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la Franc Maçonnerie au Coeur

la Franc Maçonnerie au Coeur

Un blog d'information, de conversations sur le thème de la Franc Maçonnerie, des textes en rapport avec la Franc Maçonnerie, comptes rendus et conseils de lectures.

Publié le par Rémy Le TALLEC
Première de couverture Sciences Humaines, La Grande Histoire de l'Humanisme

Première de couverture Sciences Humaines, La Grande Histoire de l'Humanisme

L’évocation du mot humanisme, fait penser immédiatement à l’homme créature raisonnable par rapport à la bête féroce, être humain, être vertueux, né de la terre, soldat de l’universel. Né de Dieu homme de péché, vieil homme ou pas. Homme de troupe animal social, homme honnête et de bonnes mœurs, perfectible.

La polysémie du mot conduit au désir de connaissance, aux questions existentielles qui traversent tous les temps. D’où je viens, qui suis-je et où je vais.

La revue Sciences Humaines a consacré un de ses Grands Dossiers à la Grande Histoire de l’Humanisme. En interrogeant l’histoire, le passé, l’on se dirige plus sereinement dans le labyrinthe de l’avenir.

L’homme est au centre de l’humanisme, la Franc-Maçonnerie s’assigne la tâche avec sa méthode initiatique du symbole de la construction, d’améliorer l’homme, de le rendre plus humain. L’expression aujourd’hui un peu tombée en désuétude : faire ses humanités reprend alors force et vigueur.

Rémy Le TALLEC contributeur actif du Blog, en s’appuyant sur le Grand Dossier de la revue Sciences Humaines, nous propose une réflexion approfondie sur l’humanisme, il manipule ses mots avec la précision d’un orfèvre afin que les mots brillent de tout leur éclat et leur sens.

On découvrira ou redécouvrira les grandeurs et les faiblesses, voire les menaces qui pèsent actuellement sur l’humanisme. En quelque sorte les portraits de notre humanité d’hier, de celle d’aujourd’hui, les épreuves et les défis qui nous attendent.

 

Jean-François Guerry.

La grande histoire de l’humanisme

(Grands dossiers de la revue « Sciences Humaines », n° 61- (Novembre, décembre, janvier)

 

Editorial : « Comment ne pas être humaniste ?

 

« Où commence et où finit l’humaniste ? L’histoire du mot lui-même est celle d’un anachronisme : il s’invente à la fin du 18ème siècle pour nommer la vision commune à ces érudits qui, quatre siècles plus tôt, férus d’antiquités gréco-latines, ont réhabilité le pouvoir de la raison dans la connaissance du monde et la définition des buts de l’existence humaine.

Pétrarque, Boccace, Dante, et plus tard Léonard de Vinci, Erasme, Rabelais, incarnent parmi cent autres, cet espoir que, sans remettre en cause les fondements de la religion chrétienne, l’homme peut aussi réaliser son salut sur Terre et s’améliorer lui-même. Mais au moment même où le terme s’impose, une autre page a été tournée : celle des Lumières, du rejet du pouvoir souverain de l’Eglise et de la monarchie. L’humanisme moderne, laïc et républicain, s’incarne dans le droit et la politique en proclamant l’égalité des  citoyens, la tolérance et l’harmonie possible des nations.

L’humanisme est une vision idéaliste de l’histoire, dont la centralité de l’homme est et l’assurance de son progrès universel sont les valeurs motrices. Or cette même histoire n’a jamais manqué de mettre ces valeurs à l’épreuve de leurs prétentions. Michel de Montaigne doutait déjà de tout en 1580, Thomas Hobbes craignait que l’homme soit resté « un loup pour l’homme », et Jean-Jacques Rousseau, en 1755, se méfiait fort des dérives de la raison, des arts et des lettres. Le 19ème siècle ne rêve que de progrès, mais déshabille aussi l’humanisme : Charles Darwin bouscule l’exception humaine, Karl Marx dénonce une idéologie bourgeoise, Friedrich Nietzsche moque toute morale humaniste. Et le pire attend encore : comment, au 20ème siècle, croire à la raison humaine après l’hécatombe d’une, puis de deux guerres mondiales ? Comment croire au progrès lorsque la machine créée par l’homme menace de l’asservir et de détruire la planète ? En 1966, Michel Foucault écrit que l’homme, en tant que maître de son destin, n’a jamais été qu’un mirage, une illusion.

