouvons déclencher le désir d'être des nôtres
En mettant en exergue notre goût du partage.
Développer avec nos moyens l'humanisme !
Travailler à une société sans intégrisme,
Tenter de donner aux hommes les moyens d'être libres !
C'est le Devoir du maçon, sa raison de vivre
Pour s'accomplir lui-même et pouvoir progresser
Sur plan matériel et domaine de la pensée.
Jean-Pierre Rousseau.
Ne vous méprenez pas, il ne s'agit pas de ma part d'un poème moraliste, le précepte Socratique puis Maçonnique du « Connais-toi toi-même » fait de ma part l'objet d'un combat de tous les jours.
Au sein de la Maçonnerie j'ai l'illusion par mon travail et avec l'aide de mes Frères de m'en approcher, par contre dans le cadre du « Connais-toi toi-même pour les autres » je reste plus modeste.
Pour conclure je livre à vos réflexions quelques interrogations bien sûr toutes personnelles et qui une fois encore me replacent devant mon propre miroir :
En tenue Je parle à mon voisin tandis qu'un frère s'expose par son travail !
Je parle à mon voisin car ce que dit le frère député ne m'intéresse pas !
Aux agapes Cool il y a assez de monde pour débarrasser !
Il y aura bien quelqu'un pour l'aspirateur !
Ils sont assez à la vaisselle il n'y a plus de place.
Au travail Heureusement qu'il y a une tenue ce soir je vais pouvoir m'élever !
C'est mon chef mais avec tout ce que je sais je lui ferais bien la leçon !
A la maison Je suis sûr d'avoir changé mais à chaque fois que je le dis à mes proches ça déclenche un soupir voire un éclat de rire !
Volontairement, je suis resté très terre à terre, dans ces petites interrogations qui relèvent du quotidien.
La Maçonnerie ne nous enseigne-t-elle pas que, pour le nouvel initié qui commence à se formuler des questions et, évidemment, à imaginer des réponses sur la nature de ce qui le construit ou l'affaiblit, il est mis face à une voie d'accès à la conscience de lui-même, une sorte de révélation, celle de l'idée.
Par voie de conséquence l'initié, dépositaire et porteur des principes de la Tradition, se doit de transmettre nos valeurs encore et toujours, non pas à l'échelle d'une vie, mais à l'échelle du genre humain, afin qu'un jour, ce que l'on a voulu faire partager autour de nous, devienne réalité pour l'ensemble des hommes.
Bien, maintenant je vous ai assez lassé et j'arrive aux quelques minutes allouées. Je termine en vous incitant à transmettre notre Tradition en explicitant de façon adaptée son rôle, sa place, son esprit, notre vision de l'homme. Comment ?
En étant exemplaires et en rendant vivants les principes que nous voulons transmettre sans aucune restriction, à tous les hommes, c'est pour cela que nous sommes universels.
Jean-Pierre Rousseau