RECENSION : KABBALE ET FRANC-MAÇONNERIE – L’INTÉGRALE de Marc HALÉVY
L’Académie Maçonnique de Provence publie le livre de Marc Halévy Kabbale et Franc-Maçonnerie, son Président Alain Boccard, dans son propos liminaire, c’est-à-dire sur le seuil de l’ouverture de ce que l’on peut qualifier d’essai comparatif ; confesse dans un élan d’humilité avoir choisi le terme de liminaire plus que celui de préface ou même d’avant- propos.
Il ne s’agit pas de sa part de fausse modestie, non que la lecture de l’ouvrage soit ardue, bien au contraire il n’est pas besoin de se munir d’un dictionnaire pour comprendre la pensée de l’auteur. Il a le talent de la simplicité, sans être dans la vulgarisation. L’on peut à l’épreuve de la lecture, rappeler ce que disait Nicolas Boileau : « Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément. » Il reste que pour l’humble lecteur que je suis, que la richesse de l’œuvre rend difficile la synthèse dans laquelle j’ai osé me lancer. Je comprends mieux au terme de ma lecture l’appréhension, qui a gagnée Alain Boccard.
J’ai dans un passé à la fois lointain et récent au cours de mon chemin initiatique été confronté à la Kabbale, le désir de comprendre m’a fait ouvrir quelques livres, j’en ai conçu souvent de l’amertume, étant resté soit dans l’incompréhension face à des mots d’une complexité rebutante souvent abscons, soit j’ai ressenti l’impression de n’avoir touché que la surface et l’apparence, ce qui en la matière est un paradoxe, la Kabbale touchant avant tout de l’intérieur, de l’ésotérisme, de l’herméneutique.
Heureusement, Marc Halévy possède le talent pour expliquer des phénomènes complexes, c’est sans doute dû à sa formation scientifique et philosophique à la fois, ainsi qu’à sa grande culture. Mais aussi à sa pratique, conjointe des deux méthodes celle de la Franc-Maçonnerie et celle de la Kabbale.
Moi-même éveillé, nourri et élevé en Franc-Maçonnerie, par le Rite Écossais Ancien et Accepté, j’ai pensé que je pouvais au moins frôler la compréhension de ce qu’était la Kabbale.
Pour avoir un peu, trop peu pratiqué le Rite Français, le Rite Émulation, j’ai mesuré la difficulté de mener en parallèle des voies différentes.
L’on parle d’universalité en Franc-Maçonnerie, pour ma part je conçois plutôt des symboles universels et des Traditions distinctes, qui ont leurs propres fondements, leurs références, leurs racines, dans l’espace et le temps. René Guénon parle d’ailleurs de Traditions distinctes et de Tradition Primordiale, pas Universelle. Dans toutes les Traditions se retrouvent des symboles universels, ainsi que des fragments d’autres traditions.
Constatant que le Rite Écossais Ancien et Accepté est le rite maçonnique le plus répandu, faut-il en conclure qu’il est universel au sens stricto sensu ? Je ne le pense pas, on le considère souvent comme une éponge ayant absorbé, le meilleur des valeurs, des vertus, des autres traditions, tout en conservant sa particularité en étant distinct, il assimile, c’est cette capacité qui fait sa vivacité et son développement constant. Il absorbe le suc, le nectar, l’essence, les plus hautes valeurs spirituelles des Traditions anciennes et même des plus récentes ; il en fait sa maïeutique. Il devient ainsi en capacité de proposer à ceux qui ont le désir de connaissance, une propédeutique basée sur des symboles universels, et en particulier sur le symbolisme de la construction, donnant du sens à la vie, à leur vie et in fine à l’humanité, il frôle encore ainsi l’Universel. En refusant le dogmatisme il s’enrichit des différences, rend l’homme plus humain c’est-à-dire plus fraternel avec les autres, et il le rapproche du sacré et du divin. C’est en ce sens qu’il est universel, le point d’orgue de cette tension vers l’universalisme, son apogée est la reconnaissance de d’un principe supérieur qu’il nomme à défaut de le définir totalement, donc de le réduire, Grand Architecte de l’Univers.
Vous pensez peut-être que je fais une digression, que je m’éloigne de la lecture de Kabbale et Franc-Maçonnerie, pas sûr, car le Rite Écossais Ancien Accepté, s’il est imprégné comme l’atteste son Rituel du 1er degré de l’Alchimie, cette ancêtre de la chimie moderne, dont la naissance fût constatée sur les bords du Nil, la al-kimeya arabe qui elle-même vient du grec ancien Khumeia ou Khêmia, cette méthode de transmutation des éléments, des métaux (voir Mircea Eliade Forgerons et Alchimistes), qui fit sa résurgence au moyen-âge, devenant le grand œuvre de la métamorphose de l’homme, méthode dont la Franc-Maçonnerie fit le rapt et qui inspire grandement le Rite Écossais Ancien Accepté.