C’était aller trop vite en besogne. Même consternés par l’impuissance des humains à se gouverner, même face aux pires menaces, les penseurs du 21ème siècle ont à reconnaître sur l’homme est, plus que jamais, responsable de lui-même et de son environnement. Comment ne pas être humaniste ? »

 

Nicolas Journet

 

(Editorial reproduit avec l’aimable autorisation de la revue « Sciences humaines »et de l’auteur)

 

Tel est l’éditorial de ce Grand Dossier (n°61) de la Revue « Sciences Humaines », disponible en kiosques et Maisons de la presse.

 

 

 

 

La Grande histoire de l’humanisme

 

 

La notion d’humanisme est aujourd’hui tellement galvaudée par les bateleurs de télévision et « penseurs » médiatiques de tout ordre, qu’il est rassurant de pouvoir se recentrer sur le sens des mots, et sur l’histoire des grandes idées qui ont éclairé des moments de l’histoire humaine. Et ce numéro de Sciences Humaines en est une illustration magistrale. Bien sûr, pour le format d’une revue, il aura fallu effectuer des choix douloureux, tant le champ d’investigation est immense et la matière infinie, en matière humaine si l’on ose dire, c’est-à-dire en penseurs, en idées, en concepts, pour tenter d’embrasser le trésor et la diversité de ce qui fait « l’humanitude » de l’homme. Néanmoins l’entreprise est une magnifique réussite.

Giuseppe Arcimboldo (1527-1593) Le Bibliothécaire, château de Skoloster, Habo, Suède

 

Qu’est-ce que l’humanisme ?

 

Ce Grand dossier de la revue Sciences Humaines brosse donc à grands traits cette histoire mouvementée, avec ses racines anciennes, ses avancées, ses impasses, ses contradictions, et l’éternelle actualité de ses questions essentielles. Et c’est la moindre curiosité du franc-maçon que de se passionner pour la question de l’humanisme sous ses différents aspects et ses différentes acceptions historiques.

 

Question première : « Qu’est-ce que l’humanisme ? » : L’humanisme place l’homme au centre de ses valeurs. Mais quel homme ? Celui qu’il est ou celui qui travaille à se dépasser lui-même, au risque d’en oublier toute mesure et remettre en question sa place dans l’univers ? Le philosophe Abennour Bidar (par ailleurs auteur de « Histoire de l’humanisme en Occident » (Armand Colin, 2014), prolonge l’éditorial en relayant justement les interrogations contemporaines sur son postulat le plus central :

 

D’abord considéré comme « la merveille des merveilles », l’homme voit très tôt ce statut d’exception pondéré par l’usage désordonné qu’il peut faire de son immense pouvoir sur les choses. L’humanisme se complexifie et, à l’image des écoles philosophiques de l’Antiquité et de la culture biblique, adviendront les idées d’effort,  d’éducation (le « Connais-toi toi-même, et tu connaîtras l’univers et les dieux » de Socrate) et de dépassement de soi. La grandeur de l’homme sera inséparablement liée à l’impératif moral et spirituel de grandir en humanité et de s’élever à une dignité supérieure.

 

L’idée de transcendance s’évaporant à partir de la Renaissance, les tentations de la technoscience, et les méfaits d’un usage pervers de ses innovations, l’ère de l’individu et l’individualisme vont transformer l’humanisme ancien. L’humanisme moderne, tout en continuant à exalter la dignité de l’homme, en le rappelant à son  « principe responsabilité » va se consacrer au combat contre toutes les atteintes à l’humanité sur la liste interminable de toutes les violences et souffrances que des humains imposent à d’autres humains.

