LA RESPONSABILITÉ EN QUESTIONNEMENT
Au risque de choquer, nous avons admis il y a longtemps le fait que nous pourrions être responsables mais pas coupables. Sommes-nous toujours responsables d’autrui, ou plutôt suis-je toujours responsable de mon proche, de mon prochain, de tous.
Ce qui fait dire à F.M. Dostoïevski : « Nous sommes tous coupables de tout et de tous devant tous, et moi plus que tous les autres ». (F.M. Dostoïevski -Les Frères Karamazov La Pleïade Page 310.) Ce qui a été repris dans la philosophie
d’Emmanuel Levinas, autrui me regarde et je suis responsable de lui. Je dois tout à autrui, je suis responsable du mal fait à autrui et même du mal fait par autrui. Le moi est toujours une responsabilité de tout, je suis l’otage de l’autre. Je me sacrifie pour l’autre, à l’instar du Maître architecte Hiram ou de Jacques de Molay. En endossant cette responsabilité morale vis à vis d’autrui, je me sépare de la masse, je suis désigné comme élu, être séparé et élu c’est être saint, sans vanité. C’est simplement être humain. Je suis responsable même au-delà de ce que fait, cette gratuité de l’altérité est la responsabilité véritable.
Ce sacrifice, cette épreuve de la responsabilité infinie, cette utopie insensée, est négociée par la réalisation de petites choses, de petits gestes quotidiens. C’est de l’ordre de l’humain, j’ai promis d’aider et d’aimer mes sœurs et mes frères jusqu’au péril de ma vie. Pour donner du sens à ma vie, il faut vivre cette épreuve qui me met en question.
Cette épreuve arrive toujours par l’extériorité par la surprise, par l’étonnement, par la rencontre de l’autre. Alors se met en œuvre l’altérité qui est toujours présente dans mon cœur. Le lien avec autrui est un rapport de responsabilité même sans savoir que faire, que donner il est parfois plus facile de faire son devoir que de le connaître.
Levinas dit à peu près : l’autre me demande et m’ordonne, c’est la signifiance de son visage, il me dit tu ne tueras point.
C’est relation à l’autre est asymétrique, sans réciproque, sans retour de l’autre, comme une pureté de l’altérité. C’est l’obole déposée en toute discrétion.
Je supporte cette responsabilité comme Atlas porte le ciel sur ses épaules, comme un soldat de l’universel, jusqu’à prendre et expier les fautes d’autrui. Est-ce réalisable ? D’être autrement, d’être plus qu’être.
Jean-François Guerry.