Qui absorba également la Kabbale, qui est comme le dit Marc Halévy : « Le versant mystique et ésotérique du judaïsme » Les références à l’ancienne loi, à la Torah, à la construction du Temple de Jérusalem, font le corpus de la Franc-Maçonnerie Salomonienne. Jusqu’à la jonction avec la nouvelle loi, inspiratrice des grades Chevaleresques.
Les Kabbalistes ont inscrits dans le triangle lumineux les lettres mystérieuses, comme les Francs-Maçons, ils épèlent ce qu’ils ne peuvent nommer ou alors est-ce Ein sof , le tout, le grand tout, le tout absolu, l’infini, l’Ein sof or ! La lumière sans fin.
Cette recherche de la Lumière, de la Vérité, de la Parole perdue procède d’un désir de spiritualité commune aux deux traditions la Kabbale et la Franc-Maçonnerie de Tradition. Deux voies parallèles qui s’enrichissent, deux sources qui deviennent deux rivières, puis deux fleuves que se jettent dans un océan de spiritualité, d’où émerge le sacré et le divin. Comme les rayons d’un arc dans le ciel, ces traditions éveillent et élèvent l’homme, puis le ramène vers sa mère la terre, dans l’humus.
Comment s’étonner dès lors de la conjonction entre les valeurs, les émanations de la Kabbale et la méthode maçonnique. L’arbre de vie, l’arbre des sephirot est bien présent par exemple au 13ème du Rite Écossais Ancien et Accepté, Chevalier de Royal Arche, l’impétrant en descendant dans sa Voûte intérieure, dans la Voûte Sacré, prononcera peu à peu les noms des sephirot mettant de l’ordre dans le chaos.
C’est dès lors naturellement que Marc Halévy procède à la mise en lumière des analogies entre les deux méthodes Kabbale et Franc-Maçonnerie. Il propose au lecteur de suivre un fil conducteur ou plutôt un chemin spiralé, une ascension vers la connaissance de la méthode de la Kabbale.
Il faut des outils pour préparer une ascension, dans le prologue de son livre il fait la distinction entre Judaïsme et kabbalisme et tout et partie du tout.
Les citations du livre seront en caractères gras et italiques, elles sont censées lever à chaque fois une partie du voile, sur l’essentiel de chaque chapitre (selon moi). Une incitation à aller plus loin, plus haut comme les jacquets sur le camino.
- PROLOGUE
« La Kabbale est le versant mystique et ésotérique du Judaïsme.. »
« La kabbale l’appela (Dieu) Eyn sof le sans fin… »
« Retenons que le Lévitisme où s’enracine le Kabbalisme, n’est pas un monothéisme. »
« La Kabbale n’est pas une doctrine, mais une méthode. Une méthode de lecture et d’interprétation du texte hébreu.. »
« Cette méthode herméneutique à des outils … La kabbale vise l’un..»
« La Kabbale est une réception… »
L’auteur parle de réception, indiquant qu’en hébreu translittéré Qabalah, du QBL qui signifie recevoir.
Daniel BERESNIAK dans son livre la Kabbale Vivante ne dit pas autre chose : « Kabbale est un substantif formé par la racine hébraïque trilitère : Kof, Beith, Lamed. Cette racine exprime l’idée de « recevoir ». Ainsi la Kabbale se traduit par réception. »
BERESNIAK ajoute de manière intéressante : « La réception est le fruit. Ce qui est porté par la transmission est le goût du fruit. Il est incommunicable, autrement que par l’expérience. »
Toute analogie avec le secret maçonnique et l’initiation est vivement conseillée.
Marc HALÉVY retrace ensuite le chemin historique de la Kabbale, exercice nécessaire, toujours savoir d’où l’on vient, pour pouvoir retrouver son chemin. La Kabbale s’intéresse au fond de la pensée.
« …. Le texte devient alors le révélateur de vérités transcendantales que l’on porte en soi sans le savoir. »
Il nous apprend qu’il n’y a pas de doctrine commune à tous les Kabbalistes, mais des chemins parallèles.
Vers la fin de ce prologue, il esquisse les rapports entre Kabbale et Franc-maçonnerie.
« La Kabbale et la Franc-Maçonnerie sont deux fleuves parallèles qui aboutissent au même Océan divin. »
À SUIVRE : Kabbale et Franc-maçonnerie -Part -II- de Marc Halévy.
Le livre : « L’intégrale – Kabbale et Franc-Maçonnerie.
Publié par L’Académie Maçonnique de Provence et les Éditions Ubik – format poche 209 pages Prix 14€
ISBN : 978-2-91-965639-4