 

L'éducation  Antique

 

Une histoire complexe

 

Ce dossier sur l’histoire de l’humanisme est construit autour de six grands volets chronologiques qui représentent autant d’étapes de l’évolution de l’idée humaniste : Les racines anciennes, Autour de la Renaissance, Débats au temps des Lumières, Face au siècle du progrès, Désillusions et impasses, et Le renouveau de l’humanisme.

 

1 - Les racines anciennes

 

Humanistes, les grecs ?

 

On peut trouver des racines anciennes de notre humanisme chez les premiers philosophes grecs qui s’interrogeaient sur l’origine du monde et la place de l’homme dans cet univers inexploré. La grande diversité des racines grecques et latines montre bien que ce qu’on appelle la pensée antique est loin d’être univoque. Certes, l’homme est parfois très hiérarchisé (« hiérarchie naturelle ») en ordres, en castes, avec des droits sélectifs selon sa naissance (Platon). Mais par ailleurs, sa caractéristique propre qu’est la raison est unanimement reconnue.

Ces pensées antiques, grecques et latines, lucides sur les parts d’ombre et de lumière chez l’humain considèrent l’homme tantôt en jouet des dieux et de ses propres pulsions ; et tantôt elles louent sa singularité dans l’univers, sa capacité de penser, et sa disposition à se constituer en communauté sur la base de règles sociales.

Selon Aristote, la définition de l’homme comme être qui dispose de la raison et de langage conceptuel, est le signe de sa faculté à s’engager dans l’accomplissement individuel de l’homme et collectif de l’animal humain.

Cicéron s'élevant contre Catilina au Sénat

Cicéron emploie le mot « humanitas » pour exprimer une disposition de fraternité fondée sur un sentiment d’appartenance au même genre humain. Et la condition nécessaire à cette humanitas est la culture de l’esprit, la nécessité d’un travail intérieur incessant pour connaître et maîtriser ses passions, tout en développant les vertus amor, caritas, misericordia. « Sens de l’humain, sens de la culture, sens de la bienveillance exprimée dans les rapports sociaux, ce sont les trois conquêtes de l’humanisme cicéronien face à la violence et aux excès de la nature humaine ».

ERASME

ERASME

2 -Autour de la Renaissance, on nous propose quatre figures qui restent dans l’histoire :

 

Erasme, (« On ne naît pas homme, on le devient ») , surnommé « le prince des humanistes » voit dans « l’acquisition d’un savoir ouvert sur le monde la clé de l’accomplissement humain ». Il est parmi les premiers à plaider pour une éducation libérale des enfants.

Montaigne, le sceptique, tout penseur humaniste qu’il soit, émet de sérieux doutes aussi bien sur le magistère de la science que sur la capacité de l’homme à s’élever par la raison au-dessus de la Création. Il se désespère que l’on respecte les hommes savants au lieu d’admirer les hommes sages. Et, face aux ambitions démesurées de la raison, il oppose prudence et mesure, ce qu’il appelle sagesse.

Thomas Hobbes

Thomas Hobbes, le pessimiste, avec son maître-livre, Léviathan, témoigne d’un profond désenchantement : l’homme est par nature si asocial que seul un pouvoir fort peut l’amener à des comportements plus apaisés.

Son exact contraire, John Locke, le libéral, propose une vision beaucoup plus optimiste que celle de Hobbes : parce que doté d’une morale naturelle, il est possible à l’homme de s’améliorer lorsqu’il est libre de consentir aux contraintes de la vie sociale. « Le contrat social garantit une forme d’amélioration de la condition humaine : le consentement volontaire à la vie civile élève l’individu ».

Michel de Montaigne, John LockeMichel de Montaigne, John Locke

Michel de Montaigne, John Locke

À SUIVRE : PART - II-
      LE TEMPS DES LUMIÈRES
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